Conclusion Générale

L’objectif que nous nous sommes fixés dans ce travail de recherche est de montrer comment les entrées de capitaux, un des principaux traits de la libéralisation financière, ont affecté la politique monétaire et ont amené les pays d’Amérique Latine et d’Asie du sud Est à adopter une nouvelle conduite de la politique monétaire. Pour y parvenir, nous nous sommes intéressés à :

  1. L’étude des caractéristiques de la libéralisation financière, en particulier les entrées massives de capitaux ;
  2. L’analyse des effets des entrées de capitaux sur chacun de ces pays en fonction des caractéristiques qui leur sont propres ;
  3. La gestion des entrées de capitaux, en particulier au niveau de la politique monétaire.

Avec la libéralisation financière et plus particulièrement la libéralisation du compte de capital, les marchés émergents attirent de plus en plus de capitaux étrangers. Les recherches entreprises dans ce travail ont démontré que ces entrées de capitaux dans les marchés émergents ont été encouragées par différents facteurs notamment :

Ces massives entrées de capitaux ont conduit les systèmes financiers et bancaires à s'exposer à des risques importants et ont fait naître également certaines distorsions tels que :

Les pays émergents ont cherché à apporter des solutions leur permettant à la fois de tirer profit des entrées de capitaux et de bien préserver leurs économies de l’instabilité liée à la libéralisation financière. Les pays d’Amérique Latine caractérisés par une forte inflation ont d’abord commencé par mettre en application des plans de stabilisation visant essentiellement à mettre fin au processus d’inflation et de promouvoir un développement économique soutenable à long terme. La réussite de ces programmes de lutte contre l'inflation est très importante pour les mouvements de capitaux dans la mesure où en arrivant à baisser l'inflation, les pays attirent plus de capitaux étrangers. Toutefois, compte tenu des dérèglements macroéconomiques accompagnant les entrées massives de capitaux, le besoin des contrôles de capitaux dans ces pays s'est fait de plus en plus ressentir en particulier au début des années quatre-vingt-dix. Dès lors, aussi bien dans les pays d’Amérique Latine que dans les pays d’Asie du Sud Est, les autorités monétaires ont entrepris des mesures de contrôles qui se sont matérialisées essentiellement par des opérations de stérilisation et par la mise en place des réserves obligatoires non rémunérées. Ces mesures de contrôle ont fait preuve de leur efficacité uniquement à court terme. A long terme, elles n’arrivent pas à stabiliser de manière permanente le système financier international. En outre, il reste assez difficile d’évaluer empiriquement l’efficacité des contrôles de capitaux sur la nature, la composition ainsi que le total des capitaux. Les résultats peu satisfaisants des contrôles de capitaux sur la politique monétaire ont conduit les autorités à penser à une solution plus radicale.

En réalité, plusieurs facteurs ont contribué à la modification de la conduite de la politique monétaire : l'augmentation des coûts économiques liés au maintien des parités fixes, les crises de change liées à l'accroissement rapide de la mobilité des capitaux et les innovations ayant touché la sphère financière. Ainsi, et face à une efficacité limitée des mesures de contrôle de capitaux, les pays en question se sont orientés vers une nouvelle forme d’ancrage nominal : l’objectif d’inflation. Celui-ci résulte des limites rencontrées par les autorités monétaires lorsqu’elles ont adopté des ancrages nominaux plus traditionnels. En effet, les marchés émergents ont d'abord adopté un ciblage par le taux de change qui après plusieurs années n'ayant pas donné les résultats escomptés, a été abandonné au profit d'un ciblage par agrégat monétaire. Mais la mise en place de ce dernier étant difficile, les autorités monétaires ont alors décidé de remplacer ces ancrages nominaux par un ciblage d'inflation. A partir de l'expérience des différents pays en matière d'ancrage nominal nous pouvons tirer les conclusions suivantes :

Toutefois, le ciblage d’inflation pose un problème au niveau du régime de change. En effet, la non compatibilité de la fixité des régimes de change avec la mobilité des capitaux et une politique monétaire autonome peut être contraignante au ciblage d’inflation. Dans ce contexte, certaines recherches récentes étudient l’éventualité d’utiliser dans ces pays des arrangements de régime du taux de change rigides, ce qui se traduit dans un premier degré par la dollarisation et dans un second degré par l’adoption d’une monnaie unique. La dollarisation consiste à remplacer la monnaie domestique dans toutes ses fonctions par une devise. Ce processus est unilatéral et asymétrique et le pays dollarisé subit la politique monétaire de la banque centrale du pays émetteur de la divise en question. De son côté, l’adoption d’une monnaie unique consiste à remplacer les monnaies domestiques de plusieurs pays par une nouvelle unité monétaire commune à ces pays, impliquant ainsi un haut degré de coopération et davantage de symétrie entre les pays participants. L’adoption de cette monnaie implique également la création d’une banque centrale commune à qui incombe la gestion de la politique monétaire pour l’ensemble des pays.

Dans tous les cas de figures, choisir la dollarisation ou la monnaie unique implique que les pays renoncent à l’exercice de leurs souverainetés monétaires. Néanmoins, cela leur permet de tirer profit de la situation dans la mesure où ce processus intensifie les échanges entre ces pays et réduit les difficultés récurrentes à maîtriser l’inflation.

Toutefois, dans le cadre du débat sur la nouvelle architecture du système financier et monétaire des pays émergents, la politique monétaire n'est pas la seule à poser un problème. Il existe aussi d'autres difficultés notamment au niveau de la politique budgétaire ainsi que sur le plan social. C'est pourquoi les nouvelles recherches et études publiées notamment par le FMI et la BRI incitent à l'instauration davantage de réformes afin d'améliorer la compétitivité des pays, de réduire leurs vulnérabilités et d'élever leurs croissances économiques, pour arriver ainsi à former un cadre susceptible de favoriser la stabilité monétaire et financière dans une économie mondiale qui ne cesse de connaître de profonds changements structurels. Même si avec le ciblage d'inflation, les résultats jusque là obtenus sont prometteurs sur le plan monétaire, la stabilité requise pour le bien être de ces pays demeure inachevée.