Les assemblées sont là pour donner un avis mais tous les participants savent parfaitement que la décision finale est toujours prise par les seuls conseillers 2029 , à huis clos : le secrétaire insiste d’ailleurs dans les registres pour marquer cette décision en deux temps, car même si les conseillers suivent toujours l’avis qui s’est dégagé de l’assemblée, « en adhérent à l’oppinion des notables de ladite ville » 2030 , ils sont les seuls à pouvoir rendre effective une décision 2031 . Il n’y a que de rares cas où l’avis des maîtres des métiers prime, comme lors des élections des conseillers : c’est leur seule prérogative. Leur avis est indispensable lorsqu’il faut aussi faire valider certaines décisions pour qu’elles soient applicables en ville, mais on ne leur demande pas de les discuter, seulement de les entériner 2032 . Leur pouvoir paraît donc essentiellement factice ; or ces assemblées sont bien plus indispensables au pouvoir consulaire qu’il n’y paraît à première vue.
Les conseillers insistent particulièrement sur l’importance des avis des notables et des maîtres des métiers, et soulignent à de nombreuses reprises qu’ils suivront leurs avis puisqu’ils sont l’émanation de la communauté 2033 . Ces démonstrations ne sont en réalité qu’un masque rhétorique, permettant au consulat de faire patienter des envoyés du roi, pour ne pas être obligé de répondre immédiatement à leurs requêtes. Cette explication est suggérée par différents extraits des registres : par exemple en 1477, le receveur général du roi demande une réponse rapide aux lettres qu’il vient d’apporter : les conseillers répondent « qu’ilz estoient là en bien petit nombre et lesdites lettres closes s’adreçoient aux conseillers, manans et habitans de ladite ville, sans lesquelx et à eulx et autres leurs compaignons de ladite ville, communiquer ceste matière et le bon plaisir du Roy nostredit sire ne luy pouvoient faire ne donner aucune response entière et précise » 2034 . Les conseillers prennent volontairement les formulations des missives royales au pied de la lettre, alors qu’il s’agit de topoi qui ne correspondent plus au mode de gouvernement des villes.
L’assemblée doit faire gagner du temps aux conseillers : il est aisé de prétendre qu’elle n’a pu être encore convoquée 2035 , que les présents ne sont pas assez nombreux pour pouvoir prendre une décision au nom de toute la communauté 2036 , puis que les discussions durent et que les débats sont longs pour le bien de la ville. Jamais les conseillers ne se plaignent de la longueur des débats, surtout lorsque les décisions demandent plusieurs assemblées : ainsi pour mettre en œuvre la levée d’une aide demandée par le roi en 1427, 26 réunions successives sont nécessaires 2037 … Cette façon d’instrumentaliser les assemblées est reconnue ouvertement dans un extrait de 1424 : la ville de Lyon doit payer au roi une aide, les conseillers décident donc que « l’on enduyra demain les meistres des mestiers à mettre sus le second paiement [de l’aide de Selles] et s’ilz ne le vuellent faire que l’on s’en excusera sus eulx » 2038 . Seuls les conseillers ont le pouvoir de décision, mais face aux envoyés du roi, ils insistent toujours pour souligner que la réponse qu’ils donneront sera « ainsi que par le corps commun de ladite ville conclu et ordonné seroit » 2039 . Le respect des traditions de la commune et de la consultation du corps commun est très avantageux : il est facile de réclamer cette collégialité qui n’est qu’un expédient pour faire attendre une réponse délicate 2040 . Une assemblée début mars 1477 est particulièrement représentative de ces considérations dans la narration qu’en donne le secrétaire de la ville : le commissaire du roi vient d’apporter une lettre du souverain qui demande à la ville 3 000 écus. Les conseillers lui répondent que :
‘« en ensuyvant la coustume de ladite ville, ilz avoient mandé tous les notables et maistres de mestiers de ladite ville, sans lesquelz en semblable cas ilz ne pouvoient riens besoigner, lesquels notables estoient venuz oudit hostel commun en bon et grant nombre et après lecture desdites lettres missives faictes à eulx, ilz avoient esté et estoient tous joyeulx et consoléz desdites lettres pour les grans biens et prospérité du roy notre sire qui luy estoient advenuz et advenoient chacun jour, aussi de la venue dudit maistre Guillaume Deneve, trésorier, et s’estoient tous universalement déclairéz qu’ilz vouloient accomplir le bon plesir et vouloir du Roy notre Sire, comme toujours avoient fait et estoient délibéréz de la faire, mais touchant la somme demandée par ledit maistre Guillaume elle estoit bien grande en regart des grandes charges, ouvailles 2041 et inconvéniens qui depuis dix ans en ça estoient survenuz à ladite ville, mesmement l’année prouchaine passée, tant par gens de guerre que la ville et plat pays avoient soubtenuz comme par mortalitéz, tempeste, stérilité et multitude de tailles que autres charges. » 2042 ’La convocation de ces assemblées permet aux conseillers de conclure à l’impossibilité de payer cette somme, en attribuant ces paroles au collège des citoyens de Lyon 2043 . Ainsi en 1427, les conseillers peuvent décider avec aplomb « que l’on responde à monseigneur le bailli et es gens de monseigneur le connestable que le peuple n’est point d’entention de mettre taille sus, pour quelconque cause que ce soit » 2044 . Outre le fait que l’attribution de ces paroles ne peut leur être imputée, leurs réticences face aux demandes royales sont masquées, cette entrée en matière est aussi une tactique : refuser en bloc la demande, puis donner finalement l’impression de céder en œuvrant pour sa mise en place, permet de réclamer un temps de payement plus long 2045 . Cette façon d’obtenir des délais est quelque peu cavalière et il est probable que les envoyés du roi n’en sont pas dupes. Ce recours indispensable et formel aux assemblées renvoie l’image d’une ville atypique, fonctionnant comme au temps des débuts de la commune. En minimisant leur pouvoir, les conseillers évitent des réprimandes directes si les conclusions ne sont pas au goût des envoyés royaux, comme en 1496 lorsque l’assemblée de la ville refuse de payer l’emprunt que demande le roi : en prenant connaissance de la conclusion de l’assemblée, les représentants du roi « dirent [aux conseillers] qu’ilz ne acceptoient pas icelle response pour ce qu’elle leur sembloit estre fort estrange actendu qu’elle estoit totalement négative, dirent en oultre plus que ladite ville y devoit penser et se assembler afin de faire meilleur response en manière que le roy eust cause d’avoir tousjours ladite ville en singulière recommandacion » 2046 . La ville gagne du temps, au grand dam des envoyés royaux qui ont parfaitement compris ce petit manège.
Le recours aux assemblées permet de développer une rhétorique bien rodée pour refuser les impôts ou du moins obtenir une baisse des sommes que demande régulièrement le roi. Le présupposé de cette rhétorique est que toute demande d’argent de la part du roi est jugée « excessive » et / ou « insupportable » 2047 pour la ville, l’audace des conseillers les pousse même parfois à indiquer faussement un montant maximum qu’auraient demandé les souverains de toute éternité 2048 . Dans la première moitié du XVe siècle, la guerre permet régulièrement de justifier les infimes possibilités financières de la ville 2049 , à l’image de cette conclusion en 1427, face à une nouvelle demande d’aide : « ilz ont conclu que, exposans les povretés, charges, petite closure, le petit avitaillement et la petite fourniture d’arnoys et les grands debtes de la ville de Lion, que l’on delaye le plus que l’on pourra » 2050 . Deux topoï sont par la suite particulièrement employés pour justifier cet hyperbolisme. Le premier souligne qu’il faut tenir compte du fait que la ville a une position de frontière 2051 , elle est donc dans une situation dangereuse, l’argent doit d’abord être employé à ses fortifications. Le second, encore plus fréquent, met l’accent sur le risque de « dépopulation » et de « destruction » 2052 qu’une fiscalité excessive ferait peser sur la cité. Cette crainte est aussi évoquée dès que les privilèges des foires sont remis en question ou qu’une nouvelle législation pourrait s’avérer moins profitable au grand commerce lyonnais 2053 . Dernier argument, la ville ne peut payer car elle est dans une situation très difficile, sa population est extrêmement pauvre et déjà au bord de la famine 2054 . Ces arguments sont tous très excessifs : il s’agit d’émouvoir, voire de faire pitié pour obtenir une réduction d’impôt. Personne n’est dupe de cette façon d’agir, il s’agit quasiment d’un rituel pour que le pouvoir concède une diminution de ses demandes 2055 . D’ailleurs pour arriver à ces fins, consulat et assemblées n’hésitent pas suivant les affaires, à utiliser l’un de ces arguments ou son contraire, s’il est mieux approprié : en 1483, pour éviter que les marchands étrangers ne payent de droit d’aubenage 2056 , les Lyonnais prétendent que Savoie et Bourgogne sont depuis longtemps considérées par le pouvoir comme faisant quasiment partie de la France, donc que Lyon n’est pas vraiment une ville frontière, ce qui justifie la demande de non-application de ce droit à des marchands qui sont en fait presque français 2057 .
La rhétorique des assemblées est différente de celle du consulat : les avis peuvent être plus francs, plus directs, parfois même beaucoup moins policés. Une certaine familiarité peut percer dans les discours, comme en 1484 lorsque les participants à une assemblée sur le retour des foires à Lyon, soulignent que si le roi veut bien rendre ne serait-ce que deux des quatre foires qu’il a supprimées à Lyon, « les doit l’en prendre pour tousjours avoir ung pié dedans, en espérant d’avoir mieulx avecques le temps » 2058 . La franchise des participants fait qu’ils n’hésitent pas à protester contre la trop grande régularité des demandes royales : un tel discours ne pourrait pas être tenu par les conseillers, mais il peut être l’objet d’un compte rendu sans risque pour l’institution, à défaut d’être acceptable. Ainsi en 1492, les mandés à une assemblée n’hésitent pas à souligner que le roi n’a toujours pas remboursé l’emprunt précédent « et maintenant l’on vient demander à ladite ville comme à ville exempte la somme de 12 mille livres tournois par don, plus grant sans comparaison que gabelle de ce royaume qui sont choses toutes desraisonnables, insupportables voyre impossibles sans dépopulacion de ladite ville. Et ne pourroient croyre lesdits notables et conseillers que lesdites choses procédissent du sceu ne consentement du Roy, actendu qu’il a tousjours dit qu’il ne veult que sadite ville soit plus foullée ne pirement traictée que les autres bonnes villes » 2059 .
Il est possible que l’insistance sur le poids de l’avis des notables et des maîtres des métiers serve là aussi à gommer la responsabilité des conseillers lors de prises de décisions délicates 2060 ou impopulaires. Du coup, on peut s’interroger sur la raison de l’existence d’assemblées où notables et maîtres des métiers s’en remettent aux conclusions des conseillers : ils bradent eux-mêmes leurs prérogatives, celles d’orienter la politique de la ville. C’est une manière de reconnaître la supériorité du consulat et de se décharger de toute décision politique. L’indécision qu’ils affichent quant aux différentes solutions qu’ils proposent laisse perplexe… C’est pourquoi il est difficile d’imaginer qu’il n’y ait pas de raisons sous-jacentes à ce comportement. Les participants ne sont certainement pas dupes des calculs des conseillers, d’ailleurs chaque fois qu’ils laissent le soin de prendre une décision aux seuls conseillers, il s’agit d’un problème d’impôt. En 1477, le roi demande 3 000 livres à la ville et les conseillers indiquent qu’« en toute diligence et possibilité l’en doit faire et accomplir le bon plaisir, mandement et commandement du Roy nostredit sire et luy subvenir en tous ses affaires ». Les participants répondent que « ladite taille soit mise sus à la discrétion et par l’advis et délibéracion desdits conseillers, ainsi et par la forme et manière que mieuls faire se pourra, au prouffit, utilité et solagement des citoyens, manans et habitans de ladite ville si autre moyen et expédicion plus utile et prouffitable ne se peut trouver avec ledit commissaire, lequel moyen laissent iceulx maistres de mestiers et notables à la discrétion desdits conseillers » 2061 . Ils laissent ainsi l’entière responsabilité des choix effectués aux conseillers : cela leur permet de se protéger si jamais la colère populaire grondait. Ce type de comportement déplaît profondément au pouvoir consulaire 2062 qui se trouve soudain confronté à des responsabilités dangereuses, parce que susceptibles de déclencher l’ire de la population.
Enfin, il se peut que les formules louangeuses à l’égard du rôle des participants aux assemblées soient destinées aux mandés eux-mêmes : l’illusion de participer à la vie politique suffirait à désamorcer les accusations de confiscation du pouvoir 2063 , et calmerait les personnages les plus remuants politiquement parlant, même si cette association ponctuelle aux décisions de la ville n’est que de façade. En 1487, les conseillers décident de choisir quatre commis pour les aider dans les affaires courantes : des articles sur les pouvoirs de ces commis ont été rédigés, mais il faut les « communiquer esdits notables affin de y adjouster, diminuer, muer ou changer se besoing estoit » 2064 . Cet extrait pourrait laisser penser que les conseillers sont soumis à la pression de l’élite urbaine qui a son mot à dire lors des assemblées, mais la possibilité offerte aux notables de modifier tel ou tel article est surtout rhétorique : ce sont les conseillers qui choisissent en dernier recours.
Il existe aussi des assemblées purement informatives où les conseillers se contentent d’apprendre aux notables et aux maîtres des métiers certaines nouvelles. Ainsi l’assemblée du 10 septembre 1417 est seulement convoquée par prudence, non pour susciter des discussions (les conseillers annoncent qu’il n’y a pas assez d’argent dans les caisses pour la fortification de la ville et tiennent à s’en dédouaner. 1417, RCL1 p.74) ; même chose pour les assemblées du 19 janvier 1427 à propos du choix des ambassadeurs de la ville, et du 24 novembre 1427, qui informe les participants des dernières lettres que le prince d’Orange a écrites à la ville (1427, RCL2 p.214 et p.251). Idem pour une assemblée mandée « pour commniquer et signiffier au peuple de ladite ville certains deux paires de lectres closes naguères et novellement tramises et escriptes pour le roy », 1465, BB10 f79v. Il ne s’agit en aucun cas pour les mandés de donner un quelconque avis sur le contenu de ces lettres.
1484, BB15 f254.
La conclusion est celle des « assemblés dessus escripts, excepté les conseillers qui délibèreront à part », 1428, RCL2 p.274. Les membres du consulat délibèrent à huis clos, ils ont « finable conclusion, sans que pour cette cause l’on soit plus ensemble », 1427, RCL2 p.218 ; idem 1420, RCL1 p.226. La décision définitive est prise « après le département desdis maistres des mestiers », 1420, RCL1 p.226 ; 1423, RCL2 p.54. « Et après l’issue desdits notables et maistres des mestiers dudit conseil, tous les dessus nomméz conseillers se sont accordés et joinctz aux oppinions et délibéracions dessus dites », 1472, BB15 f221-222 ; « après lesquelles oppinions et yssue desdits notables dudit hostel lesdits conseillers, (…), ont délibéré que puisqu’ilz ont mandé lesdits notables et que la grande oppinion d’eulx est qu’on ne doit laisser d’accorder pour lesdites clefz, qu’on en doit faire response à monseigneur le lieutenant et à monseigneur le juge mage», 1479, BB350, cahier 1, f37 ; « et ce fait lesdits notables s’en sont despartiz, après l’issue desquelz lesdits conseillers ont arresté que », 1487, BB19 f58v.
Les conseillers décident d’une réunion pour définir certains articles « et iceulx articles corriger en ce que besoing sera, puis si iceulx articles sont trouvez bons, mander les maistres des mestiers pour les passer en manière que la chose soit vallable », 1487, BB19 f47v.
Le secrétaire prend toujours soin de spécifier que telle décision a été prise suivant « l’octroy et bonne volenté des meistres de mestiers », 1425, RCL2 p.129. Il convient de « mander conseillers vieulx et nouveaux, maistres des mestiers et autres des notables bourgoys, manans et habitans de ceste ville de Lion, à guise accoustumé, pour avoir conseil et pourveoir aux afferes de lad ville », 1446, RCL2 p.506 ; « iceulx conseillers avoient fait fere ladite congrégacion et assemblée desdits maistres des mestiers et notables requérans sur ce leurs advis, délibérations et consentemens pour iceulx ensuyvre et mectre à execusion de toute leur possibilité et ainsi que par eulx consenti et accordé leurs seroit », 1467, BB10 f302v. Une assemblée est convoquée « pour avoir sur tout advis et délibéracion et consulter iceulx mandés comme et en quel manière ilz [les conseillers] se devoient conduyre et gouverner », 1471, BB15 f174 ; les conseillers demandent aux notables et maîtres des métiers « leurs advis, conseil et oppinions et comme ilz se devoient gouverner es matière », 1472, BB15 f215v.
1477, BB14 f25v. Autre exemple : « mais pour ce qu’ilz estoient illec en petit nombre et que lesdites lettres closes s’adressoient aux bourgoys, manans et habitans de ladite ville, sans lesqueulx et à eulx et autres leurs compaignons conseillers de ladite ville communiquer ceste matière et bon plesir du Roy ne leur pouvoient donner response entière et précise, requérans sur ce iceulx conseillers terme et délay compétent », 1475, BB13 f5. « Lesquelz conseillers, par la voix dudit Baronnat, ont dit qu’ilz n’estoient pas bon nombre pour leur faire response et que leur plaisir feust leur donner terme pour eulx assembler et mander leurs compaignons, et aussi des notables », 1478, BB16 f62v. Nouvelle demande du roi de 8 000 livres : les conseillers répondent qu’il est besoin d’avoir « le sceu, vouloir et consentement de la plus grand et saine partie de ladite ville », 1489, BB19 f122v.
Les conseillers « ne lui pouvoient fere response ne déclaracion pour ce qu’ilz n’avoient encoures peu dire ou communiquer icelle matière es notables et autres d’icelle ville acqui communiquer la convenoit mais que surtout ilz avoient bon advis et en tramectoient devers le Roy », 1467, BB10 f267v. Un envoyé royal apporte aux conseillers une demande d’argent de la part du roi : « auquel ilz ont respondu que, pour ce que la chose touche tout le corps de ladite ville, ilz manderont, ainsi qu’ilz ont acoustumé faire, à dimenche prouchain venant, car plustost ne peuvent avoir les notables et maistres de mestiers de ladite ville pour leur communiquer le contenu de ladite lettre et après lui feront response », 1479, BB351, cahier 1, f8.
Ils ont déclaré « qui ne soit sy hardiz de procéder ne faire procéder plus avant jusques à ce qu’il soit plus à plain et par plus grant nombre de gens », 1453, BB5 f199 ; « il a semblé esdits conseillers et autres dessus assemblez la matière estre et avoir mestier et besoing délibéré en plus grant nombre de personnes », 1462, BB7 f293 ; « ont respondu qu’il ne sont pas assez pour souffisament délibérer ne conclure en ceste matière car la chose est de poys et y doit l’en avoir grant regard », 1466, BB10 f181v. Arrive une lettre du roi demandant 5 000 écus à la ville : « actendu que lesdits lectres missives s’adressent es conseillers, bourgeois, manans et habitans de la ville de Lion, et que ceste matière estoit de grant importance, ilz estoient trop petit nombre et requeroit bien ladite matière plus grant nombre et gens pour icelle bien examiner » : la délibération est reportée lors d’une assemblée avec plus de participants. BB352, 2 janvier 1482.
Tous les prétextes sont bons pour reporter la décision et convoquer une nouvelle assemblée : « comme pour aucuns de ladite assemblée avoit esté oppiné qu’il seroit tropt excessive et chargeable chose et forte à lever et pour ceste cause et avoir sur ce advis et conseil de la manière de procéder en la matière », il a été décidé que « pour mieulx conclure et appoincter sur tout devoient mander et assembler de rechief et promptement », 1467, BB10 f306v.
1424, RCL2 p.105.
1467, BB10 f286v.
Les conseillers ne sont pas responsables de ce manque de rapidité et ils affichent au contraire bien haut le fait qu’ils ne tentent rien pour brusquer les assemblées. Les représentants de la population semblent totalement dupes de ces manœuvres, car ils font tout pour faire durer leurs réunions, peut-être dans le but de tester le respect que les conseillers doivent à ces assemblées populaires : ils n’imaginent pas que le consulat se sert de ce respect des traditions urbaines pour ne pas avoir à servir trop diligemment le roi dès que de l’argent est en jeu. Ainsi le 25 juillet 1424, 75 personnes sont réunies : « ilz ont concluz que ilz leur semble que avant ce que l’ont mette le second paiement de Selles sus, que l’on doit mettre fin tous le compte et faire paier toux cieux qui doyvent du premier, afin que le pueple saiche se il y a argent de demorant ou non. Et quant est à la journée que les conseilliers ont a remué à deman ilz en eviseront encores et deman au matin ilz diront leur advis du remède », 1424, RCL2 p.105.
Ouvaille ou ouvalle, ovale, orvale = problème, sinistre, accident.
1477, BB14 f28.
Il n’est pas rare que les conseillers, avant même d’interroger les représentants de la population sur un sujet, anticipent déjà d’une réponse négative des assemblées et d’un émoi dans la cité face à des demandes jugées exorbitantes de la part du roi : cette peur d’une émotion populaire est soulignée à de nombreuses reprises, comme pour démontrer aux envoyés royaux les risques que ces demandes font courir au consulat, qui par dévouement pour le souverain accepte de les prendre. Exemples : en 1474, il est nécessaire de trouver une forte somme pour veiller aux réparations des fortifications de la ville, mais elle « pourroit estre cause de trop presser et scandaliser le peuple commun de la ville », 1474, BB12 f70v ; de même en 1479, le roi ordonne aux conseillers de lever une taille rapidement, ils répondent que « s’il faisoit exécucion telle qu’il disoit, ce seroit pour scandaliser tous les habitants », 1479, BB351, cahier 1, f14.
1427, RCL2 p.234.
Le lendemain le commissaire revient devant les conseillers qui « luy ont remémoré les grandes charges et affaires de ladite ville que desja luy avoient remonstréz » et qui demandent donc un délai jusqu’à Pâques, protestant « qu’ilz n’y sauroient ne pourroient faire autre chose pour le présent, soy offrans toujours comme dessus en tout et par tout faire et acomplir le bon plaisir et vouloir du Roy et qu’ilz ne cuydoient point que ledit seigneur bien informé des choses, charges et affaires de ladite ville et du bon vouloir des citoyens et habitans d’icelle ne se contentast de ladite ville », 1477, BB350 f8. Ils annoncent qu’ils ont trouvé des gens pour payer la somme, et finalement le délai est accepté (1477, BB14 f30v).
1496, BB24 f28v-29.
Robert de Valey, conseiller du roi, est chargé de faire lever dans toutes les villes de France un impôt devant servir à « fortiffier les villes (…) es frontières de Picardie » : les conseillers lui répondent que « la somme de quatre cent escus demandée est excessive et comme insupportable à ladite ville », 1473, BB12 f37v ; « ladite somme d’argent esdites lectres mencionnées soit grant et bien excessive, voyre quasi insupportable à ladite ville », 1485, BB15 f297.
Le roi demande 10 000 livres, les conseillers rétorquent aux commissaires royaux « plusieurs remonstrances à eulx fectes et que jamais emprunt fait par ledit feu Roy Loys en ladite ville n’avoit excédé cinq mil livres tournois », 1488, BB19 f102.
Ces possibilités ne sont pas toujours minimisées. Lyon, comme beaucoup de villes, souffre de cette situation peu propice au commerce et à la prospérité économique. Toutes les villes du Nord de la France connaissent le même processus : « ravage du plat pays, extension du chômage, épuisement des réserves de vivres et de numéraires ; une mauvaise récolte survient, et les pauvres meurent en masse aux portes des hôpitaux ». Le dépeuplement des villes est un phénomène sensible pour les contemporains : même si chaque ville a ses propres rythmes, si au sein d’une même région les évolutions divergent, il reste indéniable que c’est une période de crise démographique. Les séries d’effondrements et de récupérations sont spectaculaires : « cette évolution spasmodique engendre dans chaque ville des déséquilibres multiples ». J. Rossiaud, La ville en France au Moyen-âge, op. cit., p.408.
1427, RCL2 p.239. On trouve la même tonalité dans une déclaration unanime en 1421 où les assemblées demandaient que l’on notifie au bailli « les charges, griefz, domages, réparations de la ville, la grant garde de la ville et le grant pourpris d’icelle et le petit nombre de gens de la ville et les grans embarras que l’on at à la ville » pour échapper à l’aide demandée par le roi. 1421, RCL1 p.319.
Les conseillers refusent de donner l’artillerie de la ville aux armées du roi, « comme ladite ville est de grant garde, située et assise en pais de frontière et pour ce a mestier d’estre bien artillié pour la garde d’icelle », 1471, BB15 f143-v. Le bailli demande au nom du roi de « lui bailler et fournir vivres tant en blefz, avoynes, vins, lars, sel, huyle et autres choses mengeables pour un moys et pour six cent parsonnes et autant chevaulx » ; les conseillers répondent que « ladite ville et tous les corps et biens des manans et habitans d’icelle sont au Roy et à son services et commandement et pretz tousjours d’obéir à tout ce qu’il luy plaira mander et commander comme vray et loyaulx subgetz et au regard desdits blefz, vins, lars et autres vivres demandéz par monseigneur le bailli, qu’il ne constoit pas que le Roy l’eust ainsi mandé et ordonné le fere ce qu’il a acoustumé de fere par son bon plaisir et tel aussi luy remonstrer comme desjà avoit esté fait que en ladite ville n’avoit nulz blez ne autres tieulx vivres que demandoit ledit monseigneur le bailly, et mieulx et plus utile chose seroit au Roy et à la chose plublicque de son royaulme bien advitaillier ladite ville, laquelle estoit en grans regard et en frontière que de icelle défornir de vivres et aussi que l’abendance desdits blefz et vivres venoit et estoient amenéz iceulx blefz et vivres en ladite ville dudit lieu de Charlieu et des pays circonvoysins », 1472, BB15 f222. Le roi demande 20 000 francs, ce qui est bien trop, vu que « ladite ville située et assise en frontière et laquelle est besoing de grans réparacions et estre bien artillée pour la garde d’icelle et conservacion d’ung grand quartier du Royaume, pais du Daulphiné et de Languedoc », 1473, BB12 f45.
Les conseillers décident, après avis de l’assemblée d’« aller voir le roy et son conseil et lui remonstrer les grants charges et préjudices de ladite ville pour raison et à cause tant des tailles, aides et subsides lesquelles y sont levéez très aprement et aussi les marques et contre marquez levéez es yssues de ladite ville qui sont cause de la vuydange et dépopulation de ladite ville », 1461, BB7 f236. Le roi demande 20 000 francs : les conseillers sont d’accord pour l’aider mais la somme « est trop excessive et ne seroit possible d’y pouvoir fournir sans fere grant violance et oppression aux habitans de ladite ville et seroit cause de la dépopulacion d’icelle », 1473, BB12 f45.
« Item touchant la crié que monseigneur le conte de Commenge a fait aujourduy fere, c’est assavoir que tous les natifz des pais et terres du duc de Bourgogne aient à vuyder ceste ville devers mercredi prochain sous paine d’estre gestéz en la revière et avec ce luy révéler les biens, marchandises et debtes desdits de Bourgogne sous autres grosses paine, ilz ont conclu d’en aller parler à monseigneur de Commenge et lui remonstrer le grant dommage et dépopulacion qui s’en ensuyvroit à ladite ville, mesmement touchant ceulx qui de longtemps y sont mariéz et y ont leurs biens et qui sont bons, sans aucune suspicion », 1471, BB15 f153. Les lettres indiquant un changement de cours de la monnaie, leur publication « sera grand esclandre et espovantement à tous les habitans et marchands fréquentans lesdites foyres, aussi que donner plus grant fatigue aux gens sera ou pourra estre cause de la dépopulacion de ladite ville », BB350, cahier 2, 5 avril 1478. La suppression des foires en 1484 « est totalement la destruction et désolacion d’icelle »ville, 1484, BB15 f259.
Le roi demande 5 000 livres : les conseillers indiquent que la ville ne peut payer à cause de « la famine et grand cheretié de vivres qui estoit ce ja deux ans a avoir esté tant en ceste ville que au pays d’environ, tellement que le povre peuple n’avoit de quoy paier denier ains avoit beaucop affere à vivre. Item, la mortalité où la pluspart des gens de bien de ladite ville qui pourroient paier quelque chose estoient morts et ceulx qui estoient demouréz avoient esté contraints bailler le peu qu’ilz avoient pour fere venir bledz pour d’advictaillement des povres habitans desdits ville et pays qui autrement feusent affamez et morts misérablement », 1483, BB17 f52v-53. Demande de 8 000 livres de la part du roi, les conseillers répondent à ses envoyés que, « remonstrant les grands dangers et povreté de ladite ville leur supplier en toute honneste, humilité et douleur qu’il soit leur plaisir tenir et avoir ladite ville en ceste matière pour excusée », 1489, BB19 f123v.
Ce mode de négociation fonctionne plutôt bien : en 1473, les conseillers du roi proposent 10 000 francs au lieu des 20 000 d’abord demandés aux conseillers ; le consulat et l’assemblée jugent toujours « trop excessive et comme impossible » cette somme et proposent 6 000 francs : « finablement, conclu et appoincté a esté avec iceulx seigneurs à la somme de huit mil francs, de laquelle et non de moyndre se sont contentez », 1473, BB12 f45v.
Droit d’aubenage ou d’aubaine : à la mort de tout marchand étranger vivant en France, le roi récupère ses biens. Cette règle ne s’appliquait pas à Lyon, ce qui rendait particulièrement attractive l’installation dans cette ville pour les marchands des contrées voisines.
« En ceste ville qui est située en frontière et entrechassait à Savoie, Bourgogne et autre pays et en laquelle chacun a coustume de venir libéralement et soy acaser, mesmement ceulx de Savoie et Bourgogne. Et quant ledit procureur du Roy vouldroit poursuyre droit d’aubenage contre ceulx de Savoie et Bourgogne, il feroit contre les droitz royaulx, car le roy a voulu et veult tousjours soubtenir et maintenir que le Royaume s’extant d’une pare jusques es Alpes où est encloz le pays de Savoie, et jusques au Rin où est en cloz le pays de Bourgogne, et ainsi seroit contre les droiz royaulx. Pareillement en énervacion des privilèges des foyres par lesquelz le Roy veut que tous les marchands et autres, excepté les Angloys anciens ennemis, puissent venir demorer, et eulx acaser, tester et ordonner de leurs biens comme ilz feroient es lieux dont ilz sont natifz et que à iceulx succéderoient ceulx qui par droit devroit succéder comme s’ilz estoient en leurs lieux, par quoy droit d’aubenage ne peut ne doit avoir lieu », sinon ce « seroit la totale destruction de ladite ville », 1483, BB17 f51.
1484, BB15 f271v.
1492, BB19 f267. Autres exemples : protestation des participants à une assemblée pour trouver de l’argent pour le roi « pour ce que la ville a esté par cy devant es années derrière passées surchargées en maintes manières », 1506, BB24 f533 ; nouvelle demande d’argent à la ville par le roi : les conseillers reprennent les paroles des participants aux assemblées demandant de « remonstrer bien amplement comme ladite ville n’a aucuns deniers communs et les grans et quasi insupportables charges supportées par ladite ville depuis deux ou trois ans en ça tant au moyen des grands bellouvards et tranchées et autres fortifficacions et réparacions, que leur a convenu faire munition d’artillerie, la grand charge des gens de guerre que autrement leur suppliant qu’ilz voulsissent de ce advertir ledit Sire et intercéder et supplier de par eulx qui luy pleust soullager ladite ville », 1515, BB33 f287.
Le bailli refuse de clore un passage dans la muraille, ce qui pourrait s’avérer dangereux : les conseillers, conscients du problème, convoquent une assemblée « affin que aucune négligence ne leur peust estre imputée », 1465, BB10 f62v-64. Autre exemple : « les establies se feront par délibération du conseil en nombre souffisant afin que ceulx qui seront establiez n’aient cause de murmurer qu’ilz aient esté establiz à l’appetit de quelque particuliers », 1498, BB24 f156.
1477, BB14 f27. En 1483 se pose un problème pour la garde de la ville : les notables convoqués répondent « en priant lesdits conseillers de persévérer et soy soigner à ladite garde tousjours de bien en mieulx, jusques à ce que les choses soient mises et réduytes en l’estat qu’elles devoient estre ou qu’ilz aient sur ce autres nouvelles seures », 1483, BB17 f83. Assemblée en 1496 concernant 9 000 livres demandées par le roi : les participants concluent que « les conseillers facent à par eulx au mieulx qu’ilz pourront », 1496, BB24 f27.
En 1470, le roi demande 1 000 écus à la ville, les conseillers sollicitent l’avis des maîtres des métiers et des notables soulignant qu’« on n’y devoit contredire ne reffuser, ains lui octroyer libéralement ladite somme », ces derniers répondent que « lesdits conseillers missent et imposassent ce qu’ilz verront et cognoystront estre expédient et nécessère ». Dépités de n’avoir pu se décharger de l’impopulaire mise en place d’une taille, les conseillers ne se résignent pas à devoir prendre seuls cette décision et convoquent une plus grande assemblée les jours qui suivent pour régler le problème. 1470, BB15 f130-131.
Le consulat fait toujours très attention à faire miroiter l’aspect indispensable de leurs avis et conclusions aux maîtres des métiers, d’autant qu’il est souligné dans le serment : lors de leurs serments, ils promettent de « soy assembler touteffoys qu’ilz seront mandez pour les affaires de la dite ville et il leur sera possible, dire et en leurs consciences leurs advis et oppinions de ce qui lors leur sera demandé », 1448, RCL 2, p.597 ; idem p.634.
1487, BB19 f51v.