1.2.3. Le Lemnisque Latéral (LL)

Bordé dorsalement par le Colliculus Inférieur (CI) et ventralement par le COS, le lemnisque latéral reçoit des afférences bilatérales de ces deux noyaux. Sur le plan de la cytoarchitecture, le LL est divisé en deux zones distinctes : le Noyau Dorsal (NDLL) et le Complexe Ventral (CVLL), ce dernier pouvant être subdivisé en Noyau Ventral (NVLL), en Noyau Intermédiaire (NILL) ainsi que de nombreuses autres subdivisions selon le critère d’étude choisi.

D’un point de vue fonctionnel, le NDLL et le CVLL ont des fonctions bien spécifiques dans le traitement de l’information auditive. Le NDLL appartient au système binaural. Les neurones sont sensibles à des variations de durée inter-auriculaire et aux différences d’intensité, deux indices primordiaux pour localiser les sons. Les réponses binaurales des neurones du NDLL sont en général excitatrices lors d’une stimulation de l’oreille controlatérale, et inhibitrices lors d’une stimulation de l’oreille ipsilatérale. Les neurones du NDLL se projettent bilatéralement vers le Noyau Central du Colliculus Inférieur (NCCI), controlatéralement vers le NDLL opposé et ipsilatéralement vers le thalamus auditif. Contrairement au NDLL, les neurones du NVLL répondent uniquement à une stimulation de l’oreille controlatérale et les domaines de réponse des neurones du NILL sont toujours assez flous.

La représentation tonotopique du NDLL est assez complexe car les résultats observés différent grandement selon les espèces. Il est par conséquent impossible d’établir un schéma global de l’organisation fréquentielle du NDLL. Chez le chat, les neurones qui répondent aux basses fréquences sont localisés dorsalement et les neurones qui répondent aux hautes fréquences ventralement (Aitkin et al, 1970 ; Roth et al, 1978 ; Bajo et al, 1999). Une organisation similaire a pu être observée chez le cochon d’Inde (Malmierca et al., 1996). En revanche, chez le rat, l’organisation du NDLL est différente et demeure assez controversée. Certaines études tendent à montrer que l’organisation serait plutôt concentrique, en forme d’oignon (Merchàn et al., 1994), les couches externes représentant les hautes fréquences et les couches internes les basses fréquences. Cette non-linéarité des gradients de fréquence pourrait expliquer pourquoi certaines études, qui s’attendaient à une organisation similaire à celle décrite chez le chat, n’ont pu trouver une tonotopie à ce niveau (Buckthought et al., 1993). D’autres études suggèrent au contraire que le NDLL du rat comporterait deux représentations en miroir, les hautes fréquences étant représentées ventralement et dorsalement, alors que les basses fréquences seraient plutôt représentées au centre (Preu, 1991 ; Friauf, 1992 ; Caicedo et Herbert, 1993). Saint Marie et al. (1999b) ont proposé une hypothèse pour expliquer ces différences : l’organisation du NDLL serait fortement concentrique, toutefois, il existerait également une représentation dorso-ventrale des fréquences, avec les hautes fréquences représentées ventralement et les basses fréquences dorsalement, et enfin, les neurones du NDLL seraient plus sensibles aux hautes fréquences qu’aux basses (Figure 9).

Figure 9 : Reconstructions tridimensionnelles du noyau dorsal du lemnisque latéral chez le chat. A : région activée par des stimulations de basse fréquence. B : activation par des stimulations de sons de moyenne fréquence. C : activation par des stimulations de haute fréquence (Bajo et al., 1999).
Figure 9 : Reconstructions tridimensionnelles du noyau dorsal du lemnisque latéral chez le chat. A : région activée par des stimulations de basse fréquence. B : activation par des stimulations de sons de moyenne fréquence. C : activation par des stimulations de haute fréquence (Bajo et al., 1999).

Si le NDLL est organisé plus ou moins laminairement, la tonotopie du CVLL est encore plus difficile à observer. Chez le chat, Aitkin et al. (1970) ont observé à l’aide de techniques électrophysiologiques, une carte tonotopique unique, avec les basses fréquences à un niveau dorsal et les hautes fréquences à un niveau ventral. Cependant, Guinan et al (1972), avec la même méthode, ne sont pas parvenus à confirmer une quelconque organisation. De même, si plusieurs études ont échoué dans la recherche de la tonotopie à l’aide de méthodes anatomiques (Adams, 1979 ; Friauf, 1992 ; Glendening et Hutson, 1998), d’autres semblent confirmer une légère organisation (Willard et Martin, 1983 ; Merchàn et Berbel, 1996).

Certains auteurs ont suggéré que le manque d’évidence sur l’organisation du CVLL pouvait s’expliquer par la présence de plusieurs cartes tonotopiques (Friauf, 1992), ce qui serait logique étant donné les nombreuses subdivisions trouvées dans ce noyau. Mais aucune preuve n’existe à ce jour pour étayer cette hypothèse. Des travaux plus récents ont observé une représentation des basses fréquences en périphérie du CVLL et des hautes fréquences au centre (Merchàn et Berbel, 1996 ; Malmierca et al., 1997 ; Merchàn et al., 1997) et ont ainsi émis l’hypothèse d’une organisation en spirale. Malmierca et al. (1998), par l’utilisation de marqueur radioactif et de reconstruction tridimensionnelle, ont suggéré une organisation plus complexe du CVLL. Il existerait dans tout le noyau des amas de neurones, des clusters, qui seraient responsables de la représentation de certaines bandes de fréquences. Les basses fréquences seraient codées par des clusters localisés à un niveau plutôt medio-caudal, alors que les hautes fréquences seraient plus codées à un niveau rostro-median.

Cependant, puisque certaines études récentes ne parviennent toujours pas à observer la présence d’une carte de représentations des fréquences (par exemple Glendenning et Hutson, 1998), aucun jugement définitif ne donc encore être porté sur l’organisation tonotopique du CVLL.