I-1-3- Les problèmes liés aux comportements des investisseurs

En plus de la recherche d'une plus grande autonomie, et la limitation de la volatilité des taux de change, les économies émergentes justifient aussi la mise en place des mesures de contrôle de capitaux par le comportement spéculatif des agents économiques. En effet, la possibilité d'attaques spéculatives auto-réalisatrices apporte une justification supplémentaire pour l’imposition des contrôles de capitaux. Obstfeld (1986) montre qu'abandonner le système de change fixe peut inciter le gouvernement à mettre en place une politique monétaire plus inflationniste que celle qu'il aurait menée dans ce système. Ce qui revient à dire que le taux de change fixe peut s’effondrer même lorsque les fondamentaux actuels sont compatibles avec un tel régime de change. Cela suggère en général, que les pays ayant des problèmes de crédibilité sont plus exposés aux attaques spéculatives et vont ainsi être plus séduits par les contrôles de capitaux en espérant y trouver une solution.

Selon Wyplosz (1986), les contrôles de capitaux peuvent temporairement protéger un système de change fixe contre les attaques spéculatives, dans la mesure où ils empêchent les résidents de spéculer contre leur propre monnaie.

Le rôle des contrôles de capitaux dans la prévention des attaques spéculatives auto-réalisatrices semble évident si l'on suppose que l'efficacité des contrôles retarde l’effondrement du régime de change. Si toutefois ce régime demeure vulnérable à cause des transactions du compte courant, il est alors recommandé de rétablir l’équilibre grâce aux contrôles de capitaux. Or, ce qui caractérise principalement les contrôles de capitaux dans les modèles d'attaques spéculatives est le fait que le secteur privé ne peut pas toujours négocier la dette privée contre devise, et inversement. Avec les contrôles de capitaux, le secteur privé peut ajuster ses avoirs en monnaie mais seulement par le biais des transferts nets de biens et services avec le reste du monde.

Néanmoins, le rôle des contrôles de capitaux demeure ambigu puisque les attaques auto-réalisatrices peuvent aller dans un sens opposé. Par exemple, une diminution spontanée des anticipations d’inflation du secteur privé peut déclencher une séquence de diminution des taux d'intérêt et des déficits budgétaires qui vont générer un bon équilibre.

En examinant les effets des restrictions sur les devises, certains économistes cherchent à savoir si limiter le degré de mobilité des capitaux, avec les autres caractéristiques économiques, politiques et institutionnelles, aide à expliquer le comportement des variables macroéconomiques tel que le taux d’intérêt réel 67 . Avec l’intégration financière internationale, les économies émergentes s’exposent à plusieurs problèmes inhérents aux entrées de capitaux et aux modifications du système financier international. Face à cela, les contrôles de capitaux peuvent éventuellement aider à limiter les entrées de capitaux les plus volatiles. En effet, lorsque les économies émergentes sont confrontées aux entrées massives de capitaux, les investisseurs modifient leurs comportements pour pouvoir arbitrer entre la diversification de leurs portefeuilles et la disponibilité des informations leur permettant d’optimiser leurs investissements.

Comme dans ces économies l’asymétrie d’information est de plus en plus présente, il devient plus difficile aux investisseurs d’estimer les risques qu’ils peuvent encourir. Si les investisseurs inversent leur comportement, les sorties de capitaux peuvent alors atteindre des niveaux très élevés sur une courte durée, c’est pourquoi la limitation des entrées de capitaux pourrait éventuellement éviter ce genre de comportement.

De leur côté, et contrairement à Obstfeld (1986), Dellas et Stockman (1993) montrent que les mesures de contrôle des capitaux peuvent constituer un signal d'une économie future laxiste. En effet, comme les contrôles de capitaux donnent aux autorités la possibilité de mener des politiques discrétionnaires à court terme (par exemple, une politique monétaire expansionniste avec un taux de change fixe), les adopter peut être perçu par les agents privés (qui ignorent les préférences des autorités) comme le signal d’un éventuel comportement discrétionnaire de la politique monétaire. Cela implique alors une détérioration de la crédibilité, contrairement à ce qui est escompté. Dès lors, les attaques spéculatives auto réalisatrices peuvent avoir lieu sous un régime de taux de change fixe dans la mesure où les agents anticipent une imposition des contrôles de capitaux. Les entrées de capitaux, en particulier les investissements directs étrangers, peuvent être découragées par les pays qui souhaitent limiter la propriété étrangère des facteurs de production domestiques, pour des raisons politiques ou idéologiques. Pour ces pays, la possibilité des contrôles de capitaux peut générer des attaques spéculatives, ce qui est différent de la thèse de Bartolini et Drazen (1997). Ces derniers pensent que la levée les contrôles de capitaux peut stabiliser l'économie, c'est pourquoi ce sont les pays les plus faibles qui sont les plus concernés par l'instauration des contrôles de capitaux. Dans cet esprit, ils développent l'idée que les contrôles de capitaux dégagent un signal qui peut affecter les anticipations du secteur privé concernant le comportement futur des autorités monétaires vis à vis des investisseurs. A l’inverse, l'élimination des contrôles signale aux investisseurs l’éventuelle baisse de la taxe sur les revenus de capitaux étrangers que les autorités peuvent envisager. Mais ceci n'implique pas l'élimination de cette taxe et encore moins la possibilité de son augmentation une fois les entrées de capitaux en place.

La littérature soulève un véritable problème pour les implications de politique économique des contrôles de capitaux. D'une part, leur efficacité peut permettre au gouvernement de gagner assez de temps pour déplacer les fondamentaux vers une région où les attaques spéculatives auto-réalisatrices sont moins probables. Dans ce cas c’est un moyen efficace pour que les gouvernements s’accordent le temps nécessaire pour sauver leur réputation. D’autre part, les contrôles peuvent provoquer des attaques dans le futur.

D’un point de vue pratique, il est dans l’intérêt du gouvernement de se montrer ferme en ce qui concerne les fondamentaux même s'il est temporairement obligé d'abandonner la parité du taux de change. Malheureusement, le rôle des contrôles de capitaux dans la réduction des coûts pour maintenir les fondamentaux demeure ambigu.

La pertinence des raisons énumérées ci-dessus dépend de la capacité des autorités à imposer des contrôles de capitaux efficaces. Cette capacité se trouve probablement affaiblie à travers le temps pour deux raisons :

Néanmoins, cela n'a pas dissuadé les pays d’imposer ces contrôles à travers de nombreux systèmes qui font l’objet du paragraphe suivant.

Notes
67.

Voir section 2 du présent chapitre.