III- Les réactions des politiques économiques

Il est question dans cette section de voir comment les politiques monétaires et budgétaires des différents pays ont réagi face aux variations des variables macroéconomiques générées par les entrées massives de capitaux.

III-1- Cas des pays d’Amérique Latine

En examinant de près les résultats des plans de stabilisation, il en ressort que le Mexique et le Chili ont eu tous deux des résultats satisfaisants. Ceux ci ont été accompagnés d’une dérégulation et de la privatisation de leurs entreprises étatiques. Vu de l’extérieur, le Mexique et le Chili ont toujours été considérés comme des économies jumelles : deux économies fortement orientées vers le marché, qui ont opéré un important processus de libéralisation et d’ouverture.

Ces similitudes 49 peuvent cependant cacher des différences fondamentales dont l’importance s’est fait ressentir face aux entrées de capitaux et plus tard dans les années quatre-vingt-dix lorsque ces pays ont été confrontés à la sortie des capitaux.

La première différence se situe au niveau des réformes structurelles en terme de date et de durée. Les premières réformes structurelles engagées au Chili datent de mi-70 sur le plan commercial et fiscal, suivies au milieu des années quatre-vingt par des réformes sur la privatisation et la dérégulation. Au Mexique en revanche, les premières réformes ont été mises au point en 1983 et ont porté plus particulièrement sur le commerce et la dérégulation. Leur mise en application a été retardée jusqu’après 1987. Ce qui explique le fait que pendant les années quatre-vingt-dix, le Chili a commencé à bénéficier de ces réformes. Le Mexique quant à lui, a été au cours de cette période encore en train de mettre au point ses réformes dans un contexte de croissance. Ainsi, par rapport au Chili, dont la croissance du PIB entre 1988 et 1994 a été de l’ordre de 7,1 % par an, le Mexique n’a pu enregistré que 2,8 % par an pour la même période.

La deuxième différence se situe au niveau de la stabilisation de l’inflation. Alors que le Chili a achevé son programme de stabilisation vers la fin des années soixante-dix, le Mexique se trouvait encore au début des années quatre-vingt-dix à voir les effets du programme de stabilisation engagé à la fin de 1987. Cependant, il demeure difficile de décider si les problèmes de cette période, en particulier la surévaluation du taux de change et le déficit du compte courant ont été causés par la stabilisation fondée sur le taux de change, ou par les entrées de capitaux ou une combinaison des deux.

En dépit d'une date de mise en application différente, la réussite des deux pays au niveau de la lutte contre l’inflation a été remarquable. Le Mexique a réussi à faire baisser son taux d’inflation de 130, 8 % en 1987 à 6,9 % en 1994 (annexe ) et le Chili de 26, 6 % en 1990 à 12 % en 1994.

La troisième différence se situe au niveau de la balance des paiements. Pour le cas du Chili entre 1990 et 1994, le déficit du compte courant a montré une tendance stable et décroissante en moyenne de 1,6 % du PIB par an. Ceci associé à un surplus important du compte de capital, en moyenne de l’ordre 6,8 % du PIB, a conduit à une augmentation massive des réserves internationales des banques centrales, environ 8 milliards de dollars entre 1990 et 1994, ce qui représentent 5,2 % du PIB annuel. Cette augmentation pose un grand problème pour la transmission de la politique monétaire.

Au Mexique en revanche, les entrées de capitaux suite à l’appréciation du peso entre 1990 et 1994, ont été employées pour financer le déficit du compte de capital et l’impact sur les réserves internationales a été modéré : entre 1987 et le pic de décembre 1993, les réserves ont augmenté en moyenne de 0,7 % du PIB.

En termes de composition des entrées de capitaux, le Mexique et le Chili montrent encore d’importantes différences. Pour le Mexique, la principale composante des entrées de capitaux sont les flux à court terme entre 1990 et 1993 (investissements de portefeuille et prêts inférieurs à un an) avec 55 % du total des entrées, le reste étant des investissements directs étrangers et des prêts à long terme. Pour le Chili, on observe l’inverse, 55 % en investissement à long terme et 45 % au court terme.

Finalement, en termes d’indicateurs de croissance de long terme, pendant la période 1989-94, le taux d’intérêt au Chili a été supérieur à celui du Mexique en moyenne de 3% du PIB par an. Les différences d’épargne ont été plus importantes puisque le taux d’épargne chilien a dépassé d’environ 7 % du PIB par an.

Un des points communs a été observé au niveau de la de politique budgétaire, les deux pays ont, pendant les années quatre-vingt-dix, engagé une politique de gestion conservatrice des dépenses. Aussi bien les autorités mexicaines que chiliennes ont fourni des efforts considérables pour baisser le déficit budgétaire.

L'Argentine aussi, mais dans une moindre mesure, a connu une certaine réussite de son plan de convertibilité. En effet, d'une part, elle a réussi à baisser son taux d'inflation et d'autre part, elle a enregistré l'amélioration de certains indicateurs macroéconomiques, même si cette amélioration n'a été que temporaire. Suite au plan de convertibilité, les investissements ont augmenté en particulier les IDE qui correspondent en totalité aux crédits à long terme accordés pour le financement des investissements. Les réserves de change de leur côté ont également augmenté, ce qui s'explique par une augmentation des entrées de capitaux qui se sont accompagnés par une hausse des agrégats monétaires notamment M3 par l'émission des titres du trésor public.

Au Brésil, malgré les faibles taux d'inflation enregistrés à la fin des années quatre-vingt-dix, en particulier en 1996, la politique budgétaire laxiste et les conditions monétaires restrictives de l'après crise Mexicaine présentent d'importants risques pour l'économie brésilienne.

Notes
49.

Ces similitudes apparaissent au niveau de deux points :

- Ces deux pays ont effectué d’importantes réformes économiques qui leur ont permis à gagner la confiance des investisseurs étrangers. En effet, relativement à la taille de leurs économies, les entrées de capitaux étaient particulièrement élevées. Pour le Chili, les entrées de capitaux entre 1990 et 1994 étaient en moyenne supérieures à 6,7% du PIB, de même pour le Mexique, elles étaient de 6,2% du PIB .Ces taux restent élevés par rapport aux autres pays d’Amérique Latine, par exemple l’Argentine a enregistré en moyenne 1,2% du PIB en entrées de capitaux, le Brésil environ 1,8% du PIB toujours pour la même période, entre 1990 et 1994.

- Ces deux pays ont eu des politiques différentes face aux entrées de capitaux. Le Mexique s’est beaucoup attaché à ces capitaux (étant donnée l’importance de son déficit extérieur, il n’avait pas trop le choix). Le Chili a essayé de les gérer avec plus de prudence. Mais les deux n’ont pas utilisé ces capitaux dans une politique budgétaire expansionniste insoutenable.