Dernier aspect des assemblées qu’il nous faut évoquer : la manière de prendre les décisions. Les informations contenues dans les registres permettent de s’interroger sur plusieurs points : la décision donnée par l’assemblée est-elle unanime ou majoritaire ? Comment les conseillers procèdent-ils pour qu’elle serve au mieux les intérêts du consulat ? Pour répondre à ces questions, nous avons relevé toutes les indications données par le secrétaire lors des années test, à commencer par les formules décrivant la prise de décision.
Ces formules ont été classées et regroupées dans des tableaux : dans chacun d’eux, pour chaque année, nous avons donné en tête de liste la formule (et ses déclinaisons) la plus utilisée, puis les autres expressions relevées. Le fractionnement en plusieurs tableaux nous a été dicté par les évolutions langagières qui ont pu être relevées : quatre périodes ont ainsi été séparées, 1417-1434, 1447-1477, 1487-1497 et 1507-1517.
Années | Formules (par ordre décroissant d’utilisation) | Part des différentes formules (%) | ||||
1417 |
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1427 |
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1434 |
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Pour les années 1417, 1427, 1434, deux expressions type dominent et résument la décision : « ils ont été d’accord » (67% en 1417) et « ils ont conclu » (96% en 1427 ; 66% en 1434). Ces verbes insistent particulièrement sur la bonne entente et l’achèvement du débat ; ces formules simples impliquent l’unanimité puisqu’aucun avis contraire n’est signalé, sauf une fois en 1427 (ce qui représente 3% des assemblées) et deux fois en 1434 (soit 7% des assemblées). Cela signifie-t-il que ce sont les seuls débats qui ont eu lieu, ou le secrétaire cherche-t-il seulement à préserver une forme d’unité le plus souvent possible ? La dernière explication est la plus plausible, mais pour être nuancé il faut sans doute la coupler avec un autre aspect : il n’est pas dans la pratique du consulat ni du secrétaire que chacun ait un avis bien noté. Dans une vision purement utilitariste des registres et de la mémoire, il importe seulement de connaître la décision finale, les étapes pour y arriver sont anecdotiques 2116 . Y. Grava a travaillé sur les enquêtes portant sur les conditions de vie des gens en Provence : la mémoire est sollicitée sur des objets précis, organisée en chapitres, restituée imparfaitement à travers de nombreux filtrages imposés par les questionnaires. Dans les réponses notées, il y a un côté sec, intellectuel : les gens disent ceci et « multa alia », et ce bavardage est perdu pour nous. De plus, la parole est donnée uniquement aux gens désignés comme les plus idoines, reconnus comme ayant une bonne renommée : dans le village s’imposent quelques lignages reconnus comme fiables, qui sont la mémoire de la communauté 2117 . L’attitude du secrétaire du consulat reflète des pratiques qui sont celles de l’époque.
On est frappé en général par l’absence de comptes rendus de débats, par l’unanimité même après différents avis. La plupart des assemblées sont rapportées uniquement à travers leur conclusion : en 1418, le secrétaire indique que « tant conseillers comme autres de la ville, en nombre de IIC personnes ou environ, ont concluz… » 2118 , sans qu’aucun débat ne soit indiqué. Dans ce compte rendu, les noms des participants, qui ne sont pourtant pas tous cités, prennent plus de place que la conclusion elle-même. Le secrétaire signale parfois que les conclusions se prennent « heu la oppinion d’un chascun » 2119 , mais elles sont cependant unanimes : ils ont « esté d’acord tous et d’une voys … » 2120 , « sur lequel fait les derrier nommez ont esté de une oppinion et accord » 2121 … Ces avis différents ne sont indiqués que pour mieux mettre en valeur l’unanimité finale, et souligner ainsi la cohésion de ces participants 2122 .
La règle de l’unanimité est liée à la volonté de conserver la bonne entente qui doit régner au sein d’une communauté. L’introduction de la technique majoritaire implique une conception différente de l’association, moins préoccupée par l’expression des différences et des différends : c’est le signe qu’une place plus grande est laissée à l’individualité des membres, mais c’est aussi la marque d’une conception apaisée du désaccord. Selon Léo Moulin 2123 , tolérer la division des voix est une pratique typiquement laïcisée. Cette pratique inspire encore un certain malaise au consulat, puisque le secrétaire cache généralement les contradictions. L’une des manières de camoufler les divergences est l’ellipse : le secrétaire ne rapporte que le résultat des débats, voire même condense les discussions de plusieurs assemblées. Ainsi en 1422, les débats portent une fois de plus sur la manière de trouver de l’argent pour l’aide demandée par le roi, le secrétaire indique alors :
‘« et après par pluseurs jours, c’est assavoir les lundi, mardi, mercredi, ensuivans, les dessus nommés, tant conseilliers vieux comme nouveaux, maistres des mestiers et autres, ont esté ensemble et fait pluseurs conclusions touchans ladite matière, lesquelles lesdis commissaires n’ont voulu ne ouzé accepter, pour ce que l’aide que l’en leur présentoit estoit moindre qu’ilz ne l’avoient demandé » 2124 .’De ces nombreuses réunions, des avis de tous ces participants, nous ne saurons absolument rien, pourtant les débats ont certainement été agités et les conclusions proposées radicales, puisqu’elles suscitent l’ire des commissaires royaux. Peut-être d’ailleurs est-ce pour cette raison que les propositions sont passées sous silence et que l’on décide de réfléchir une fois de plus sur le sujet.
Quelques réunions n’aboutissent pas : ainsi en 1428, « pour les différences des oppinions, n’y eu point de conclusion » 2125 , mais ce cas de figure est très rarement reconnu. Il existe aussi des assemblées qui se clôturent sans décision parce que les participants ont décidé avant de répondre que « l’on panse le plus diligement que faire se pourra » 2126 ou que « l’on se travaillera de trouver manière » 2127 avant d’en discuter. Le secrétaire travestit-il la réalité ? Les participants essaient presque toujours d’aboutir à une décision commune : pourquoi souhaiter ce report ? Il est possible que ce soit dans la même optique, celle de trouver une solution qui convienne à tous, et plutôt que d’évoquer l’impossibilité de se mettre d’accord, il est plus valorisant de dire qu’on va réfléchir chacun dans son coin. Débats et mésententes existent certainement, mais ils sont censurés ou du moins déguisés 2128 : revêtus du manteau de la réflexion, ils sont présentables. Reste que certaines indications sont parfois déroutantes : il arrive que les participants aient refusé de répondre. Or dans ces cas là, le secrétaire n’essaie pas de masquer la réalité 2129 , au contraire, la manière dont il rapporte les évènements laisse penser que c’est volontairement que les participants n’ont rien fait, par pure mauvaise volonté, alors qu’il est de leur devoir de statuer. Vaut-il mieux faire apparaître ces représentants désinvoltes plutôt que désunis ? Peut-être, pour garder cette image parfaite de l’entente et de la décision dans l’harmonie, à moins que ces vicissitudes ne servent les conseillers : une décision délicate peut attendre, mais par mesure de précaution, il faut indiquer dans la mémoire de la ville que la faute en incombe entièrement aux participants et pas aux conseillers.
A partir du milieu du XVe siècle, la manière de formuler les décisions change, mais l’esprit reste le même.
Années | Formules (classées par ordre décroissant d’utilisation) | Part des différentes formules (%) |
1447 | Ils ont esté d’un commun vouloir et consentement ; Ilz ont esté d’oppinion et commun consentement | 72% |
Ilz ont mis sus A esté accordé |
28% | |
1457 | Du vouloir et commun consentement | 100% |
1467 | Tous d’une voix et commun consentement ; Tous d’une voix ont dit, conclu et délibéré ; D’une commune voix et oppinion, sans contradicion de personne, ont esté d’accord et consentement ; D’une voix et consentement, accorde et octoye après plusieurs oppinions ; Tous ceulx assemblez ont esté d’oppinion | 63% |
Ont esté d’oppinion et consentement Appoincté et conclud a esté En plus grant nombre de voix furent et ont esté d’oppinion et consentement |
37% | |
1477 | Tous iceulx assembléz comparens, après l’oppinion et advis d’un chacun d’eulx, ont esté d’oppinion et commune concordance ; Tous d’une voix et d’ung commun accord et consentement, ont dit et leur a semblé ; Tous ont esté d’oppinion | 50% |
Ont esté d’oppinion Ont dit et leur a semblé A esté délibéré |
50% |
Les formules des années 1447-1477 ne sont plus fondées sur l’emploi d’un nombre de verbes restreint, mais sur l’utilisation d’expressions insistant sur la concorde et l’unanimité entre les participants : la formule « commun vouloir et consentement », ainsi que toutes ses variantes connaît un franc succès. L’utilisation de cet adjectif « commun », outre l’idée d’union, rappelle aussi celui d’une communauté indivisible : un seul pouvoir la dirige et lui-même existe dans l’harmonie et la concorde. Il est probable que l’exclusion totale de la population dans les assemblées, explique ce changement de formulation : la concorde serait naturellement aisée à trouver parmi des gens du même monde. Si ces formules perdurent les décennies qui suivent, d’autres font leur apparition dans les années 1467 et 1477 : elles emploient notamment le pronom « tous » comme sujet des verbes de décision, pour souligner encore plus explicitement cette unanimité idéale. Ces comportements sont mis toujours plus en avant, le secrétaire indique parfois que l’avis final est celui de « tous d’une seule voix » 2130 ; cela rappelle le désir d’unanimité que recherchent les assemblées religieuses, qui espèrent que l’esprit saint les guidera pour trouver cette voix unique : leur souci d’unanimité est souligné par des expressions comme « sans avis discordant », « omnes Christo inspirante unanimiter » 2131 . Ces attitudes sont reprises largement par les assemblées laïques, et notamment le consulat de Lyon : « concordance », « sans contradiction » sont des termes qui amplifient cette obtention de l’unanimité. Cette parole unique qui conseille la municipalité a un poids particulier : symboliquement, elle a une valeur quasi divine, Dieu est la parole unique, c’est ce qui fait que son autorité est universelle. Ces participants donnent donc un avis qui ne peut être mis en doute : l’unanimité est la preuve qu’ils sont guidés par Dieu dans leur décision. Implicitement, la fermeture du consulat est justifiée car elle permet aux participants de s’accorder plus facilement entre eux, à la fois parce qu’ils sont moins nombreux, mais aussi parce qu’ils ont les mêmes intérêts étant tous membres de l’élite.
Ce souci du consensus et de la communion reflète aussi l’idée appliquée et répandue par les milieux ecclésiastiques, que le décompte des voix et la supériorité de la majorité ne sont pas des modalités souhaitables pour mener à une conclusion : tout au long du haut Moyen-âge, papes, évêques et abbés sont élus à l’unanimité. En 1447, le pape Eugène IV conseillait encore aux cardinaux de choisir à l’unanimité un homme ordinaire, plutôt qu’une personnalité remarquable à la majorité. L’élection conclue par la défaite d’une minorité était redoutée : la division au sein de l’Eglise, source de schisme et d’hérésie constitue toujours un scandale. Le consulat redoute aussi des divisions qui entacheraient l’image d’une communauté unie.
Quelle place est accordée aux avis des participants ? Dans les années 1450, aucune formule particulière n’est utilisée et la conclusion est simplement énoncée 2132 . Bien souvent, les décisions qui sont présentées comme prises à l’unanimité, sans débat, sont particulièrement mises en valeur par le secrétaire qui souligne que la conclusion a été tirée « sans aucune dissipacion, ne contradiction, murmuracion ne variacion » 2133 . Cependant, les discussions existent et elles ne sont plus niées ou pudiquement oubliées, au contraire elles sont reconnues : le secrétaire indique que certaines décisions sont ainsi prises « après plusieurs oppinions » 2134 , ou « après l’oppinion et advis d’un chacun » 2135 . Ces discussions et ces avis différents sont autant de témoignages de la bonne santé de cette institution où les avis contraires existent mais où, grâce à la bonne volonté de tous, un consensus se dégage toujours. Le respect de la diversité conduit pourtant à l’unanimité : sous une apparence ouverte, la majorité impose en fait une pensée unique. Cette pratique est cependant relativement facile puisque si les différentes opinions ont bien une existence, elles ne sont jamais rapportées.
Comme pour la période précédente, ce ne sont pas tant les verbes de la décision, que les expressions qui les accompagnent qui indiquent une nouvelle modification des pratiques d’assemblées.
Année | Formules (classées par ordre décroissant d’apparition) | Part des différentes formules (%) |
1487 | Tous ont esté d’oppinion ; Tous ont dit et leur a semblé ; Tous lesdits conseillers et notables ont nommez | 30% |
Tous les notables et maistres des mestiers ou aucuns ne la plus grant et saine partie (…) ont esté d’oppinion ; après l’advis et oppinion de chacun sur ce eu et plusieurs ouvertures fectes, a esté semblé à la plus grands et saine partie | 30% | |
Fut délibéré Ont dit et leur a semblé Par l’advis et délibération des notables et maistres des mestiers de ladite ville, furent nommez |
40% | |
1497 | A esté dit et conclud par la plus grant et saine partie desdits notables comparans ; A esté conclud et arresté par la plus grant et saine partie desdits comparans ; A esté sur ce délibéré et arresté par la plus grant et saine partie desdits comparans après plusieurs et diverses oppinions ; A esté délibéré et conclud par la plus grant et saine partie de mesdits sires les graduéz et notables | 58% |
Ont consenty Tous ensemble et par leurs oppinions concordances, l’ont esleu et nommé Ont esté d’advis |
42% |
Petit à petit, l’unanimité n’est plus une obligation : en 1487, un tiers des décisions sont prises « à la plus grand et plus saine partie », et en 1497, ce sont presque les 2/3 d’entre elles qui sont prises ainsi. Pourquoi ce changement ? Il n’est plus si nécessaire de préserver l’unanimité, le fait que des avis contraires sont maintenus semble être mieux accepté. Cette évolution n’est aussi possible que lorsque les individus qui composent une collectivité cessent d’être considérés comme quantité négligeable ; les votes individuels sont pris en considération et ne sont plus recouverts du « mythe » de l’unanimité comme l’explique Léo Moulin 2136 . Regrette-t-on l’unanimité d’antan ? Pas nécessairement : si le secrétaire indique parfois qu’une décision a été prise par « tous les dessus assembléz ou au moyns à la plus grant et saine partie » 2137 , il ne faut y voir aucun regret. Il s’agit d’une formule purement juridique tirée du droit romain 2138 , une convention mais qui n’en a pas moins de valeur aux yeux des juristes. Ajoutons que si les participants cherchaient auparavant à prendre toutes leurs décisions à l’unanimité, cela ne signifie pas pour autant qu’ils y parvenaient toujours 2139 . Les années test donnent une vision trop tranchée de cette évolution : nous avons trouvé au fil de notre lecture des allusions minoritaires mais régulières à des assemblées où les décisions sont prises seulement à la majorité 2140 . Les décisions majoritaires n’apparaissent donc pas brutalement.
Les participants ont-ils donc gagné en liberté d’expression ? C’est possible, c’est peut-être à mettre en rapport avec l’importance que prend la notion d’individu dans cette société : chacun entend exister pour lui-même, pas seulement comme membre d’un groupe. Refuser de se rallier à l’opinion dominante est un premier pas pour affirmer son indépendance d’esprit : est-ce mettre en péril le pouvoir de l’assemblée ? Ces attitudes affaiblissent peut-être la force des décisions, car à côté des verbes d’opinion (« opiner », « être d’avis », « délibérer »), apparaît en 1487 une nouvelle formule : « il leur a semblé », qui est plus nuancée que les précédentes et celles du début du siècle. Mais l’utilisation de ce verbe disparaît en 1497 : les participants se sont peut-être habitués à ces nouvelles pratiques qui sont désormais la norme. Il faut toujours garder à l’esprit que les avis que donnent les notables et les maîtres des métiers sont surtout indicatifs : les conseillers ont toujours le dernier mot et ne sont pas obligés de suivre aveuglément leurs recommandations. La volonté d’individualisation des participants n’est qu’un pis aller, ils ne possèdent pas de véritable pouvoir.
Mais l’expression « il leur a semblé » est peut-être une manière rhétorique, pleine de politesse de dire son avis, ce qui n’empêcherait pas ces représentants d’être conscients de la prééminence du consulat dans la prise de décision, à moins que ce ne soit le secrétaire qui tende à montrer les rouages véritables des décisions en employant à dessein ces termes. Mais a-t-il une telle latitude ? C’est peu probable : s’il le fait, c’est parce que ces considérations sont dans l’air du temps. Cependant les avis individuels ne sont toujours pas indiqués : chacun a droit à la parole, mais celle-ci ne mérite toujours pas les honneurs de la mémoire consulaire.
La pratique majoritaire existe pourtant depuis longtemps lors d’une assemblée particulière, celle de l’élection des conseillers par les maîtres des métiers. Le mode d’élection des conseillers est immuable : ils sont toujours choisis « d’un commun vouloir et consentement et comme la plus grant et saine partie d’iceulx maistres de mestiers », en ayant « toute imuable et semblable puissance, faculté et auctorité que les conseilliers leurs prédécesseurs ont eue et acoustumée d’avoir le temps passé » 2141 . Le respect de la coutume, l’absence d’innovation qui fondent la légitimité du pouvoir et garantissent la validité de la dite élection sont toujours soulignés : les règles respectées sont avant tout celles de la tradition. L’élection est un scrutin où chacun est libre de voter pour qui il veut, donc de donner un avis qui lui est propre. Seule trace d’un changement au cours du XVe siècle, le secrétaire prend la peine d’indiquer à partir des années 1470 que chacun a donné son avis personnel, à son tour et qu’ensuite par comptage des noms, les conseillers ont été choisis 2142 . L’aspect individuel du choix des maîtres des métiers, escamoté dans la première partie du siècle, est à cette période valorisé : le consulat reconnaît et entérine la similitude des pratiques entre les assemblées des maîtres des métiers et celles que convoque la municipalité.
Dernière mutation, à partir des années 1500, le secrétaire note pour de nombreuses assemblées les opinions de chacun des participants. Toutes les opinions ont donc le droit d’exister au début du XVIe siècle, et surtout ont assez de valeur pour être rédigées : cela peut certes s’expliquer par la volonté de connaître l’opinion majoritaire, parfois difficile à cerner en suivant simplement les débats, mais ce n’est pas nécessairement la seule raison. Lorsque le secrétaire donne les avis de tous les participants, c’est peut-être aussi une sorte de compensation, en effet la décision finale n’apparaît pas : le paragraphe se clôt avec le dernier qui a parlé. Parfois une phrase explique que la « diversité des oppinions » empêche la conclusion 2143 . Les seules formules faisant référence explicitement à leur décision sont celles qui concernent des assemblées où les avis n’ont pas été très différents puisqu’aucun n’a été rapporté.
Dans ces conditions, lorsqu’elles apparaissent, quelles formes prennent les formules de décision ?
Année | Formules de décision |
1507 | Après lesquelles oppinions a esté résolu ; A esté oppiné et respondu Ont esté d’avis ; A esté advisé En saine partie ont consenty Ont alloué, ratiffié et approuvé A esté conclud et arresté |
1517 | Ont opiné l’un après l’autre puis par leurs oppinions concordantes ont dit et oppiné ; Tous ont esté d’oppinion A esté arresté et conclud ; A esté conclud Ont consenty et approuvé |
Il n’existe aucune formule récurrente dans ces années pour souligner l’accord qui a pu être trouvé : la diversité des expressions reflète aussi la diversité des assemblées, où les avis sont parfois notés, parfois inconnus. Début XVIe siècle, l’unanimité est une possibilité, elle existe lorsque les participants opinent « indifféremment » ou « indistinctement » 2144 : ces adverbes indiquent en creux que les participants donnent aussi des avis différents, distincts, ils s’expriment individuellement et parfois sont tous du même avis 2145 . Cette unanimité absolue n’est d’ailleurs en partie que de façade, puisque le secrétaire souligne parfois que les « notables comparans en substance ont estez d’oppinion » 2146 : l’omission des nuances apportées par chacun donne cette image plus lisse des assemblées. L’unanimité est cependant le plus souvent atteinte après avoir entendu les opinions de chacun : les expressions le soulignant sont très variées, mimant ainsi le foisonnement des différents avis 2147 . Bien que la diversité des propos soit acceptée et marquée avec soin par le secrétaire 2148 , l’unanimité reste un idéal que l’on recherche.
Mais le consulat se contente parfaitement que certaines décisions ne soient prises qu’à la majorité, par « la plus grant et saine partie » des présents 2149 . De nouvelles expressions apparaissent aussi, sans référence aux formules des assemblées religieuses, soulignant que la majorité est strictement numérique et non plus qualitative, déterminée « par la concordance de plus des voix » 2150 . Les conseillers signalent que leurs décisions sont prises dans la transparence, comme lors du choix de l’assiette de taille en 1514 où « en ensuivant le plus grant nombre des voix de notables et maistres des mestiers qui furent pour ce assemblez jeudy dernier en l’ostel commun, et qui ont estez comptez et calcullez, et par ledit calcul trouvé que ladite pluspart des voix estoit mectre II deniers sus en collecte » 2151 .
Le pouvoir consulaire contrôle donc ces assemblées en les verrouillant, c’est aussi pourquoi tout autre type de réunion dans la ville est interdit, en dehors de celles des confréries. En 1484, les conseillers sont « adverty que les clercs de cestedite ville ont fait ou veullent faire certain abbaye 2152 , et soubz umbre de ce, fere amas et assemblées de gens avec certaine solennitez illicites et non acoustumées qui seroit au très grand préjudice de ladite ville et conséquence dommageable dont inconvénient irréparable pourroient advenir à ladite ville » 2153 . Ils décident de réagir immédiatement en allant en justice pour « faire cesser lesdits entreprinses et nouvelletez et s’il est possible aboullir tant telles et semblables abbaye tant desdits enfans de ladite ville que autres affin que aucun inconvénient n’en adviegne » 2154 . Ces jeunes font peur car les conseillers ne peuvent maîtriser ce qui se dit dans ces assemblées, or la parole doit être encadrée pour la sécurité du consulat et la pérennité de son image. De plus, les jeunes en question font partie de familles de notables de la ville, le nom de 4 des 5 « Enfants de la ville » venus au consulat pour plaider leur cause, ne trompe pas : Eschat, Gaudin, Bullioud, Giraud sont tous des noms de familles consulaires 2155 . Deux d’entre eux, Amé Bullioud et Pierre Giraud, sont aussi de futurs consuls 2156 ; les conseillers en place craignent donc que les nouvelles générations ne soient mal contrôlées. Il est enfin intolérable qu’il puisse exister une société dans la société, qui regrouperait des gens potentiellement si influents.
Les conseillers entendent tout au long du siècle contrôler étroitement les décisions qui sont prises dans les assemblées qu’ils convoquent 2157 , non seulement en choisissant leurs participants mais aussi en guidant leurs décisions. Ces intentions sont masquées, les participants doivent avoir l’illusion de diriger la ville parce que le consulat suit leurs avis ; ils sont flattés parce que les conseillers les considèrent ouvertement comme l’élite, en oubliant que les consuls les hiérarchisent pour que les dominants maîtrisent la masse des dominés. Dans cette optique, prendre plus de soin pour noter les avis, souligner l’importance de la diversité tout en encadrant efficacement la prise de décision, dénotent une conception manipulatrice de l’organisation des assemblées de la ville. Avoir le pouvoir implique de neutraliser les assemblées : il faut leur donner l’illusion de leur pouvoir pour qu’elles ne s’aperçoivent pas de sa perte.
Dans ces conditions, quelle trace des paroles échangées pouvons-nous retrouver dans les registres de la ville ?
Le pronom « Ils » désigne les participants, pas les conseillers.
La prise de décision unanime est fortement présente dans les registres, le secrétaire l’indique soigneusement pour de nombreuses assemblées : 1418, RCL1 p.110 ; 1419, RCL1 p.156, p.165 ; 1420, RCL1 p.211, p.272 ; 1422, RCL2 p.10, p.19 ; 1433, RCL2 p.351 ; 1435, RCL2 p.437 ; 1436, RCL2 p.450 ; 1449, RCL2 p.603, p.620…
Y. Grava, « La mémoire, une base de l’organisation politique », Temps, mémoire et tradition au Moyen-âge, Actes du XIIIe congrès de la SHMESP, Aix 1982, Paris, 1983, p.73-77.
1418, RCL1 p.10 ; idem lors de l’assemblée du 13 août 1426 : 10 conseillers et 251 personnes sont présents, pas un seul avis n’est noté, seulement une conclusion finale, non rédigée, qui fait écho à une conclusion écrite quelques jours auparavant, RCL2 p.189.
1423, RCL2 p.47 ; autre exemple : « les dessus nommés furent appelés pour avoir d’un chacun son oppinion sur le fait de la garde de la ville », 1421, RCL1 p.329.
1421, RCL1 p.329.
1423, RCL2 p.47.
Ces idées rappellent les conceptions des participants au concile de Bâle : lors du vote, la minorité doit se soumettre pour garantir l’unanimité ; la contrariété d’opinion est un scandale : « non placet contrarietas et diviso spiritui sancti ». P. Ourliac, « Sociologie du concile de Bâle », Etudes d’histoire du droit médiéval, Picard, Paris, 1979, p.343.
L. Moulin, « Les origines religieuses des techniques électorales et délibératives modernes », Revue internationale d’histoire politique et constitutionnelle, 1953, p.106-148.
1422, RCL1 p.351.
Le désaccord porte sur la manière de trouver de l’argent pour une aide demandée par le roi : « ilz n’ont point conclu entièrement, pour ce que aucuns disoient que attendu la situation de la ville joignant es empires dont la ville pourroit prendre diffamation, il n’est point de nécessité de les mettre dessus ; les autres disoient que bon et proffitable seroit à la ville de les mettre sus… », 1428, RCL2 p.292.
1427, RCL2 p.236.
1427, RCL2 p.255.
Le 23 décembre 1448, il est décidé de reporter une assemblée « pour plus à plain délibérer » : en effet le secrétaire reconnaît que deux groupes se sont opposés, mais toujours sans dire vraiment sur quoi. Il note d’une manière elliptique : « les autres estoient d’oppinion contraire, pour beaucoup de raisons et doubtes qu’ilz fesoient sur ce », 1448, RCL2 p.599.
« L’on a demandé à tous les assemblés dessus nommez s’ilz veullent que l’on mette à exéqution les lettres des entrées (…), lesqueulx s’en sont départis sens y point mettre de conclusion », 1427, RCL2 p.226 ; « ilz n’ont riens conclu, combien que l’on les en ait avisé », 1427, RCL2 p.233 ; « tous lesdits conseillers et maistres des mestiers et autres n’ont point fait de response, qui semble contradition, de prendre l’offre que leur a fait Bérert Jacot, (…), sur quoy, comme dit est, ilz n’ont point fait de response, qui semble reffus ladicte offre », 1429, RCL2 p.305 ; « sur quoy ilz ne lui ont fait aucune response, mès s’en sont allez par la plus grant partie », 1435, RCL2 p.412.
L’unanimité est la marque d’un groupe uni, soudé, où l’individu n’existe pas puisque « tous » sont du même avis, qu’ils ont « une même voix », un « commun consentement ». C’est le corps commun qui s’exprime, chaque participant est comme dilué en lui. Il est difficile de distinguer nettement les formules qui renferment ces expressions, car il arrive fréquemment qu’elles soient employées ensemble, nous donnons donc quelques exemples mélangés de ces manières de dire l’unanimité : « ont délibéré et esté d’accord et commun consentement », 1451, BB5 f127v ; « ont conclu et esté d’oppinion et commun consentement », 1451, BB5 f129v ; « par l’advis, délibération, commune oppinion et consentement des présents », 1452, BB5 f162 ; « ont concédé et esté d’accord et contens tous ensemble », 1454, BB5 f210 ; « ont esté tous d’oppinion, consenti et accordé », 1465, BB10 f102 ; « par une mesme voix, oppinion et concordance, sans contradicion de personne », 1473, BB12 f26 ; « par une mesme voix, oppinion et concordance, sans contradicion de personne », 1473, BB12 f26 ; « tous les dessus comparans et assembléz d’une mesme voix et commun consentement ont esté d’oppinion et leur a semblé », 1474, BB12 f70 ; « tous les dessus comparans et assembléz d’une mesme voix et commun consentement ont esté d’oppinion et leur a semblé », 1474, BB12 f70 ; « ont tous esté d’oppinion que ainsi se devoit fere », 1474, BB12 f77…
Les religieux « ont transféré leurs habitudes en matière de délibérations, d’élaboration de motions et rédaction de procès-verbaux de séances dans les conseils et les chancelleries.», H. Millet, « Les assemblées », Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, sous la direction de J. Le Goff et J.Cl. Schmitt, Fayard, 1999, p.80. D’autre part, le concile de Latran IV souligne que l’idée de rassemblement, d’unanimité doit être recherchée pour que s’exprime « d’un seul cœur et presque d’une seule voix » le consensus de la communauté : on ne peut que remarquer une fois de plus la similitude des termes employés entre les assemblées religieuses et les assemblées urbaines. Ph. Portier, « Eglise et communautés monastiques », Dictionnaire du vote, p.321-328.
Relation d’une assemblée, où sont présents 9 conseillers et 24 maîtres des métiers : une taille est mise en place (un denier par livre), sans aucune discussion, 1451, BB5 f136v ; autre assemblée avec 9 conseillers et 23 notables et maîtres des métiers sur la levée d’une aide, 1452, BB5 f171 ; autre assemblée où une taille est mise en place sans aucune discussion, 1459, BB7 f123… C’est rare, mais il arrive que le secrétaire relate encore certaines assemblées ainsi au début du XVIe siècle, en indiquant seulement après la liste des mandés « a esté conclud », 1506, BB24 f541v.
1484, BB15 f260v.
1467, BB10 f253.
1477, BB14 f26v.
L. Moulin, « Sanior et maior pars. Notes sur l’évolution des techniques électorales dans les ordres religieux du VIe au XIIIe siècles », Revue d’histoire du droit français et étranger, 1958, p.368-397, p.491-529.
« Conclu et délibéré a esté par tous les dessus assembléz ou au moyns à la plus grant et saine partie », 1473, BB12 f57 ; « tous lesqueulz, ou la plus grant et saine partie d’iceulx », BB351, cahier 2, 10 avril 1479 ; « tous ou la plupart d’eulx ont esté d’oppinion…. » BB352, 26 avril 1481 ; « tous ou la plupart et saine partie d’iceulx ont esté d’oppinion », 1492, BB19 f266v…
Ce type de formule renvoie au Digeste : « ce que fait la majeure partie de la cité est considéré comme si tous l’avaient effectivement réalisé » (Digeste, 50.1.19), « on attribue à tous ce que fait officiellement la majeure partie » (Digeste, 50.17.160 (121)). Cité et expliqué par P. Michaud-Quantin, Universitas . Expression du mouvement communautaire dans le moyen-âge latin, Paris, Vrin, 1970, p.272-274.
Rechercher à tout prix l’unanimité conduit parfois à se quereller encore plus : en 1267 l’archevêque de Reims décida que les chanoines du chapitre de Laon se prononceraient désormais à la majorité des voix (de préférence des 2/3) car les séances devant conduire à l’unanimité étaient trop tumultueuses. H. Millet, Le chapitre cathédral de Laon…, p.270.
Peu de décisions sont dites ouvertement prises à la majorité dans la première moitié du siècle, on sait parfois cependant que la conclusion est le résultat de « la plus grans oppinion » (1448, RCL2 p.584) ou de « la plus grant et saine parties des assemblées » (1426, RCL2 p.201 ; 1428, RCL2 p.283). Les références sont plus nombreuses à partir des années 1450 : « après plusieurs altercacions ont esté d’avis et oppinion pour la plus grans et saine partie », 1458, BB8 f71v ; « ilz ont conclu et esté d’oppinion la plus grand et saine partie », 1462, BB7 f278v ; « délibéré a esté à la plus grant et saine partie d’iceulx dessus assembléz », 1471, BB15 f152 ; « après plusieurs advis a esté conclu et arresté par la plus grant et saine partie des assistans audit consulat », 1496, BB24 f32…
1467, BB10 f310v. Seule exception notable en 1465 : à la mort d’un conseiller, « iceulx conseillers, sans en parler et avoir les advis et oppinions sur ce desdits notables et maistres des mestiers de ladite ville » élisent à la place d’André Porte, un autre juriste Laurent Paterin, 1465, BB11 f70-71.
Exemple : « iceulx maistres de mestiers comparans au plus grant nombre et saine partie d’iceulx, après l’oppinion et nominacions d’ung chacun d’eulx et concordance faicte des voix et nominacions sur ce par ung chacun d’eulx données, d’un commun voloir, accord et consentement », 1473, BB12 f65v.
Exemple : les assemblées du 15 avril, 8 juin et 10 juin en 1507 ; les assemblées du 5 juin et 28 juin en 1517.
« Lesquelz comparans ont esté d’adviz et oppinions indifféramment que… », 1510, BB28 f190 ; « ont estez d’oppinion et ont oppiné indifféremment », 1515, BB34 f71v ; « tous les comparans indistinctement ont ordonné, advisé et consenty que », 1513, BB30 f162.
Il faut cependant noter que les formules antérieures peuvent toujours se trouver, bien que moins fréquemment : « par concordance de leursdits oppinions », 1508, BB25 f220 ; « finablement par la concordance des voix de tous lesditz comparans, […] nully contredisant, ont voulu, accordé et consenty », 1515, BB34 f37 ; « ont tous estez d’oppinion et consentement », 1515, BB34 f14v ; « tous et chacuns lesdits comparans ont estez d’oppinion », 1515, BB33 f311v.
1514, BB33 f101.
De nombreuses formules sont utilisées : « après l’advis et oppinion d’un chacun », 1455, BB7 f7 ; « après plusieurs altercations, advis et oppinions », 1456, BB7 f20-v ; « après l’advis et oppinion d’un chacun d’eux », 1460, BB7 f182 ; « par ung chacun d’eulx particulièrement fut dit et oppiné », 1469, BB15 f56v ; « après ce que les causes et raisons pour lesquelles ladite assemblée estoit faicte et les advis et oppinions d’un chascun desdits assembléz sur ce diz et déclairez, conclu et délibéré a esté par l’accord et consentement d’un chascun d’iceulx assemblés comme s’ensuit », 1474, BB12 f73 ; « après l’oppinion et advis d’un chacun d’eulx, ont esté d’oppinion et commune concordance… », 1475, BB13 f8 ; « après les ouvertures et difficultés sur ce fecte et mises avant tous se sont résoluz »,1493, BB20 f80 ; « ont chacun en son endroit fait les meilleurs ouvertures qu’ilz ont peu et sceu », 1494, BB21 f27v ; « lesquelz comparans eu leurs oppinion, ont résoluement advisé que... », 1512, BB28 f331 ; « iceulx notables, terriers et maistres des mestiers ont oppiné et par leurs oppinions concurrentes et l’une suyvant l’autre ont voulu et consenty, veullent et consentent… », 1512, BB30 f42 ; « esquelz comparans a esté mise en terme ladite matière et demandéez les oppinions l’une après l’autre ; ont tous résolu indifférement », 1515, BB33 f244…
A partir de la fin du XVe siècle, presque toutes les assemblées sont rapportées avec la volonté de certifier que chacun a pu donner son opinion, les formules à ce propos sont légions : « et sur le tout meurement advisé et bien au long débatu », 1496, BB24 f45 ; « après toutes choses débatues d’une part et d’autre », 1506, BB24 f531 ; « après plusieurs langaiges et remonstrances faictes d’une part et d’autre », 1506, BB24 f543v ; « lesdits comparans, résolueument et par chacune de leurs oppinions l’un suivant l’autre », 1509, BB28 f116 ; « sur quoy après avoir ouy les oppinions desdits comparans qui ont estez fort diverses et différans les unes aux autres… », 1514, BB33 f46…
« En ensuivant la plus saine et majeur partie des voix », 1504, BB24 f481 ; « ouyes les oppinions particulières a esté advisé en ensuyvant les plus saines opinions faire ce qu’ils s’ensuit », 1512, BB30 f10 ; «et après les opinions d’ung chacun desdits comparans pour ce que le plus grand et saine partie et quasi tous se sont condescenduz à… », 1512, BB30 f93v ; « en ensuyvant la plus grande et saine oppinion », 1515, BB33 f209…
1514, BB33 f30.
1514, BB33 f127. Autres exemples : « et après que ladite matière a esté bien et au long entendue et desbatues et que chacun desdits comparans a déclaré son advis, moyen et oppinion, ont résoluement par concordance de la pluspart des opinions, voix desdits comparans arresté et consenti… », 1511, BB28 f303v ; « par la plus des voix fut oppiné », 1515, BB34 f77v ; « lesdits notables et maistres des mestiers, desquelz en pluralité des voix ont esté d’oppinion », 1515, BB34 f115 ; « en ensuyvant icelles opinions qui ont esté du plus grant nombre », 1516, BB34 f202...
Il existe dans toute ville des fraternités de jeunesse, qui se nomment souvent abbayes de jeunesse et qui se sont développées parallèlement aux confréries ordinaires. Elles sont bien tolérées par le pouvoir (qui souvent d’ailleurs les contrôle) car elles ont pour but principal d’encadrer la jeunesse pour garantir la tranquillité urbaine. A Lyon, la principale fraternité de jeunesse est celle des « Enfants de la ville » qui accueille d’ailleurs en son sein de nombreux fils des membres de l’élite. Ainsi en 1490, lors de la venue du roi à Lyon, Jean Sala, abbé (c’est-à-dire chef) des Enfants de la ville, fait une petite harangue au souverain : Jean Sala appartient à l’élite urbaine, son père Amé a été conseiller de la ville (en 1443), son frère aîné Pierre est au service du roi et lui-même sera conseiller au début du XVIe siècle. A propos des abbayes de jeunesse, voir l’article de J. Rossiaud, « Fraternités de jeunesse et niveaux de culture dans les villes du sud-est à la fin du Moyen-âge », Cahiers d’histoire, 1976, n°1-2, p.45-55.
1484, BB15 f234.
1484, BB15 f235v.
Aynard Eschat est conseiller en 1474-1475 ; Ennemond Gaudin est conseiller en 1423 et son fils Etienne l’est en 1467-1468 ; Pierre Bullioud est conseiller en 1428 et son fils Guillaume en 1472-1473 ; Guillaume Giraud est conseiller en 1460-1461 et 1467-1468.
Ame Bullioud est conseiller pour la première fois en 1493-1494 (puis encore 5 fois jusqu’en 1521) ; Pierre Giraud est conseiller en 1502-1503.
La relation du consulat avec ces assemblées est assez semblable à celle qu’entretient le roi avec les Etats Généraux : il a seul la compétence de les convoquer, et jamais ces états n’ont réussi à faire admettre au souverain de les réunir périodiquement. Ils n’ont aucune compétence décisionnelle, ils ne sont que consultatifs.