I-2- La stabilisation fondée sur la monnaie 

Contrairement aux plans de stabilisation fondés sur le taux de change, dont la mise en place favorise un boom économique et une appréciation réelle soutenue, les plans de stabilisation fondés sur la monnaie  occasionnent  une récession au début du programme pour faire baisser l’inflation.

Le contrôle de l’inflation passe ici par celui de la masse monétaire. En effet, en se référant à un ciblage par un agrégat monétaire, moyennant la fixation d’une norme d’accroissement de la monnaie mise en circulation, on arrive à contrôler la demande de monnaie et par conséquent l’inflation. Pour ce faire, deux hypothèses de base sont mises en avant, à savoir des prix rigides et une demande de monnaie élastique au taux d’intérêt.

Dans les pays à tradition inflationniste, les programmes de stabilisation fondés sur la monnaie sont moins fréquents que ceux fondés sur le taux de change. Le tableau II.2 présente les principales caractéristiques des programmes de stabilisation fondés sur la monnaie adoptés pendant ce dernier quart de siècle.

Tableau II.2 : LES principaux plans de stabilisation fondés sur la monnaie
Programmes Dates de début et fin de programme Politique monétaire Taux de change Taux d’inflation initial Taux d’inflation minimum
Chili 1975 Avril1975-déc1977 Contrôle d’agrégats monétaires Taux de change ajusté par l’inflation passée 394,3 63,4
Onex (Argentine) Déc. 1989- fév. 1991   Taux de change flottant 4923,3 287,3
Collor (Brésil) Mars 1990-janv 1991 Ajustement de la politique monétaire (resserrement) Le taux de change a eu un rôle passif 5747,3 1119,5

Source : A partir de Calvo and Végh (1999)

Comme le montre ce tableau, les régimes monétaires varient et les purs programmes de stabilisation fondés sur la monnaie 37 sont rares.

Les régularités empiriques identifiées dans ces programmes sont :

Afin d’illustrer quelques-unes de ces régularités, nous allons nous référer au panel de Calvo et Végh (1999) qui comprend l’Argentine, le Brésil et le Chili avec des données sur 25 ans entre 1971 et 1995 (graphique 2, annexe 2). Les conclusions dégagées par les deux auteurs sont les suivantes :

Le manque de données ne permet pas de suivre l’évolution du taux d’intérêt réel. Cependant, les données trimestrielles présentées par Calvo et Végh (1994) sont compatibles avec une baisse initiale des taux d’intérêt réels.

Il est important de remarquer que l’utilisation de l’ancrage monétaire pour diminuer l’inflation a été beaucoup moins fréquente que l’ancrage par le taux de change. L’étude empirique dont nous disposons suggère cependant que ces stabilisations par l’ancrage monétaire ont conduit à une récession au début de son application, à des taux d’intérêt réels élevés et à une appréciation du taux de change réel 38 .

Jusque là, nous avons décrit les différentes expériences de stabilisation, vécues par des pays en développement caractérisés par une inflation élevée. Nous avons distingué deux types de plans de stabilisation, ceux fondés sur le taux de change, et ceux fondés sur la monnaie. La littérature nous permet de remarquer que le premier type de plan est plus fréquent et plus utilisé que le second dans l’échantillon des pays étudiés. Les causes et les résultats restent quelque peu ambigus. En effet, bien que l’objectif premier de ces plans soit la baisse de l’inflation, le succès des plans ne dépendrait pas seulement de l’inflation réalisée mais aussi du comportement des fondamentaux monétaires et budgétaires. Dans certains cas, l’inflation peut être réduite temporairement à travers le contrôle des prix et des salaires, mais la désinflation reste tributaire de la cohérence de ces contrôles avec les fondamentaux. Dans d’autres cas, on retrouve plusieurs troubles des fondamentaux tels qu’une large appréciation du taux de change et à des vitesses variables, une récession de l’activité économique, des déséquilibres externes, une variation dans la vitesse de la circulation de la monnaie, et d'autres.

Certains résultats suggèrent que le manque de crédibilité peut expliquer le comportement anormal des fondamentaux telle que la hausse des taux d’intérêt réels au cours des mois qui ont suivi le lancement des programmes. Il semblerait que les programmes de stabilisation, avec les pactes et les accords de prix et de salaires, ont aidé à briser l’inertie de l’inflation au tout début de leur mise en oeuvre. Cependant, la faible inflation n’a pas vraiment amélioré la confiance des investisseurs dans les plans des gouvernements.

Finalement un programme de stabilisation de l’inflation peut aboutir à une réduction sévère du taux de change ou du taux de croissance de la demande de monnaie, mais ne permet pas nécessairement d'atteindre l'objectif final à savoir la baisse du taux d’inflation.

Notes
37.

Un pur programme de stabilisation fondé sur la monnaie implique l’existence d’un flottement du taux de change qui peut aussi conjugué avec un objectif de taux d’intérêt ou d’inflation. Mais pour le besoin de cette étude, les plans de stabilisation fondés sur la monnaie peuvent aussi être établis pour des économies ayant aussi bien des régimes de change flottants que fixes.

38.

Une étude plus approfondie de ces ancrages est traitée dans le chapitre 4 du présent travail.