II-1- Aperçu et analyse des principales tendances macro-économiques dans les pays d'Amérique Latine

Les graphiques II.1 à II.6 résument le comportement des variables macroéconomiques clés sur une période de vingt ans. Notre échantillon en Amérique Latine regroupe l’Argentine, le Brésil, le Chili et le Mexique. L’objectif est d’établir le lien éventuel entre l’évolution de ces différentes variables et la massive entrée de capitaux effectuée dans ces pays. Nous insistons sur le comportement des variables étudiées avant et après les plans de stabilisation.

Nous commençons l'analyse en considérant dans quelle mesure les plans de stabilisation ont réussi à baisser l’inflation dans le contexte des entrées massives de capitaux des années quatre-vingt-dix. Le graphique II.1 montre l’évolution du taux d’inflation dans le temps face aux différentes perturbations économiques et particulièrement au cours des périodes de stabilisation dans les pays d’Amérique Latine.

Graphique II.1 : Taux d’inflation annuel (en pourcentage)
Graphique II.1 : Taux d’inflation annuel (en pourcentage)

Source : Données statistiques du FMI, (2000)

Pour le cas de l’Argentine, par exemple, les plans de stabilisations fondés sur le taux de change ont été plus efficaces que ceux fondés sur la monnaie. En effet, au cours du premier plan de stabilisation fondé sur le taux de change, entre 1978 et 1981, l’inflation a été à un niveau stable et relativement faible par rapport aux autres années ; entre 1985 et 1986 (période du second plan de stabilisation), le taux d’inflation a diminué, et en 1991, il y a eu une importante baisse du taux d’inflation après avoir atteint son pic en 1989, date de la mise en place du plan de stabilisation fondé sur la monnaie et suite auquel le taux d’inflation a légèrement diminué.

Par ailleurs, pour le Brésil, le plan Cruzado, n’a pas donné les résultats escomptés puisque le niveau d’inflation a légèrement augmenté à cette période même s’il est resté relativement bas. Mais en 1990 après avoir approché le taux de 3000 %, le taux d’inflation a très rapidement baissé avec la mise en place du plan de stabilisation fondé sur la monnaie, mais cette baisse n’a été qu’éphémère puisque le taux a augmenté aussitôt après.

Pour le Mexique et le Chili, les résultats ont été plus satisfaisants dans la mesure où le taux d’inflation a diminué pendant et après la période de stabilisation. En effet, le Mexique a réussi à faire baisser son taux d’inflation de 130,8 % en 1987 à 6,9 % en 1994, et le Chili de 26,6 % en 1990 à 12 % en 1994.

En présence des entrées massives de capitaux enregistrées entre 1989 et 1994, le taux d’inflation a été beaucoup plus faible au Mexique et au Chili. Cependant, la hausse des taux d’inflation dans les pays d’Amérique Latine au cours de ces années peut être expliquée par le fait que la plus part d’entre eux avaient un régime de change flexibles favorisant les pressions inflationnistes. Dans l'ensemble, les plans de stabilisation ont réussi à la fin des années quatre-vingt-dix à ramener l'inflation à des taux faibles, en particulier en Argentine où le taux d'inflation a atteint un niveau inférieur à 1 % en 1996.

Les entrées de capitaux touchent plusieurs variables dont la liquidité et les crédits. Nous allons voir l’intensité de ces effets pour les pays d’Amérique Latine et si les plans de stabilisation ont joué un rôle pour augmenter ou atténuer ces effets. Le graphique II.2 retrace l’évolution de la croissance annuelle de l’agrégat M2.

Graphique II.2 : Croissance annuelle de M2 en terme nominal (en pourcentage)
Graphique II.2 : Croissance annuelle de M2 en terme nominal (en pourcentage)

Source : Données statistiques de la Banque Mondiale, (2001)

Au Mexique, on enregistre une importante baisse de M2 en 1988 suivie d’une brève hausse, elle-même suivie d’une importante diminution en 1989. Ce mouvement de baisse de M2 a continué jusqu’en 1994. Au Chili en revanche, les contrôles sur les entrées de capitaux pourraient expliquer l’importante baisse de la croissance de M2. Pour la période entre 1989 et 1994, où les entrées de capitaux ont été massives, à l’exception du Chili, le taux de croissance de M2 a augmenté, conséquence naturelle des entrées de capitaux.

Le graphique suivant (II.3) montre l’évolution des crédits accordés au secteur privé en pourcentage du PIB.

Graphique II.3 : Crédits au secteur privé (en pourcentage du PIB)
Graphique II.3 : Crédits au secteur privé (en pourcentage du PIB)

Source : Données statistiques de la Banque Mondiale (2001)

D’après ce graphique, le Brésil est celui qui a accordé le plus de crédits au secteur privé, suivi de l’Argentine et du Mexique. L'augmentation du ratio du crédit témoigne des entrées de capitaux de l’époque. Il est important de noter aussi qu’à partir de la fin des années soixante-dix, il y a eu une importante hausse des crédits bancaires accordés au secteur privé, en particulier en Argentine et au Chili qui dépasse de loin les dépôts bancaires privés. En revanche, entre 1986 et 1994, le Chili a enregistré une baisse des crédits en pourcentage du PIB malgré la massive entrée de capitaux observée.

Les entrées de capitaux affectent aussi le compte courant de la balance des paiements et les réserves de change. Le graphique II.4 retrace à la fois l’évolution du solde du compte courant (%PIB) et les réserves internationales nettes (%PIB).

Graphique II.4 : Evolution du solde du compte courant et des réserves internationales (en pourcentage du PIB)
Graphique II.4 : Evolution du solde du compte courant et des réserves internationales (en pourcentage du PIB)

Source : Données statistiques de la Banque Mondiale et du FMI (2001)

D’après ce graphique,il apparaît qu’à chaque fois qu’un plan de stabilisation fondé sur le taux de change est mis en application, le solde du compte courant baisse et continue à baisser pendant toute la durée du plan. Ainsi pour le Mexique 42 , le Chili, l’Argentine et le Brésil pendant la période de stabilisation, le déficit du compte courant s'est de plus en plus creusé. Au terme de chaque plan 43 le niveau du compte courant augmente aussitôt. Pour le Chili et le Mexique, le solde du compte courant est toujours resté déficitaire, alors que pour l’Argentine et le Brésil, ils ont enregistré des excédents du compte courant de courtes durées.

En revanche lorsqu il s’agit d’un plan de stabilisation fondé sur la monnaie 44 , le niveau du compte courant pendant la durée du plan augmente. Pour le Brésil cette hausse a continué après la fin du plan, contrairement à l’Argentine qui a connu à partir de fin 1991 une baisse du niveau du compte courant.

Pour les pays d’Amérique Latine, le compte courant a été le plus souvent déficitaire ce qui reflète un endettement extérieur des différents pays en question. La baisse du niveau du compte courant accentue le déficit de ce compte, ce qui se traduit par un besoin supplémentaire des devises afin de combler ce déficit en particulier à la fin des années quatre-vingt-dix, ce qui n’était pas le cas des pays d’Asie du Sud Est. Plus le déficit du compte courant est grand, plus les pays ont besoin de fonds pour le financer, et ce sont les entrées de capitaux attirées qui assurent ce financement.En ce qui concerne les réserves de change, entre 1989 et 1994, elles ont enregistré une augmentation qui s’explique par les entrées de capitaux, à l’exception du Brésil pour qui les réserves ont commencé à augmenter à partir de 1991.

Les effets sur les réserves de changes touchent aussi le taux de change. A travers le graphique II.5, on peut voir le comportement du taux de change réel effectif depuis 1991 45 .

Graphique II.5 : Evolution du taux de change effectif réel
Graphique II.5 : Evolution du taux de change effectif réel

Source : Données statistiques du FMI (2001)

D'importantes baisses du taux de change effectif réel ont été observées au Chili et en Argentine respectivement en 1995 et 1993. Pour le Chili, après la fin du plan de stabilisation en 1982, le taux de change réel effectif a commencé à baisser jusqu’en 1996. Cette diminution du taux de change a conduit à l’appréciation de la monnaie, mais comme cette baisse du taux de change entre 1989 et 1994 n’était pas très importante le degré d’appréciation ne l’était pas non plus. En effet, l’utilisation du taux de change comme ancrage nominal a produit une appréciation réelle pour les monnaies des pays d’Amérique Latine, mais ce sont les degrés d’appréciation qui ont fait la différence. Par exemple, le peso mexicain s’est apprécié de 22,2 % entre 1988 et 1994, alors que pendant la même période le peso chilien s’est apprécié de 8,8 % 46 .

Graphique II.6 : Croissance annuelle du PIB en terme nominal (en pourcentage)
Graphique II.6 : Croissance annuelle du PIB en terme nominal (en pourcentage)

Source : Données statistiques de la Banque Mondiale (2001)

Notes
42.

Pour le Mexique, le solde du compte courant était excédentaire à la base, et a commencé à devenir déficitaire à partir de fin 1987 juste avant le début du programme de 1987.

43.

Les plans de stabilisation fondés sur le taux de change en question sont : Chilean tablita (Fev 1978-juin 1982), Argentine tablita (décembre 1978-févrierv 1981), Austral Argentine (juin 1985-septembre 1986), Cruzado Brésil (février 1986-novembre 1986), Mexico 1987 (décembre 1987-décembre 1994) et Convertibility Argentine depuis avril 1991.

44.

Les plans de stabilisation fondés sur la monnaie considérés sont : Bonex Argentine (décembre 1989-février 1991) et Collor Brésil (mars 1990-janvier 1991)

45.

Les données n’étaient disponibles pour tous les pays qu' à partir de 1991.

46.

R. Levich “Emerging market capital flows” Stern School of business, NY University 1998