III-1- Expérience des pays d'Amérique Latine

Ce sont les pays d'Amérique Latine (Brésil, Chili et Mexique) qui ont été les premiers à adopter un objectif d'inflation et qui ont réussi à réunir ces deux conditions. Compte tenu de leur hétérogénéité, les pays émergents ont des expériences différentes en matière de politique monétaire et à des stades différents du développement financier.

Par rapport aux cinq conditions fondamentales qui définissent le ciblage d’inflation, seul le Brésil a veillé dès le départ à satisfaire ces conditions.

Le ciblage d’inflation a été utilisé dans ces pays comme un moyen permettant de construire la crédibilité de la politique monétaire et de la banque centrale. Dans ce contexte, deux points sont mis en évidence : le premier concerne le souci d’assurer et de maintenir la crédibilité de la banque centrale, le second concerne la conduite même de la politique monétaire sous un ciblage d’inflation. Ce dernier point fait apparaître les décisions des autorités monétaires au niveau des taux d’intérêt et du taux de change.

Le Chili, en adoptant un objectif du taux de change à travers les plan de stabilisation fondé sur le taux de change, dont le dernier en date s'est achevé en mai 1982, le Chili n’a pas réussi à atteindre son objectif de stabilité des prix. En outre cet ancrage ne facilite pas à la banque centrale d'établir sa crédibilité. Quant à un objectif intermédiaire d'agrégat monétaire, il n'est pas facile à établir dans un pays où le marché financier est en développement et où la demande de monnaie est plutôt volatile. Le choix qui reste à faire est le ciblage d'inflation.

Le Chili a été le premier pays parmi les pays émergents qui, en matière de conduite de la politique monétaire, ont adopté le ciblage d'inflation.

Pour assurer son indépendance, la banque centrale du Chili a dû faire face à une importante hausse du taux d'inflation, à la suite de plusieurs politiques expansionnistes en 1989. C'est dans ce contexte que la banque centrale a à la fois resserré sa politique monétaire et décidé d'adopter une cible d'inflation annuelle comme ancrage nominal. La mise en place de cet ancrage s'est faite graduellement dans le but de ramener progressivement le taux d'inflation chilien aux niveaux internationaux sans entraîner de coûts de production importants.

Depuis 1990, avec un taux d'inflation dépassant 20 %, le Chili a d'abord commencé par annoncer un objectif d'inflation en septembre pour les douze mois à venir jusqu'en décembre de l'année suivante. Comme il a été signalé précédemment, la réussite du ciblage d'inflation est conditionnée par l'indépendance de la banque centrale. Dans ce contexte, et avant de mettre en application la stratégie d'ancrage par l'inflation, la nouvelle législation de la banque centrale de 1989 au Chili qui a pris effet en 1990, a accordé l'indépendance de la banque centrale et a mandaté la stabilité des prix comme un de ses principaux objectifs 90 . La banque centrale du Chili a progressivement augmenté l'importance accordée à l'objectif de la stabilité des prix.

Tout au long de cette période, la banque centrale a bien mis l'accent, à travers ses actions, sur la priorité accordée à l'ancrage par l’inflation par rapport à la bande du taux de change (qui faisait partie du régime de la politique monétaire au Chili depuis les années quatre-vingt). Entre 1992 et 1997 lorsque l'entrée massive de capitaux a poussé le taux de change à proximité de la limite d’appréciation de la bande de fluctuation du taux de change, la banque centrale a élargi la bande et en a même réévalué la partie centrale tout en maintenant inchangé le ciblage par l’inflation, signalant ainsi au public qu’elle attache une importance capitale à la baisse de l’inflation plutôt que de résister à une appréciation réelle qui semble être garantie par les déterminants fondamentaux du taux de change réel.

Par ailleurs, l'économie chilienne se caractérise par une forte position budgétaire, qui a soutenu l’ancrage d’inflation. Entre 1991 et 1998, le solde budgétaire a enregistré un excédent tous les ans. Jusqu’en 1997 cet excédent a été en moyenne de l’ordre de 2,8% du PIB, ce qui indique clairement que la politique budgétaire était sous contrôle. En outre, les mesures prises en conséquence des crises bancaires du début des années quatre-vingt, ont permis au Chili d'avoir une régulation et une supervision bancaire de qualité comparables à celles des pays industrialisés et bien meilleures que celles pratiquées dans le reste de l’Amérique Latine (exception faite de l'Argentine depuis 1995). Le système financier chilien s'est ainsi trouvé plus solide, ce qui a permis à la banque centrale de prendre les mesures nécessaires pour défendre sa monnaie.

En 1998, la banque centrale du Chili s'est montrée peu disposée à faciliter la politique monétaire et permettre la dépréciation du taux de change dans le but d’amortir les effets négatifs des chocs commerciaux. La banque centrale a préféré augmenter ses taux d’intérêt et a même resserré la bande de fluctuation du taux de change. Ces décisions semblent être une erreur : le ciblage par l’inflation n'a pas abouti et l’économie est entrée en récession pour la première fois sous un régime d’ancrage par l’inflation. En 1999, la banque centrale a changé de stratégie et a fini par accepter de faciliter la politique monétaire en diminuant les taux d’intérêt et permettre ainsi la dépréciation du peso.

Pour le Chili, l'adoption d'un ciblage d'inflation en 1990 a contribué à la promotion de la crédibilité de la politique monétaire et a soutenu une convergence progressive du pays vers la stabilité des prix.

Au Brésil, la stabilisation fondée sur le taux de change sous le plan real depuis 1994 et jusqu’en janvier 1999 avait bien réussi, et a notamment permis de réduire l’inflation dont le taux s'élevait à 2500 % en décembre 1993 à moins de 2 % en décembre 1998. Cependant, en conséquences immédiates de la crise monétaire, les problèmes de mesalignements 91 du taux de change et le manque d’une stratégie claire de la politique monétaire ont poussé le Brésil à adopter l'ancrage par l'inflation, voyant en cet ancrage le meilleur moyen d'arriver à stabiliser l'économie et notamment les prix sous un régime de taux de change flexible. Aussitôt après sa désignation au début du mois de février 1999, le nouveau gouverneur de la banque centrale du Brésil a entrepris deux étapes importantes :

  1. il a reconnu le besoin rapide de mise en place d’un ancrage nominal et a annoncé que le Brésil va bientôt adopter une stratégie de cible d’inflation ;
  2. Il a décidé d'augmenter le taux d’intérêt interbancaire de 600 points de base, à 45 %, pour arrêter la chute du real et rétablir la crédibilité de la politique monétaire.

La réalisation de ces deux étapes a été délicate compte tenu de la fragilité du régime du taux de change accentuée par la crise de 1999. Les pays émergents se sont longtemps engagés dans la limitation de la flexibilité du taux de change non seulement à travers l'usage explicite des bandes du taux de change, mais aussi à travers les interventions fréquentes sur le marché de change. Répondre fréquemment aux mouvements flexibles du taux de change risque de le transformer en un ancrage nominal pour une politique monétaire qui prend comme cible l'inflation. Pour éviter ce problème, la banque centrale doit agir sur des variations du taux de change à court terme, ce qui aiderait éventuellement à atténuer les effets déstabilisants de changement du taux de change.

L'adoption du ciblage d'inflation devra se conformer aux conditions suivantes :

  • la cible d'inflation tout comme les intervalles de tolérance seront fixés par le comité monétaire national sur proposition du ministère des finances ;
  • l'objectif d'inflation pour les années 1999, 2000 et 2001 sera fixé au plus tard le 30 juin 1999. A partir de 2002, il sera fixé et au plus tard le 30 juin deux ans avant ;
  • il est du ressort de la banque centrale de mettre en place les politiques nécessaires pour atteindre l'objectif fixé ;
  • la banque centrale devra par un rapport trimestriel faire état des différentes décisions de la politique monétaire, ainsi que des résultats obtenus et des perspectives futures de celle-ci en matière du taux d'inflation.

Deux principales questions se posent :

  • la banque centrale du Brésil sera-t-elle capable d’améliorer et d’affirmer son indépendance vis à vis du gouvernement et de maintenir son engagement à contrôler l’inflation ;
  • le gouvernement pourra-t-il entreprendre les étapes et les réformes requises pour mettre en place une politique budgétaire durable, compatible avec une faible inflation.

Si le Brésil ne peut pas encore relever ces deux défis, la politique monétaire va devenir très discrétionnaire, la dominance budgétaire va s'installer et le régime de cible d’inflation va s’agrandir.

La crise financière qui a frappé le Brésil en 1999 n'a pas arrangé les choses puisqu'il a été contraint de laisser flotter le real et déclencher un vent de panique en janvier 1999. Etant donné les antécédents du Brésil, la menace inflationniste était très probable, on prévoyait alors une inflation comprise entre 30 et 80 % et une contraction du PIB de (-3 à –6 %) en 1999. Une première décision devait être prise : revenir à une parité fixe ou administrée, ou continuer de laisser flotter le real. Les autorités monétaires ont opté pour le maintien du flottement, mais il a fallu par conséquent trouver un nouveau point d’ancrage nominal. Le ciblage d’un agrégat monétaire a semblé irréaliste étant donné les incertitudes qui entouraient cette dernière crise. L’autre solution a été de mener une politique totalement discrétionnaire sans point d’ancrage explicite. Mais l’environnement dans lequel baignait l’économie a suscité de sa part un engagement plus ferme et plus transparent. Ainsi le choix des autorités monétaires s’est porté sur le ciblage de l’inflation. Un objectif pluriannuel a été décidé en prévoyant un taux d'inflation de 8 % pour 1999, de 6 % pour 2000 et de 4 % pour 2001, avec un seuil de tolérance de plus ou moins 2 %.

Le seul problème qui s'est posé alors était relatif à la date d'annonce publique de cet objectif. Alors que le Brésil a déjà pris des risques en optant pour un objectif pluriannuel, il l'aurait davantage aggravé en l'annonçant immédiatement. Les autorités monétaires, ne sachant pas la réaction éventuelle des différents marchés face à leur décision, ainsi que le rythme d'évolution future de l'inflation, ont préféré agir avec prudence et opter pour une solution en deux temps. En Mars 1999, le Brésil a annoncé :

  • l'objectif de ramener l'inflation à un taux inférieur à 10 % au quatrième trimestre 1999 ;
  • la mise en place d'un dispositif complet de ciblage d'inflation pour la fin juin 1999.

L'objectif annoncé pour la fin de l'année a servi dès lors de point d'ancrage temporaire et a aidé à éviter la panique.

Mais le Brésil avait aussi une situation budgétaire avantageuse à cette époque. Il est en effet parvenu à transformer son déficit de 1997 en un excédent cumulé de l'ordre de 3% du PIB au début de 1999. Ce rétablissement budgétaire a redonné au Brésil une confiance limitée puisque les taux d'intérêt plafonnaient encore à 39 % -niveau atteint avant le flottement du real. En se référant à quelques estimations rapides 92 , faute de données fiables, les autorités ont décidé de relever les taux d'intérêt à 45 %. Avec cette action les autorités monétaires voulaient faire diminuer la sur réaction du marché ainsi que les anticipations inflationniste. C'est pourquoi il a été décidé d'orienter à la baisse les taux d'intérêt.

Le Brésil a répondu à la crise en conjuguant rigueur budgétaire, resserrement monétaire (accompagné d'un ciblage de l'inflation) et aide financière extérieure.

Pendant plusieurs années, le Mexique a rendu public un objectif explicite d’inflation. Cependant, la politique monétaire du Mexique ne dispose pas de tous les facteurs nécessaires à une stratégie de ciblage d’inflation efficace tel qu'un cadre politique institutionnel transparent, et une responsabilité élevée pour connaître la cible d’inflation. Il est vrai que la banque centrale du Mexique a accru son intérêt pour l’objectif d’inflation et en a fait l'objectif principal de sa politique monétaire et que, depuis 1998, elle a laissé fluctuer son taux de change plus librement Mais ces changements n’ont pas été suffisants. La banque centrale du Mexique a continué à réaliser ses prévisions de l’année d’avant pour la base monétaire quotidienne, mais ses pratiques manquaient de crédibilité. Le manque de transparence qui en est la cause a été reflété sur plusieurs documents émanant de la banque centrale, comme par exemple le rapport annuel. Il est possible que la banque du Mexique soit dans l’attente du moment opportun pour finalement opter pour une cible d’inflation plus explicite.

Entre 1987 et 1994, le taux d'inflation est passé de 140 % à 7 %. Le programme de lutte contre l'inflation a commencé en 1991 lorsque celle-ci était de l'ordre de 20 %. Le Mexique a adopté un système progressif d'élargissement de la bande de fluctuation du taux de change dans le but de donner à la banque centrale la possibilité d' assurer la crédibilité et la flexibilité de son régime monétaire. Cependant, la politique monétaire du Mexique au début des années quatre-vingt-dix avait de multiples objectifs tels qu'accumuler les réserves internationales, baisser le taux d'intérêt, limiter la volatilité du taux de change, maintenir la bande de fluctuation du taux de change et réduire l'inflation. A fin d'atteindre ses objectifs, la banque centrale a conduit une politique monétaire guidée par la demande prévisionnelle interne de la base monétaire, et fortement liée aux interventions de stérilisation pour ainsi prévenir les entrées massives de capitaux qui affluaient sur le Mexique à l'époque. En 1994, la banque centrale a réagi par rapport aux chocs ayant frappé le Mexique, en partie en intervenant par des opérations de stérilisation sur les sorties des réserves de change. Le 20 décembre, la banque centrale a essayé d'entreprendre une dévaluation contrôlée de 15 % mais deux jours plus tard le peso s'est mis à flotter et le plan adopté par la banque centrale a capitulé.

Suite à la panique bancaire, la banque centrale mexicaine a maintenu son adhésion à l'ancrage de la base monétaire. A la suite de l'augmentation du taux d'inflation générée par la crise financière du taux de change de 1994-95, la crédibilité de la Banque du Mexique a été sévèrement touchée. Le besoin d'établir un ancrage nominal clair a poussé la Banque du Mexique en janvier 1995, à annoncer pour la première fois au public son programme monétaire de l'année. La procédure de 1995 s'explique par :

  • l'abandon de la majorité des banques centrales de fixer des cibles quantitatives (évolution des crédits ou agrégat monétaire) comme cela a été noté par la monnaie en circulation (tableau IV-3) Cela vient en réponse aux changements et modifications technologiques des régulations financières ayant été effectués au début des années quatre-vingt-dix ;
  • la crise de confiance dans la monnaie nationale a appelé l'adoption d'une politique stricte, ce qui a été entrepris par la Banque du Mexique en limitant la croissance de ses crédits domestiques de l'année. Cette procédure peut encourager les prévisions inflationnistes des agents économiques à converger vers une stabilité des prix.

Le programme s'est fixé un objectif d'inflation de 19 % et une augmentation de la base monétaire de l'ordre de 10 milliards de peso, qui représentent le principal ancrage nominal du nouveau régime. Pour maximiser la réussite de ce programme, la banque centrale va devoir restreindre sa politique monétaire, ce qui explique une dépréciation du taux de change ainsi qu'un resserrement de l'écart entre le taux d'intérêt nominal à long et à court terme. En effet, le comportement de ce différentiel peut éventuellement refléter les prévisions inflationnistes du public. Toutefois, le programme manquait de crédibilité et la chute libre du peso continuait jusqu'à fin mars, lorsque le Mexique a garanti 52 milliards de dollars américains fournis par les Etats Unis d'Amérique et le FMI. En même temps, la banque centrale a annoncé un changement du programme monétaire en révisant le taux d'inflation escompté à 42 %, et a augmenté les taux d'intérêt et les a maintenus élevés jusqu' au mois de mai de la même année, date à laquelle le peso a montré des signes de stabilisation. Au terme de cette année, la banque centrale a fini par annoncer sa cible de la base monétaire. La confusion des instruments et objectifs de la politique monétaire du Mexique a continué pendant les deux années qui ont suivi. La banque centrale a maintenu son nouveau programme qui contient le ciblage de la base monétaire, crédit domestique et réserves internationales. En 1996, la banque centrale a publié sa prévision quotidienne de la base monétaire pour l'année suivante. Cependant, elle n'a donné aucune indication sur l'évolution attendue du taux d'inflation pour la période en question. De plus, le taux de change nominal ayant connu une certaine stabilité entre 1996 et 1997 a fini par déclencher des soupçons sur la cible annoncée par la banque centrale à savoir qu'elle visait encore une fois le taux de change du peso/dollar et non l'inflation.

Afin d'évaluer la position de la politique monétaire au Mexique pendant cette période, il faut comprendre comment celle-ci est conduite par la banque centrale. Bien que l'inflation diminue progressivement, mais lentement, entre 1996-97, la banque centrale mexicaine a connu plusieurs difficultés à communiquer sa stratégie monétaire au public et à produire un ancrage nominal qui l'aide à baisser ses prévisions inflationnistes. Ces difficultés se sont accentuées plus particulièrement en 1997 lorsque la base monétaire, qui était très proche de celle pré annoncée dans le plan de l'année d'avant, a commencé à montrer d'importants écarts et déviations par rapport à ses prévisions quotidiennes effectuées plutôt dans l'année. La banque centrale devait donc se justifier auprès du public. Même si la base monétaire a dépassé son objectif de 4,1%, l'inflation en 1997 est tombée à 15,7 % se rapprochant de très prés des prévisions de l'année qui prévoyaient un taux d'inflation de l'ordre de 15 %.

La relation peu fiable entre la base monétaire et l'inflation devient apparente en 1998 lorsque le taux d'inflation dépasse d'environ 7 % l'objectif annuel de 12 %, même si la base monétaire a atteint 15 % en dessous des prévisions. Le problème inverse s'est produit en 1999 lorsque le taux d'inflation a diminué en dessous de l'objectif escompté de l'année (12,3 % versus 13 %) alors que la base monétaire a dépassé son objectif d'un peu plus de 21 %. Il est difficile de dire que la relation instable entre la base monétaire et l'inflation a produit un mauvais résultat depuis le flottement du peso à la fin de 1994. Il apparaît justement que cela a privé la banque centrale du Mexique de l'utilisation d'un ancrage nominal pour guider ses prévisions inflationnistes. Consciente de cette situation, la banque centrale s'est progressivement rétractée par rapport au ciblage monétaire. Depuis 1998, la banque centrale a commencé à minimiser publiquement le rôle des prévisions de la base monétaire pour mettre en place la politique monétaire et a étendu le champ des fluctuations du taux de change pour s'orienter progressivement vers le ciblage par l'inflation. Cela n'implique pas que les agrégats monétaires n'ont pas de rôle à jouer dans la conduite de la politique monétaire. Mais comme l'inflation diminue à un certain niveau et y demeure, le taux de croissance monétaire risque de devenir un indicateur moins utile pour la politique monétaire. Comme les agrégats monétaires deviennent des indicateurs moins fiables pour l'inflation future, la banque centrale sera amenée à minimiser l'importance des ciblages par la monnaie et recherche une autre alternative d'ancrage nominal.

Entre 1995 et 2000, l'inflation est passée de 52 % à moins de 9 %. Au cours de cette période, la relation entre les prix et la monnaie est devenue incertaine. C'est ce qui a encouragé l'adoption du ciblage d'inflation. Afin d'évaluer les décisions de la politique monétaire, les agents économiques ont besoin de savoir les éléments utilisés par la Banque du Mexique pour poursuivre son objectif d'inflation aussi bien à court qu'à moyen terme. Dés lors, la Banque du Mexique a décidé de publier un rapport trimestriel dont l'objectif est d'améliorer la communication avec le public. Un objectif pluriannuel a été annoncé . Toutes ces mesures ont été entreprises dans le but d'assurer à la politique monétaire le maximum de transparence.

Les principaux traits de cette stratégie monétaire, fondée sur l'application de mesures politiques discrétionnaires, sont :

  • s'assurer que la stabilité des prix est le principal objectif de la politique monétaire ;
  • annoncer un objectif d'inflation à moyen terme ;
  • assurer à la politique monétaire son autonomie ;
  • conduire la politique monétaire dans la transparence : objectifs, plan d'action et décisions ;
  • analyser toutes les sources de pressions inflationnistes afin d'estimer son niveau futur;
  • identifier les facteurs pouvant affecter l'inflation.

Les pays ayant adopté un tel schéma ont réussi à baisser leur inflation et consolider ainsi la stabilité des prix. Ils ont aussi réussi à réduire les effets du pass-through du taux de change sur les prix domestiques, et ont pu assurer davantage de transparence, une meilleure perception et plus de responsabilités à leurs politiques monétaires.

Afin de mettre en application ce programme, la Banque du Mexique a décidé de le faire progressivement, elle a donc fixé un objectif d'inflation pour décembre 2003 de l'ordre de 3 %. Comme objectifs à court terme, la banque centrale a publié en 2000 que l'objectif ciblé en 2001 sera de 6,5 % et en 2002 de 4,5%.

Au dernier trimestre de l'année 2000, à la lumière des développements externes suivants, la Banque du Mexique a resserré deux fois sa politique monétaire :

  • des signes de ralentissement de l'économie future des Etats Unis ;
  • une augmentation des aversions au risque des investisseurs sur le marché international des capitaux ; et
  • des perturbations financières dans certains pays d'Amérique Latine, notamment l'Argentine.

Le resserrement de la politique monétaire a ainsi été une mesure à prendre pour essayer de limiter l'impact de ces éléments sur la conduite de la politique monétaire et de créer les conditions favorables et nécessaires pour atteindre de l'objectif fixé. Ces conditions telles qu'elles ont été établies par les autorités monétaires mexicaines pour atteindre une cible d'inflation à court et moyen terme sont:

  • une politique monétaire restrictive ;
  • des ajustements de prix des biens et services entrant dans le calcul de l'inflation ;
  • fixation des salaires compatibles avec l'objectif d'inflation annoncé ;
  • l'absence de fluctuations externes sévères, telle qu'une réduction des termes du commerce ou de la demande des capitaux étrangers susceptibles de conduire à un ajustement du taux de change réel ;
  • une bonne structure budgétaire.

En 2001, la réaction de l'économie mexicaine face à la récession mondiale a montré un comportement favorable des marchés financiers. Le taux de change est resté stable au cours de 2001, il y a eu un important accroissement des investissements étrangers et les taux d'intérêt n'ont pas cessé de décroître. Ces résultats s'expliquent par : un régime de taux de change flexible ; une politique budgétaire prudente ; une gestion de la dette publique orientée dans le but de réduire la concentration des remboursements ; une politique monétaire focalisée sur l'atteinte de la stabilité de prix et un système financier plus solide.

En 2002, les autorités monétaires mexicaines ont décidé, pour accompagner ce ciblage, de fixer un objectif d'inflation à court terme en fonction de l'indice des prix à la consommation ; en 2003 cet indice sera de l'ordre de 3 % et un intervalle de variation de plus ou moins 1 % est établi autour de cette cible. Ces décisions et bien d'autres doivent être désormais annoncées à des dates prédéterminées et accompagnées par des publications expliquant les raisons de motivation et justifiant les modifications éventuellement apportées à la politique monétaire.

En définitive, l'expérience de ces différents pays montre que l'ancrage monétaire est une stratégie d'une politique monétaire non encore expérimentée dans les pays d'Amérique Latine ces dernières années et qui n'est pas envisageable à moyen terme pour le futur.

Les pays d’Amérique Latine affichent une réserve à adopter une attitude de négligence bienveillante des mouvements du taux de change, qui semble appropriée dans la mesure où ils entreprennent une lutte contre l'inflation, non seulement à travers l'usage explicite des bandes de fluctuation du taux de change, mais aussi à travers les interventions directes et indirectes fréquentes sur le marché de change. Le principal problème est qu'à court terme le taux de change risque de devenir une ancre nominale pour la politique monétaire à la place de la cible d'inflation, au moins pour le public. Pour atténuer ce risque, les banques centrales de la région peuvent augmenter la transparence de leurs interventions sur le marché de change en montrant clairement au public que le but de telles interventions n'est pas d'empêcher le taux de change ou d'atteindre le niveau déterminé sur le marché, mais d'éviter à ce dernier des variations excessives. Il est important que les banques centrales comprennent qu'il n'y a pas de bons flottements ou de mauvais flottements, mais il y a " bonne " et " mauvaise " politique monétaire sous un régime de taux de change flexible.

Notes
90.

La législation a aussi stipulé un objectif de la banque centrale pour assurer l'équilibre dans les paiements domestiques et internationaux. En partie à cause de cela, le Chili a maintenu une bande du taux de change autour du taux de change fixe pendant une grande partie des années quatre-vingt-dix. Cependant, la banque centrale a bien signalé qu'en cas de conflit potentiel entre la bande du taux de change et l'ancrage par l'inflation, c'est l'ancrage par l'inflation qui aura la priorité.

91.

le mésalignement du taux de change réel n'est pas un phénomène propre au régime de change contrôlé, il peuvent aussi se produire sous un régime de taux de change flexible .

Lorsque la modification du taux de change menace de faire dévier l’inflation de son objectif, une réponse de la politique monétaire est de rigueur. Par exemple, une dépréciation accélérée du real au Brésil en mars 2001 a aidé à pousser l’inflation au-dessus de sa limite tolérée à 6% de son objectif pour l’année. La banque centrale a donc réagi en augmentant les taux d’intérêt pour cinq mois consécutifs.

92.

Les estimations ont été faites sur la base d'un coefficient de répercussion de la dévaluation de l'inflation de 30 à 40 % (mesuré en fonction de la part estimée des biens échangés dans l'économie). Pour plus de détail se référer au rapport du FMI 2000.