Université Lumière – Lyon 2
Ecole doctorale : Sciences cognitives
Institut de Psychologie
Laboratoire Neurosciences et Systèmes sensoriels
Plasticité de l’organisation tonotopique corticale chez le cochleo-lésé en cours de réhabilitation auditive
Thèse de doctorat en Sciences cognitives
Mention psychologie
sous la direction de Lionel COLLET
soutenue le 7 avril 2005
Devant un jury composé de :
Olivier KOENIG, Professeur à l’Université Lyon 2
Christian LORENZI, Professeur à l’Université Paris 5
Lionel COLLET, Professeur à l’Université Lyon 1
Paul AVAN, Professeur à l’Université de Clermont-Ferrand 1
Catherine LIEGEOIS-CHAUVEL, Directrice de Recherche à l’Université d’Aix-Marseille 2
Evelyne VEUILLET, Ingénieur de Recherche à l’Université Lyon 1

Principales abréviations

Résumé

A tous les niveaux des voies auditives, le codage et le cheminement de l’information fréquentielle sont effectués selon un agencement ordonné, appelé tonotopie. Les travaux conduits chez l’animal ont mis en évidence l’existence d’une ou plusieurs cartes tonotopiques par noyau et pointent ainsi l’importance majeure de ce type d’organisation. Malheureusement, les travaux portant sur l’étude de la tonotopie chez l’humain sont plus rares. En effet, le caractère invasif de la plupart des techniques d’exploration freine les recherches et les méthodes non invasives ne permettent majoritairement que l’étude du dernier niveau de traitement de l’information : le cortex. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ou la magnétoencéphalographie (MEG), ont ainsi pu révéler une organisation tonotopique du cortex auditif chez l’humain, mais le sens de cette organisation et le nombre de cartes présentes restent débattus. En outre, l’étude de l’organisation des fréquences permet de souligner la formidable malléabilité de notre cerveau. Dans de nombreux noyaux, l’organisation tonotopique n’est en effet pas figée, elle peut être remodelée sous diverses pressions environnementales (perte d’audition, sur-exposition ou apprentissage), un phénomène appelé plasticité. Ainsi, lors d’une lésion de la cochlée, les neurones codant les régions situées en bordure de lésion sont sur-représentés dans le cortex auditif primaire. Cette réorganisation des cartes tonotopiques engendre une amélioration locale des capacités de discrimination fréquentielle d’individus cochleo-lésés, mais les conséquences plus comportementales restent à déterminer. De même, des interrogations subsistent quant à la réversibilité et l’utilité de ce processus de plasticité.

L’objectif de ce travail de thèse était d’une part d’étudier plus en profondeur l’organisation tonotopique du cortex auditif, mais également d’apporter de nouvelles informations sur la plasticité des cartes tonotopiques. Dans ce but, nous avons étudié la réversibilité de l’amélioration locale des performances de discrimination fréquentielle et recherché si la réorganisation pouvait engendrer des modifications plus comportementales. L’organisation tonotopique corticale de sujets sains a été décrite à partir d’une technique de magnétoencéphalographie. Nos résultats confirment l’existence d’une organisation tonotopique entre 1000 et 12000 Hz et apportent des informations supplémentaire telles que la présence de plusieurs cartes tonotopiques dans l’hémisphère droit : une pour une stimulation de l’oreille gauche et une pour une stimulation de l’oreille droite. De plus, à la suite d’une stimulation controlatérale, l’organisation tonotopique serait différente selon l’hémisphère étudié. Dans les deux hémisphères, les fréquences seraient ordonnées selon un axe antero-posterieur, mais également selon un axe infero-supérieur au niveau de l’hémisphère droit. Afin d’investiguer les phénomènes de plasticité de l’organisation tonotopique corticale, notre deuxième étude s’est focalisée sur l’amélioration locale en discrimination fréquentielle observée à la fréquence de coupure d’une perte abrupte. Si cette amélioration est le reflet indirect de la sur-représentation de la dernière fréquence saine du cortex auditif primaire, alors l’inversion de l’organisation tonotopique devrait faire disparaître cette amélioration. Chez des individus cochléo-lésées en cours de réhabilitation auditive, le premier mois d’appareillage est suffisant pour observer une dégradation des performances de discrimination fréquentielle en bordure de perte, ce qui suggère une seconde plasticité du cortex auditif. La question des conséquences comportementales du phénomène de plasticité a été abordée par l’étude des performances de temps de réaction d’individus cochleo-lésés également candidats à un appareillage auditif. Si aucune altération du temps de réaction n’a pu être observée à la fréquence où les sujets parvenaient le mieux à discriminer en fréquence, aussi bien avant qu’après appareillage, la corrélation entre ces deux facteurs s’est tout de même améliorée lors de la réhabilitation auditive.

Les travaux présentés dans cette thèse apportent donc de nouvelles informations sur l’organisation tonotopique du cortex auditif, sa capacité de réorganisation et les conséquences de cette plasticité, et soulignent la remarquable adaptabilité de notre cerveau face au monde qui nous entoure.