La libéralisation financière a été conçue par McKinnon et Shaw (1973) comme étant une manière efficace et simple permettant d'accélérer la croissance économique des pays en développement. Leur modèle est fondé sur l'idée selon laquelle en éliminant la répression financière, qui est à l'origine du ralentissement de la croissance économique, il sera possible d'augmenter davantage la croissance économique d'un pays. D’après ces deux économistes, un système financièrement réprimé est un système où le gouvernement détient le monopole dans l’attribution des crédits et décide des taux d’intérêt pratiqués. Dans cette perspective, le gouvernement met en place des réglementations (portant par exemple sur le taux d’intérêt en vigueur), que les institutions financières sont tenues d’appliquer, lui permettant d’exercer ou de renforcer le contrôle d’une part, sur les banques et les autres intermédiaires financiers et, d’autre part, sur les mouvements de capitaux internationaux. Dans un tel contexte, le système bancaire et financier se trouve alors sous le contrôle et l’autorité du gouvernement, ce qui entrave le bon fonctionnement de l’économie, et freine la croissance et l’investissement. L’élimination de la répression financière est alors de rigueur pour promouvoir un processus de croissance économique.
Par ailleurs, le système financier a besoin de son autonomie qui peut lui être assurée à travers la libéralisation financière. Par exemple, par le biais d'un accroissement des taux d'intérêt réels sur les dépôts (soit en augmentant les taux d'intérêt nominaux ou en diminuant l'inflation). La libéralisation va stimuler l'accumulation des encaisses réelles, et donc l'épargne, et permettre par conséquent un accroissement de l'investissement.
La libéralisation peut être assimilée au processus qui donne au marché le plein pouvoir pour déterminer qui possède une garantie pour pouvoir bénéficier d’un crédit et à quel taux. La libéralisation accorde aux banques une autonomie leur permettant de gérer leurs propres affaires. Ainsi, la libéralisation financière apparaît comme une solution permettant la sortie d’un régime de « répression financière » et constituant le point de départ vers un développement sain et durable de l’économie. C’est dans cette optique que la libéralisation financière est adoptée par les pays et qu’elle a séduit, ces dernières années, en particulier les pays en développement. Cela suggère une élimination des contrôles sur les crédits, une déréglementation des taux d’intérêt, une libre entrée au sein du secteur bancaire et plus généralement dans l’industrie des services financiers, une autonomie bancaire, une privatisation des banques et une libéralisation des flux de capitaux internationaux. Ces six caractéristiques représentent à la fois l’aspect externe et interne de la libéralisation financière.
L'aspect externe se caractérise par la libre circulation des capitaux. Plusieurs avantages doivent en résulter. En premier lieu, les marchés émergents obtiennent un accès à l'épargne mondiale, permettant ainsi aux investisseurs locaux d'exploiter de nouvelles ressources ou de nouveaux fonds et d'augmenter par conséquent le taux d'investissement. En deuxième lieu, le coût de l'emprunt diminue dans la mesure où les taux d'intérêt sur les marchés financiers internationaux tendent à être plus faibles que les taux domestiques. La croissance est ainsi favorisée. Par ailleurs, lorsqu'un pays s'ouvre aux flux financiers internationaux, l'augmentation des investissements s'accompagne d'une augmentation de l'épargne et d'une baisse de la consommation. Le pays peut aussi compter sur l'épargne étrangère qui générera plus tard des rendements futurs élevés.
L'aspect interne se traduit par des changements susceptibles d'affecter les instruments de la politique monétaire mis à la disposition des autorités monétaires, et par conséquent la modification de ses conditions d'exercice. En effet, dans le cadre de la libéralisation financière, les différents marchés subissent des transformations et des mutations qui peuvent fragiliser les pays qui ne se sont pas bien préparés à ces changements. Les marchés émergents sont les marchés les plus exposés à ces perturbations économiques et monétaires.
Il est par ailleurs important de signaler que le rôle disciplinant de la mobilité des capitaux et de la fixation du taux de change a été souvent encouragé dans la mise en application de la libéralisation financière, dans la mesure où ces deux éléments aident à faire baisser l’inflation aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. La mobilité des capitaux a été l’élément le plus frappant de cette libéralisation compte tenu de son ampleur. Plus la mobilité des capitaux est importante, plus rapide devrait être l’effet disciplinant de la politique macroéconomique. Cela s’explique éventuellement par les coûts importants que les gouvernements anticipent et qui s’imposent à eux si les crises et dévaluations reposent sur des politiques inappropriées.
En fait le rôle disciplinant des marchés peut modifier l'arbitrage entre gains immédiats et coûts futurs auxquels font face les gouvernements. En effet, les politiques expansionnistes génèrent des bénéfices qui précèdent les coûts incitant ainsi les gouvernements à mener des politiques contradictoires avec la soutenabilité du régime de change. Dans cette perspective, une forte mobilité des capitaux qui augmente la probabilité de crises de change futures devrait modifier cette incitation à des politiques exagérément expansionnistes.
Pour beaucoup de marchés émergents, une relation positive entre le degré d’ouverture des marchés et la baisse de l’inflation a été établie. Les marchés étant fortement tournés vers l’anticipation d’inflation, ils sont incités à surveiller le gouvernement à travers la mise en place des politiques adéquates, pour dissuader l’inflation et éviter les risques d’attaques spéculatives et de fuites de capitaux. Mais le problème qui se pose est temporel. En effet, les marchés sanctionnent tardivement le gouvernement, ce qui conduit à des problèmes au niveau de la discipline à laquelle le gouvernement doit se conformer. Discipliner le gouvernement permet en effet de limiter les politiques économiques laxistes.
La relation entre les politiques monétaires courantes et les effets futurs sont d’autant plus rapides que la mobilité des capitaux augmente. Cependant, les effets d'une politique monétaire expansionniste peuvent ne pas être immédiats et ne générer des crises qu'après quelques années. Par exemple, en se référant aux effets d'une telle politique sur le compte courant, il apparaît qu'une anticipation d'attaques spéculatives va provoquer une fuite de capitaux. Cela peut augmenter les coûts futurs prévus. L'idéal est alors d'adopter une politique monétaire très expansionniste compatible avec le maintien d'un taux de change administré. La sortie provoquée de capitaux spéculatifs sera à l'origine d'une augmentation des taux d'intérêt. Cette augmentation des taux d’intérêt va servir d’indicateur d’une part pour alerter les investisseurs que le risque augmente, et d’autre part pour prévenir le gouvernement de la nécessité du changement et de mise en ordre de sa politique. Un gouvernement optimum va répondre à cet indicateur par des changements adéquats au niveau de la politique monétaire adoptée. Le comportement des marchés financiers aura ainsi apporté une discipline au niveau des politiques du gouvernement qui ne peut lui être que bénéfique, sans pour autant conduire à une crise. Mais l’attitude de ce gouvernement vis à vis du changement de sa politique n’est pas évidente, et c’est ce qui explique éventuellement la fréquence des crises.
Les principales actions des marchés émergents en matière de libéralisation ont fait l'objet de plusieurs études.
D’après une étude faite par Williamson et Mahar (1998), même si les pays d’Amérique Latine et d’Asie du Sud Est ont commencé la libéralisation financière à la fin des années quatre-vingt, le secteur financier a connu, lui, une importante libéralisation entre 1992 et 1996. Cette période a été caractérisée en grande partie par une libre circulation des capitaux, un recul des contrôles sur les mouvements de capitaux, un important mouvement de privatisation, plus de flexibilité des taux de change, une élimination des contrôles de crédit. Dans ce contexte, la majorité des marchés émergents ont libéralisé leur compte de capital progressivement. Cette libéralisation a été effectuée tout en respectant la nécessité de la mise en place des conditions permettant d'éviter les entrées massives de capitaux, ce qui n'implique pas nécessairement la libéralisation des sorties de capitaux.
Williamson (1993) 2 souligne l’importance des pré-conditions pour une libéralisation prudente des flux de capitaux entrants versus les flux sortants. Ces pré-conditions regroupent la mise en place des industries d'exportation non traditionnelles ; la discipline budgétaire ; un régime d'importation libéralisé et un système financier domestique libéralisé. Le maintien de quelques contrôles sur les flux de capitaux à court terme (telles que les réserves appliquées sur les emprunts en devise) est aussi recommandée afin de se prémunir contre les massives entrées de capitaux.
Pour Fisher et Reins (1992) 3 , la libéralisation à long terme des entrées de capitaux doit être adoptée dès le début du processus de la libéralisation. Dès lors plusieurs conditions doivent être remplies au fur et à mesure, notamment : l'adoption d’une libéralisation commerciale au moins de 2 ans avant la suppression des contrôles de capitaux ; un déficit budgétaire moyen inférieur à 5 % du PIB dans les 3 ans conduisant à la suppression des contrôles ; l'introduction de la libéralisation financière domestique ; le libre accès au secteur bancaire (banques domestiques et étrangères) ; la réduction de la part de l'Etat dans les banques à moins de 40 % au moins 2 ans avant la dérégulation ; et la présence d'un système de régulation prudentielles et de supervision ajusté au système financier fondé sur le marché.
Toutes ces actions ont toutefois été interrompues par des situations délicates notamment les crises de change en 1994 et en 1997, témoignant ainsi de la fragilité et des lacunes du processus de libéralisation financière.
Cité dansWilliamson et Mahar (1998)