III-2- L'expérience des pays d'Asie du Sud Est

Contrairement aux pays d'Amérique Latine, les pays d'Asie du sud Est avaient à la base une inflation relativement faible. Mais les problèmes liés à la crise de 1997 en particulier les a poussé à reconsidérer la conduite de leurs politiques monétaires. En effet, ce n’est qu’après la crise de 1997 que les pays d’Asie du Sud Est ont pris conscience de la nécessité d’une nouvelle conduite de la politique monétaire. Celle-ci s’est traduite par l’adoption du ciblage d’inflation. Compte tenu de la courte expérience de ces pays et faute de données, nous allons nous limiter à l'expérience de la Thaïlande et de la Corée, et dans une moindre mesure à celle des Philippines.

Avant la crise de juillet 1997, l'ancrage adopté par la banque de Thaïlande a été le taux de change. En novembre 1984, la valeur du baht a été ancré à un panier de monnaie. L'objectif intermédiaire de la banque centrale est de défendre la valeur du baht contre le dollar. Le 02 juillet 1997, la Banque de Thaïlande (BOT) a adopté un système de change flottant et a été aidée par le FMI. Le programme du FMI suggérait l'adoption d'un ciblage d'agrégat monétaire. Sous ce régime, la démarche suivie par la BOT a pour objectif une compatibilité des fondamentaux macroéconomiques permettant ainsi d'atteindre l'objectif de la stabilité des prix. La BOT a fixé des cibles quotidiennes et trimestrielles de la base monétaire, sur lesquelles est fondée la gestion quotidienne de la liquidité. Cette dernière est supposée assurer le baht contre la volatilité excessive des taux d'intérêt et la liquidité du système financier. Cependant, la relation entre l'offre de la monnaie et la croissance de la production est devenue de plus en plus incertaine en particulier après la crise. Ceci a rendu plus difficile le maintien de l'ancrage par agrégats monétaires, et a poussé la BOT a abandonner le programme du FMI au profit d'un ciblage d'inflation entré en vigueur en mai 2000. L’objectif d’inflation semble être le meilleur moyen et le meilleur instrument pour assurer une importante productivité, une croissance soutenue, une exportation compétitive et une transparence de la banque centrale.

Afin de donner aux responsables de la politique monétaire l'opportunité de présenter une explication et une justification de leurs décisions au public, et pour que le public ne trouve pas de difficultés à saisir l’objectif d’inflation annoncé, une publication trimestrielle d'un rapport d’inflation a été entreprise par les autorités thaïlandaises aidant à mieux informer et éduquer le public. Ce rapport crée aussi un cadre approprié aux prévisions inflationnistes, pour assister les autorités monétaires à prendre leurs décisions en matière de politique monétaire.

La Banque centrale de Thaïlande a annoncé explicitement en 1999 son intention de contrôler l’inflation, et la fourchette de 0 à 3,5 % d’inflation a été annoncée en Mai 2000. Cette cible a été fixée en tenant compte de l'inflation des partenaires commerciaux de la Thaïlande. En effet, ces derniers ont enregistré pendant les années quatre-vingt-dix un taux d'inflation ne dépassant pas 3,5 % par an et leurs taux prévisionnels pour 2000-2001 se situent entre 2 et 3 %.

Entre 2000 et 2002, la politique monétaire thaïlandaise s'est fixée un objectif d'inflation de 0-3.5%. Un tel ciblage permettra d'après les autorités monétaires un accroissement de la compétitivité des exportations thaïlandaises et aidera à stabiliser la monnaie. Cet ancrage permettra aussi de créer un environnement favorable pour améliorer l'économie du pays. En 2002, les pressions inflationnistes ont diminué, compte tenu de la situation économique extérieure et en particulier celle des Etats Unis d'Amérique et du Japon. Dans ce contexte, les autorités monétaires ont prévu une baisse de l'inflation et un maintien d'un niveau faible d'inflation. L'inflation devrait être maintenue en 2002 entre 0.5 et 1 % avant de passer l'année d'après entre 1 et 2 %. Toutefois en comparaison avec ses partenaires commerciaux, la Thaïlande ne se distingue pas par un faible niveau d'inflation.

En Corée, l'adoption du ciblage d'inflation en 1998 a pour objectif le maintien d'une inflation modérée. Pour ce faire, et comme le prévoit et le conseille cette procédure, l'indépendance de la banque centrale en Corée a été renforcée depuis 1998. La mise en place des dispositifs nécessaires permet à la banque centrale de décider en toute indépendance et dans la transparence de la politique monétaire, ne pouvant qu'améliorer les chances de succès du ciblage d'inflation. Depuis 1998, la Corée veille donc à assurer sa crédibilité compte tenu de l'importance et de la nécessité de la stabilité des prix dans le cadre de la restructuration des entreprises et du secteur financier entreprise par la Corée pour favoriser la croissance à long terme. A partir de cette date, la Banque de Corée s'est accordée l'indépendance nécessaire à la responsabilité de la réalisation de cet objectif. Le passage à un ciblage d'inflation nécessite certaines mesures comme la définition de l'index des prix à cibler ; l'estimation du niveau d'inflation compatible avec la stabilité des prix ; et l'établissement d'un horizon pour lequel l'objectif d'inflation doit être atteint. Une étude d'Hoffmaister a conclu que l'index le mieux approprié pour la Corée est le CPI, à condition que l'horizon dépasse les 12 mois. En effet à partir de 12 mois, les chocs et variations dans les prix des biens et notamment la nourriture sont absorbés et n'affectent plus l'inflation. Un horizon de 18 mois apporterait un équilibre entre la volatilité des variables réelles et les chocs prévalant sur l'inflation. Au de-là de 18 mois, la volatilité des taux d'intérêt et des taux de change augmentent. Alors qu'en dessous de 18 mois, l'économie se montre plus vulnérable aux chocs de demande externes.

En 1999 et 2000, l'inflation enregistrée a été inférieure à l'objectif central, fixé respectivement à 3 et 2,5 %, en partie grâce à l'appréciation du won. En 2001 en revanche, l'inflation a atteint les 4,3 % alors que l'objectif central a été fixé à 3 %.

Par ailleurs, afin d'atteindre son objectif à moyen terme, la Banque de Corée a également adopté une politique fondée sur les taux d`intérêt au lieu d'un ciblage des agrégats monétaires, malgré l'incertitude qui porte encore sur l'impact des variations des taux courts sur la restructuration du secteur financier.

Depuis 1998, le taux d'intérêt au jour le jour fluctue dans une fourchette de +/- 0,25 % autour de 5 %. Le niveau enregistré en 2001 a été de 4,75 %. La demande étant encore faible, il est donc encore tôt à ce stade de relever les taux d'intérêt. La Banque de Corée ne pourra procéder à une augmentation des taux d`intérêt que lorsque la reprise économique sera bien établie. Dès lors, la Banque de Corée doit agir rapidement en relevant les taux d'intérêt pour prouver ainsi son rattachement à l'objectif d'inflation fixé à moyen terme à 2,5 %. En effet, compte tenu des décalages longs et variables qui caractérisent la politique monétaire, il est inutile de fixer un objectif d'inflation annuel en particulier dans le cadre d'une politique fondée sur les taux d'intérêt.

Cette stratégie doit être établie tout en tenant compte de l'évolution du taux de change. En effet, il est important de surveiller de près la variation du taux de change étant donné son impact sur l'évolution des prix. En 2001, avec la baisse rapide du won, la Banque de Corée est intervenue sur le marché des changes afin d'éviter une variation démesurée de la monnaie aussi bien à la hausse qu'à la baisse.

Le principal objectif de la politique monétaire Philippine est d'établir la stabilité des prix. L'adoption d'un ciblage d'inflation en janvier 2002 a été faite dans cet esprit.

Une des caractéristiques clés de ce ciblage est la transparence. Dans ce contexte, la banque centrale Philippine publie périodiquement un rapport d'inflation dans le but de transmettre et d'expliquer au public les différentes décisions prises par la banque centrale en matière de politique monétaire. Pour 2003, la banque centrale s'est fixée une cible d'inflation dans une fourchette de 4-4,5%.

Au cours de l'année 2002, le peso philippin a commencé à faiblir par rapport au dollar, cela est en partie relatif à la dépréciation générale qu'ont connu les différentes monnaies de cette région à cette époque.