De tous les fronts ouverts par les artisans, le volet politique est le plus discret. Les procureurs des artisans sont plus nuancés et essayent de mener plus finement leurs récriminations politiques, peut-être parce qu’ils ont conscience que le pouvoir royal risque de ne pas les suivre de bon gré sur ce terrain. Dés 1515, ils ne cachent pourtant pas qu’ils souhaitent réformer certaines pratiques :
‘« Ont requis par la voix desdits Jarreys et Villars qu’on ne procède plus à l’eslection des maistres des mestiers de ladite ville comme l’en a faict par cy devant, ains entendent les gens des mestiers eulx mesmes eslire lesdits maistres, et en tant que lesdits conseillers y vouldroient procéder ont protesté de la nullité, demandant acte » 2549 .’Cette demande de changement du mode d’élection des maîtres des métiers, pour qu’ils ne soient plus élus par les conseillers mais par les gens des métiers, est manifestement conçue pour mettre à mal le système d’auto-recrutement ou du moins de collusion, entre conseillers et maîtres des métiers. Cette modification pourrait en effet permettre de mettre un frein à la fermeture de l’institution consulaire : en étant choisis par leurs pairs et non par le consulat sortant, les maîtres des métiers subiraient beaucoup moins de pression dans le choix des nouveaux conseillers. Bien évidemment les consuls refusent cette innovation 2550 ; par contre on ne peut qu’être surpris de la réaction de deux procureurs des artisans : « Benoist de Noble procureur des potiers et Philibert de Bourdelin procureur des taverniers présens, ont desavouhé les paroles desdits Jarreys et Villars » 2551 . Ces revendications les indisposent, peut-être parce qu’ils ont déjà occupé la charge de maître des métiers et ont donc été choisis par les conseillers. Cette proximité leur convient, ils entendent ménager ceux qui sont en place pour la prochaine élection ; seul le volet financier des attaques contre le consulat les intéresse. On voit là l’une des manifestations évidentes que ce parti des mécontents regroupe des gens aux motivations hétérogènes.
Une réforme des institutions qui leur ferait potentiellement perdre une partie de leur pouvoir inquiète les conseillers. S’ils ont réussi en douceur à évincer de la direction des affaires la population et une part importante des bourgeois de la ville, ce n’est pas pour que tout soit remis en cause par un petit groupe de mécontents. Il convient donc d’affirmer que la situation actuelle correspond à celle qui existe depuis l’avènement de la municipalité, et lors de la venue de la reine, ils ne manquent pas de déguiser la réalité en lui baillant une requête « affin de faire mectre pais et faire cesser les nouveaulx procureur des artizans et leur enjoindre de vivre et eulx entretenir selon l’ancienne loy et loable costume de ladite ville » 2552 . Les procureurs des artisans ne sont pas dupes et ils entendent bien prouver que les institutions ont été dévoyées. Afin de prouver leurs dires, ils vont réclamer au début de l’année 1516 au sénéchal de Lyon « d’avoir les statuz touchant l’eslection des conseillers et autres officiers de ladite ville, pareillement touchant la manière de lever les deniers de ladite ville. A esté ordonné leur déclarer qu’il n’y a autres statuz synon le contenu es instrumentz des scindicatz et la manière de toute ancienneté acostumée de faire » 2553 . Les juristes qui dirigent cette fronde anti-consulaire savent parfaitement que c’est sur le terrain de la légalité qu’il faut arriver à piéger les conseillers. La commune a connu des bouleversements dans ses pratiques, qui ont toujours été validés par les hommes de loi qui étaient à son service, il n’est donc pas surprenant que ce soient certains d’entre eux qui décident de retrouver les « vraies » règles édictées à l’origine de la commune. Ils ont visiblement connaissance de la manière ancienne d’élire les représentants des habitants ; les conseillers le savent aussi, mais les syndicats ont été modifiés depuis longtemps : il semble en effet que dès 1352 la population n’a plus été consultée pour ces élections. Plus d’un siècle et demi s’est écoulé, les conseillers peuvent prétendre à l’ancienneté de leur mode d’élection de manière immémoriale 2554 .
La démarche des procureurs des artisans est vaine ; ils ne peuvent que protester de la confiscation du pouvoir. Leur habileté réside dans le moment qu’ils choisissent pour le faire : chaque année, lors de la lecture du syndicat devant toute la population. Ils s’autorisent à perturber la seule assemblée où le peuple est encore convié et où symboliquement les habitants entérinent le choix des conseillers nouveaux par acclamation 2555 . Leur intervention a pour but de faire comprendre aux habitants qu’ils n’ont plus qu’un reliquat de pouvoir ; ils dénoncent aussi la collusion entre maîtres des métiers et conseillers. C’est pourquoi, systématiquement ils désavouent tous les nouveaux consulats élus. Le secrétaire note toujours ces incidents, mais en donnant une vision quelque peu partiale, qui ne nuise pas à l’image des conseillers dans les registres. Voici la façon dont il rapporte la publication du syndicat pour l’année 1517 :
‘« ledit jour le peuple a esté congrégé au son de la grosse cloche à la manière acostumée en l’esglise sainct-Nizier de Lion et illec environ neuf et dix heures de matin a fait l’oraison très esloquente messire Ciprian, prieur de bon renom. Et ainsi qu’on a voulu ovrir l’intrument du scindicat pour en faire publication, est survenu Germain Chanu, bedeau de sainct-Jehan soy disant l’un des procureurs des artizans, qui s’est opposé à ladite publication et fait certaines protestations et autres choses dont il a demandé acte à maistre Siméon greffier de la court du Roy. Contre lequel maistre Franc Deschamps docteur et conseiller a protesté de ce qu’il venoit troubler le peuple et les assistans et esmpescher les anciennes et loables costumes de la ville et en a demandé au nom de luy et des autres conseillers acte en présence de messire Pierre Burberon docteur es droitz, lieutenant général de monsire le seneschal, messire Sève docteur juge maje de Lyon, messire Pierre Chanet aussi docteur juge ordinaire dudit Lyon et plusieurs autres notables personnaiges et pour tesmoingtz appellez Guillaume de la Balme et Jaques Coulland et néanmoingtz a esté faicte lecture dudit instrument de scindicat » 2556 .’Cette protestation n’a de sens que pour montrer à toute la population que ce mode d’élection n’est pas celui qui avait été défini à la naissance de la commune. Or, ce coup d’éclat annuel est toujours sans effet : aucun mouvement de foule, aucun murmure d’approbation ou de doute. Est-ce parce que le secrétaire censure cet aspect ? Peut-être pas. De toute ancienneté, les conseillers respectent la tradition de l’élection et le rappellent : la population en est persuadée, car dans la mémoire collective tout s’est toujours déroulé ainsi. Les propos des procureurs des artisans ne sont que des élucubrations, qui n’ont guère de crédit aux yeux de la population. Il est ainsi facile pour les conseillers de jeter l’opprobre sur ces perturbateurs.
Pourtant ces démonstrations et le harcèlement que les procureurs font subir aux conseillers ne laissent pas ces derniers totalement de marbre. Plusieurs s’inquiètent : dès 1515, « monsire de Belmont 2557 a protesté contre lesdits Mulat et consortz de ce qu’ilz viennent journellement protestez et user de grosses parolles au présent consulat et icelluy troubler et empescher soy déclairant qu’il a laissé puis troys moys en ça et laisse chacun jour de y venir et qu’il n’y viend plus craignant quelque esmocion de peuple » 2558 . La désertion de Belmont depuis plusieurs mois, par peur d’une agression, témoigne d’un climat tendu : il n’est pas anodin que ce soit lui qui prenne la parole, il est le représentant type de ces familles honnies par les procureurs des artisans, présentes dans le consulat quasiment depuis deux siècles ainsi que dans tous les rouages économiques, administratifs et judiciaires de la ville de Lyon 2559 . Il est conscient qu’il est le cœur de cible des attaques des procureurs, mais sa morgue les ravale tous au rang de la populace ; il joue à Cassandre, en évoquant la possibilité d’une « esmocion de peuple » : clairement, ce sont les événements de la Rebeyne de 1436 qu’il met en parallèle. D’un autre côté sa réaction est très exagérée, il dramatise un affrontement qui reste pour l’instant dans la plus stricte légalité.
La pression sur les conseillers s’accroît cependant car les procureurs des artisans optent pour une tactique visant à discréditer certains conseillers influents : en cela, ils ne font que reprendre les armes du consulat qui cherche par tous les moyens à décrédibiliser leurs actions. Leur première victime est Pierre Chanet, docteur en droit, conseiller et président du consulat en 1507-1508 et 1512-1513, terrier en 1509 et 1514, orateur de la saint Thomas en 1499, 1509 et 1512 et juge de la cour ordinaire de Lyon. Il est l’archétype du juriste au service de la ville, à la fois soutien et membre du pouvoir consulaire 2560 . Or « ledit Gautier, Bertier, Jareis et consortz ont présenté et baillé certains articles et requeste à monsire l’arceveque de Lion et gens de son conseil tendans afin que ledit messire Chanet juge soit destitué ou récusé de sondit office de juge » 2561 . Pourquoi ? Peut-être pour faire payer aux conseillers l’éviction de Pierre Burberon du contrôle des comptes de la ville : chaque camp mettrait sur la touche l’un des grands juristes de l’autre… Il se trouve aussi que Chanet a particulièrement œuvré contre les procureurs des artisans : il a empêché l’entérinement des lettres d’exemption pour les joueurs des confréries militaires, dont faisaient partie plusieurs procureurs des artisans, et il a empêché Jean Gautier de pouvoir prendre le garbeau de la ville. Il représente donc un adversaire très sérieux qu’il convient de neutraliser. Le consulat réunit une assemblée de notables et de maîtres des métiers pour aider Chanet. Or, parmi les petits métiers, les maîtres ne veulent pas le soutenir sans conteste comme le font les notables et les conseillers et préfèrent rester neutres 2562 : les accusations des procureurs des artisans se répandent dans la population, lentement mais sûrement, le sentiment d’être dirigés par des notables qui abusent de leur situation entre dans les esprits.
La diffusion de ces idées est un objectif important : lors de la publication des syndicats, dans les assemblées, les procureurs assènent systématiquement le même discours pour convaincre. La parole est utilisée comme une arme, tous les moyens sont bons pour retourner la population contre le consulat : lors de l’entrée de la reine en 1516, Pierre Grenoble envisage même de monter à ses frais une grande pièce de théâtre pour accuser les conseillers et dénoncer leurs turpitudes 2563 . Le conflit avec le consulat est véritablement mis en scène : porter le débat à la connaissance du plus grand nombre, grâce à une satire, prouve combien les chefs des artisans ont conscience du pouvoir des mots et de la communication conflictuelle 2564 . L’inquiétude des conseillers se traduit par une tendance à la dramatisation : ainsi en 1517, de simples réunions entre habitants de la rue Mercière pour organiser une chevauchée de l’âne, sont prises pour la constitution d’une autorité parallèle, un contre-pouvoir à deux pas de l’hôtel de ville avec son lieutenant, ses conseillers et son greffier 2565 …
En 1517, les procureurs des artisans semblent dans une position plutôt favorable. Les conseillers nouvellement élus s’inquiètent de ce conflit qui dure déjà depuis pratiquement deux ans : ils refusent d’ailleurs de faire leur serment tant que les comptes de l’année précédente n’auront pas été rendus 2566 . La crise qui secoue l’institution rend cruciale cette vérification des comptes. En août 1516, une nouvelle décision du Parlement de Paris a été rendue quant à cette querelle 2567 : les commissaires nommés en 1515 pour vérifier les comptes depuis 20 ans sont maintenus et les conseillers sont obligés de présenter leurs papiers ; la réfection des papiers devra être faite d’ici un an ; le procureur du roi est chargé de faire une enquête pour vérifier s’il y a eu des abus 2568 . En revanche, les élections des conseillers sont inchangées, le procureur et le secrétaire restent en place et les artisans sont déboutés de leur plainte sur la façon dont les conseillers ont agi avec les fermes de la ville. Le soupçon pèse sur les conseillers, les artisans ne baissent pas les bras et continuent à les harceler. Pourtant, le Parlement a rejeté tout ce qui pourrait contribuer à l’instauration d’un gouvernement trop populaire et refusé que les artisans s’approprient les ressources de la ville.
Alors que les choses sont encore incertaines, le conflit se transforme : les adversaires des conseillers changent, leur tactique aussi, ainsi que les priorités de leurs actions 2569 . Une seconde phase voit nettement le jour dans cette querelle, qui brouille le sens qu’avaient donné à cette action les procureurs originels des artisans.
1515, BB34 f56.
« Ausquelz a esté respondu au regard de l’eslection des maistres des mestiers ilz ensuivront l’ancienneté acoustumée », 1515, BB34 f56v.
1515, BB34 f56v.
1515, BB34 f107.
1516, BB34 f241.
Trois générations suffisent pour de telles affirmations.
Publication du syndicat pour l’année 1516 : « a fait le sermon monsire Gauteret chanoyne de sainct Just et après ladite lecture du scindicat, messire Clément Mulat docteur et Jehan Gautier apoticaire, au nom des procureurs nouveaulx des artisans comme ilz disoyent en ont appeléz et d’icelluy appellent, ont demandé acte à un clerc nommé Tortoron », 1515, BB34 f124.
1516, BB34 f262.
C’est-à-dire Antoine de Varey.
1515, BB34 f89v-90.
Les Varey sont l’une des familles les plus éminentes de la cité : ils font partie des membres fondateurs de la commune ; entre 1410 et 1510, 12 membres de cette famille ont occupé une charge consulaire et ont cumulé 40 mandats ; leurs alliances matrimoniales les lient avec les familles les plus importantes de la cité ; plusieurs d’entre eux ont de surcroît occupé des charges d’officiers royaux. Pour plus de précision sur cette famille, voir en annexe 18, les renseignements récoltés sur cette famille.
Franc Deschamps le président du consulat fait d’ailleurs une présentation extrêmement louangeuse du personnage : « combien que vénérable personne messire Pierre Chanet docteur es droitz juge ordinnaire de cestedite ville soit personnaige très savant, lectré, bon justicier et de bonne conscience et que de son tempz qu’il a esté juge, il ait fait de grans et bonnes expédicions de justice.pareillement durans quatre années qu’il a esté à diverses foiz conseiller de ladite ville, il se soit très vertueusement pourté au fait de la chose publicque, mesmement au fait des rempars et fortiffications qu’ont esté faictes depuis quatre ans en ça ainsi que chacun a veu et sceu et que c’est chose notoyre », il est attaqué par les procureurs des artisans. 1516, BB34 f257.
1516, BB34 f257v.
« Excepté touteffoiz ledit Ambroise Ferrier espinolier, qui ne se déclaire ne veult à ce que dit est consentir ne dissentir, pareillement lesdit Claude Perret pelletier, Jehan Laurens fondeur, et Anthoine Buyat masson, lesquelz ont dit qu’ilz ne scevent que c’est d’icelle matière et ne s’en veulent mesler ne en oppiner », 1516, BB34 f257-258.
« A esté récité par plusieurs de messires les conseillers comme Pierre Grenoble fait dresser ung eschauffault devant sa maison pour jouer certaine histoire à la prouchaine entrée de la Royne, par lequel comme l’en dit, il blasme et entend blasmer plusieurs qui sont et ont esté conseillers et mys en termes si l’en luy permectra faire ou non. Et sur ce a esté ordonné ne luy permectre veu qu’il n’est loisible à personne faire aucunes histoires es entrées sinon celles qui sont esté ordonnées par les conseillers et corps commun de ladite ville », 1516, BB34 f161v.
La fête est un élément essentiel de culture commune à tous les membres de la société. Les entrées royales rassemblent l’ensemble de la population, et sont fort nombreuses à Lyon au tournant du XVIe siècle : cinq entre 1490 et 1520 (Les entrées ont lieu en 1490, 1494, 1495, 1507, 1515. Cité par R. Chartier et H. Neveux, « La ville dominante et soumise » , La ville des temps modernes, sous la direction E. Leroy Ladurie, Seuil, 1980, p.185.) Elles sont l’occasion de nombreuses festivités : cortèges, spectacles, jeux nautiques, théâtre… Un intérêt particulier est manifesté par toute la population pour le théâtre : les Mystères réunissent toute la société et lui donnent à voir ses valeurs communes, en mettant en scène sa foi chrétienne. Le nombre des représentations est encore important dans les villes jusque dans le premier tiers du XVIe siècle, on en compte d’ailleurs une dizaine à Lyon entre 1470 et 1518. Le théâtre profane est lui aussi très apprécié : « 250 pièces appartenant à des genres diversifiés – sermon joyeux, monologue, dialogue, farce, sottie, moralité – sont conservées pour la période 1450-1530. » (J.P. Boudet, « Le bel automne de la culture médiévale », Histoire culturelle de la France, sous la direction de J.P. Rioux et J.F. Sirinelli, Seuil, 1997, t1., p.311.). La volonté de Grenoble de faire jouer une satire le jour de l’entrée de la reine indispose donc au plus haut point les conseillers.
Les assemblées vues par les conseillers : « a esté mys en termes par le procureur de la ville comme les habitans de la rue Mercière en nombre de troys à quatre vingtz se sont assemblez en icelle court depuys dix ou douze jours en ça et illec ont fait, esleu, créé et ordonné ung capitaine de ladite rue Mercière ung lieutenant, quatre conseillers et greffier, en ordonnant certains statuz contre ceulx qui jureroient le nom de Dieu et autres choses déclarées en l’acte receue par ung notaire nommé Chastillon, et commancé peynes de banissement et entreprenant juridicion et auctorité contre l’auctorité du Roy et de sa justice et contre la prééminance des consulatz de ladite ville », 1517, BB37 f78v-79. Le sens véritable de ces assemblées : « sous umbre de quelque assemblée faicte par aucuns habitans de ladite rue pour adviser de faire quelque joyeuseté et esbat, aucuns habitans de ladite rue ont esté emprisonnez par auctorité de la court de seneschaulcée de Lion et combien qu’ilz n’entendissent faire aucune chose contre ne au préjudice de l’auctorité, ne préhéminance du Roy, ne des privillaiges de ladite ville, ne du cappitaine d’icelle, néanmoingtz, soubz umbre de quelque acte qu’on dit avoir esté passé par iceulx habitans de ladite rue signée et receue par ung nommé Chastellain soy disant notaire, par laquelle ilz dient avoir fait capitaine et ordonnances desquelles jamays n’eurent comme ilz dient aucune cognoissance et ne l’entendirent jamays. (…) Ilz n’entendirent jamays faire ladite assemblée sinon pour joyeuseté et pour adviser de faire quelque chevalerie d’asne », 1517, BB37 f80-v.
Les nouveaux conseillers ne veulent pas faire leur serment avant que les anciens « n’ayent renduz ou fait rendre compte des deniers tant en recepte que en despense durant l’année derrière passée comme il est acostumé faire », 1517, BB37 f17.
AA151 f47-49v.
La vérification des papiers depuis 20 ans et l’enquête diligentée par le procureur du roi vont dans le sens des artisans, mais on leur fait clairement comprendre que cela ne peut être de leur ressort : le roi s’occupe des possibles malversations dans ses villes. Le pouvoir royal met donc la main sur la ville : la consultation de ces documents permet de connaître exactement les ressources de la cité ; c’est aussi l’idée que le consulat ne peut régler seul ses problèmes et qu’il a besoin de la justice royale. Le grand vainqueur de cette crise est d’abord le souverain.
Une des difficultés pour évoquer et analyser ce conflit est qu’il est difficile de le comparer à des évènements similaires arrivés dans d’autres villes. J. Heers (Les partis et la vie politique…, op.cit., p.197-212) développe le cas d’affrontements politiques majeurs à Bordeaux (entre les années 1250 et 1330) et à Barcelone (au milieu du XVe siècle). Les comparaisons tournent court car il n’existe pas réellement deux partis très affirmés à Lyon qui s’opposent comme dans ces villes et obtiennent alternativement le pouvoir : dans les deux cas, ces partis sont vraiment organisés autour de familles rivales, des clientèles s’affrontent pour le pouvoir, des symboles différencient les opposants (couleurs, bannières, noms de partis). Dans notre cas, s’il s’agit bien d’une lutte pour le pouvoir consulaire, elle est le fait de quelques individus, qui ont aussi d’autres motivations, qui ont constitué certes un petit parti autour d’eux mais qui s’opposent d’abord au consulat et à toute une oligarchie plutôt qu’à une famille, ou à un groupe bien défini. Durant tout le conflit, même lors de cette première phase, les procureurs des artisans sont minoritaires et leurs luttes indiffèrent la population et une partie des notables de la ville.