2.2.1.1.2. Après apprentissage

Les études d’apprentissage ont également mis en évidence une expansion de zones corticales bien précises lors de l’augmentation par entraînement de l’activité de certaines afférences.

Un technique originale utilisée pour observer un apprentissage est de réaliser une syndactylie, c’est-à-dire une fusion de la peau de deux doigts adjacents. Dans ce cas, chaque doigt est entraîné sur l’activité réalisée par l’autre doigt fusionné. Les résultats d’une telle opération montrent qu’un nombre considérable de neurones finissent par avoir des champs récepteurs pour les deux doigts (Clark et al., 1988 ; Allard et al., 1991), c’est-à-dire répondent aux afférences provenant des deux doigts adjacents, propriété neuronale très rare chez les animaux sains. Ces résultats suggèrent que les cartes sensorielles ne se réorganisent pas uniquement après des blessures périphériques mais également après une synchronisation des afférences périphériques.

Mais est-ce qu’un apprentissage comportemental peut avoir le même effet ? Lorsque des singes hiboux sont entraînés à réaliser des tâches tactiles avec le bout de leurs doigts dans le but de recevoir une récompense (apprentissage comportemental), la représentation des cartes corticales est modifiée après 3 mois d’entraînement (Jenkins et al., 1990). La zone corticale représentant la surface de la peau entraînée est élargie et la taille des champs récepteurs après entraînement est étonnamment petite. Deux mois après la fin de l’apprentissage les champs récepteurs et la zone codant la surface entraînée retrouvent leur taille initiale. (Jenkins et al., 1990 ; Recanzone et al., 1992a,b,c,d) ont poursuivi ce type d’expériences et ont également observé une augmentation de 1 à 3 fois de la zone corticale codant la peau entraînée. En revanche leurs travaux ont montré que les champs récepteurs des neurones entraînés étaient significativement plus larges que ceux des doigts non entraînés. Par rapport aux travaux de Jenkins et al., les auteurs ont supposé que cette différence d’évolution de la taille des champs récepteurs était liée à des protocoles différents. De manière assez surprenante, aucune corrélation n’a été remarquée entre la largeur des champs récepteurs, l’étude des cartes, et la performance comportementale des singes. De même, un apprentissage naturel de la surface de la peau peut engendrer une expansion de la représentation corticale de cette surface. Ainsi, Xerri et al. (1994) ont noté une expansion de 2 fois de la représentation corticale des mamelons chez des rats femelles en lactation comparés à des rats femelles non lactantes.

Chez l’humain, des modifications d’organisation des cartes corticales à la suite d’un apprentissage sont également observables. Par exemple, il existe des différences de représentation des doigts chez des adultes capables de lire le Braille (Pascual-Leone et Torres, 1993). L’organisation topographique corticale est plus importante pour l’index droit (responsable de la lecture) par rapport à l’index gauche chez les mêmes sujets, ou par rapport à l’index droit d’individus n’ayant pas appris à lire le Braille. Sterr et al. (1998a,b) ont confirmé ces résultats et ont poursuivi les travaux en étudiant les phénomènes de réorganisation chez les sujets utilisant trois doigts pour lire du Braille. Lors d’une stimulation tactile, ces sujets ont des difficultés à bien déterminer lequel de leurs doigts est touché, ces résultats indiquant que le phénomène de réorganisation pourrait diminuer la capacité à discriminer la localisation de petits stimuli.