Chapitre IV : Le ciblage d’inflation : une alternative de l’ancrage nominal

Dans le cadre d'une politique monétaire fondée sur la stabilité des prix, l'ancrage nominal permet de guider le comportement des autorités monétaires et d'aider à coordonner le processus de fixation des salaires et des prix ainsi que les mécanismes d'anticipations d’inflation.

L'ancrage nominal consiste à fixer une variable nominale comme objectif de la politique monétaire. Trois variables sont généralement utilisées comme cible : le taux de change, un agrégat monétaire (dans la majorité des cas M2) et l'inflation. Le choix s'est fixé sur ces variables compte tenu de l'impact de chacune d'entre elles sur l'objectif final de la politique monétaire à savoir la stabilité des prix. Par exemple, une diminution de l'offre de monnaie par rapport à la demande tend à augmenter la valeur de la monnaie et donc à diminuer l'inflation.

Les marchés émergents ont adopté une politique monétaire dont le principal objectif est la stabilité des prix. Les autorités monétaires évitent ainsi de prendre en considération d’autres objectifs tels que la croissance et l’emploi, et ce pour échapper à la tentation d'un biais inflationniste. Cependant, même avec un seul objectif, certains pays rencontrent des difficultés dans la conduite de leur politique monétaire, en grande partie en raison des perturbations auxquelles ces pays sont sujets. L'expérience des pays émergents en matière de politique monétaire montre à ce sujet des résultats contrastés. Plusieurs d’entre eux ont en effet connu des phases d’instabilité monétaire telles que des périodes d’inflation très élevées, une massive fuite de capitaux, ou un effondrement de leurs systèmes financiers. Le résultat s'est traduit par une faible crédibilité, une lente croissance et des périodes de récessions économiques. L'engagement plus ferme des autorités vis à vis du public à agir sur la stabilité des prix peut constituer une partie de la solution. Afin d’atteindre cet objectif de stabilité des prix, des objectifs intermédiaires ont été préconisés dont on cite le taux de change et l’agrégat de monnaie.

Le ciblage du taux de change a été mis en application après l'effondrement du régime de Bretton Woods. Cet ancrage a présenté pendant longtemps une solution satisfaisante à la conduite de la politique monétaire. Toutefois, avec l'accroissement des entrées de capitaux, les tensions se sont développées entre le contrôle de l'inflation et le maintien de la stabilité et celui de la compétitivité du taux de change. En effet, une augmentation des entrées de capitaux conduit à une hausse des pressions inflationnistes, et le taux de change nominal s'apprécie à travers une augmentation de l'inflation domestique. Ce qui rend plus difficile l'ancrage nominal sur le change. C'est pourquoi, les pays émergents ont opté pour un ancrage à l'aide des agrégats monétaires. Cependant, les innovations financières ont rendu cet objectif intermédiaire moins efficace. Dès lors, une alternative récente pouvant répondre à l'objectif de stabilité des prix a été désignée, dans un contexte de mobilité élevée des capitaux, à savoir l'objectif d'inflation. Cet objectif semble allier à la fois facilité de contrôle et transparence pour le public.

Ce chapitre étudie en trois sections les ancres nominales alternatives dans le cadre des entrées massives de capitaux qu'ont subit les marchés émergents :

‘dans une première section, il s’agit de montrer que si la mobilité internationale des capitaux a fragilisé l'ancrage sur le change, il se révèle délicat de mettre en œuvre une politique de cible d'agrégats ;’ ‘dans cette perspective, la seconde section étudie dans quelles mesures les marchés émergents peuvent conduire une stratégie de politique monétaire fondée sur une cible directe d'inflation ;’ ‘la troisième section présente les différentes expériences des pays émergents en matière d'ancrage nominal et les résultats obtenus pour le ciblage d'inflation.’