II-1- Définition du ciblage d'inflation

Le ciblage d'inflation a été décrit comme un cadre d'application de la politique monétaire en liberté surveillée. Fondé sur des règles, ce ciblage contraint la banque centrale d'annoncer explicitement sa cible en appliquant une politique monétaire cohérente. Toutefois, cette dernière dispose d'une certaine marge de manœuvre, dans la mesure où la banque centrale a la liberté de choisir comment utiliser ses instruments. Généralement, la banque centrale règle ses instruments à une date donnée à un niveau pouvant faire converger le taux l'inflation prévisionnelle vers un taux proche de la cible. Dans ces cas, l'inflation prévisionnelle sert d'objectif intermédiaire, et en fonction de l'écart entre les deux taux, la banque centrale détermine l'action à mener. Sur le plan pratique, la banque centrale décide à la lumière des informations obtenues sur l'inflation prévisionnelle de la politique monétaire à adopter. Par ailleurs, compte tenu de l’incertitude qui porte sur l’impact de la politique monétaire sur l’inflation, la banque centrale peut se permettre de dévier momentanément de la cible sans pour autant remettre en cause sa crédibilité.

Pour définir le ciblage d'inflation, nous retenons la définition multidimensionnelle adoptée par la majorité des économistes 84 . Selon cette définition, l'objectif d'inflation est une stratégie de la politique monétaire qui s’articule autour de cinq caractéristiques :

  • l'annonce publique d'une cible numérique d'inflation à moyen terme ;
  • la mise en place d’un engagement institutionnel de la stabilité des prix comme étant le principal objectif de la politique monétaire, auquel les autres objectifs sont subordonnés ;
  • l’utilisation d’une stratégie informationnelle axée sur plusieurs variables en plus des agrégats monétaires ou du taux de change pour décider des instruments de la politique monétaire ;
  • l'accroissement de la transparence de la stratégie de la politique monétaire à travers la communication avec le public sur le plan d'action, les objectifs et les décisions des autorités monétaires et
  • l'augmentation du degré de responsabilité de la banque centrale pour atteindre ses objectifs en matière d'inflation 85 .

En tant que stratégie à moyen terme de la politique monétaire, l'ancrage d'inflation compte plusieurs avantages. En effet :

  • il assure une compatibilité avec la perception des forces et des limites de la politique monétaire ;
  • il permet un ancrage nominal de la politique monétaire et des prévisions inflationnistes, ce qui implique un besoin de fixer l'objectif à long terme de la politique monétaire ;
  • il apporte plus de transparence à la politique monétaire ;
  • contrairement au taux de change fixe, il permet à la politique monétaire de se concentrer sur les considérations du public et de répondre aux chocs qui frappent l'économie domestique ;
  • par rapport à l'ancrage avec un agrégat de monnaie, le ciblage d'inflation ne dépend pas d'une relation entre la monnaie et l’inflation, mais plutôt de la manière dont sera utilisée toute l'information disponible pour déterminer les meilleures conditions de mise en place des instruments nécessaires à la politique monétaire. En plus, le fait que cette stratégie de la politique monétaire soit facilement comprise et donc mieux acceptée par le public, la rend plus transparente ;
  • parce qu'une cible explicite augmente la responsabilité de la banque centrale, la cible d'inflation a aussi la possibilité de réduire le risque d'incohérence temporelle couru par la banque centrale. Face à ce problème, l'objectif d'inflation a l'avantage de concentrer le débat politique plus sur ce qu'une banque centrale peut faire à long terme, comme par exemple le contrôle de l'inflation, plutôt que de voir ce que la banque centrale ne peut pas assurer à travers une politique monétaire.

Pour y aboutir, un engagement institutionnel est indispensable pour veiller à ce que la stabilité des prix soit l'objectif principal de la banque centrale. Ceci est particulièrement important dans les pays émergents ayant connu souvent des problèmes de gestion au niveau de leur politique monétaire. L'engagement institutionnel implique un support législatif pour une banque centrale indépendante dont la charte contient deux principaux axes : (i) isoler suffisamment le comité de décision de la banque centrale des autorités politiques et (ii) donner à la banque centrale la liberté de contrôle des instruments de la politique monétaire.

Notes
84.

Entre autres : Eichengreen (2002) Masson, Savastano et Sharma (1997), Mishkin (2000).

85.

Dans la théorie monétaire, le renforcement de la transparence de la politique monétaire et de la responsabilité de la Banque Centrale constituent un moyen utilisé pour augmenter le pouvoir contraignant de la règle en imposant un coût aux autorités chaque fois qu’elles s’en écartent. En ce sens, certains les considèrent comme étant des mesures d’accompagnement susceptibles d’être mises en place dans le cadre d’autres règles de politique monétaire