2.2.2.2. Autres sites de plasticité

A l’instar des autres modalités sensorielles, les phénomènes de plasticité auditive ont été assez peu étudiés au niveau sous-cortical. Pourtant, plusieurs indices permettent de supposer que ces niveaux peuvent également se réorganiser. Premièrement, toutes les structures présentes dans les voies auditives sont organisées de façon tonotopique (cf. chapitre 1.2.). Par conséquent, une modification de l’organisation tonotopique périphérique pourrait influer sur la topographie des différents noyaux. Ensuite, la courbe d’accord des neurones au niveau cortical est la résultante de tout un ensemble d’interactions excitation/inhibition exercées à chaque étape des voies auditives (Irvine, 1986 ; Ehret et Merzenich, 1988 ; Suga et al., 1997). La disparition partielle d’afférences à certains étages joue donc certainement un rôle important dans la plasticité des réponses neurales au niveau cortical.

Nous avons vu précédemment que d’après les travaux de Rajan et al. (1993), présentés dans le chapitre sur la plasticité induite par déafférentation partielle, la plasticité observée prendrait origine avant la fusion binaurale des informations, c’est-à-dire entre le noyau cochléaire et le complexe olivaire supérieur. Or, aucune plasticité n’a encore été formellement identifiée à ces niveaux. Au niveau du noyau cochléaire, premier étage dans l’ascension des voies auditives, plusieurs auteurs ont observé, dans la portion dorsale, une réorganisation des cartes (Kaltenbach et al., 1992 ; Meleca et al., 1997 ; Rajan et Irvine, 1998). Cependant, les seuils de réponse dans la zone réorganisée étaient distordus et détériorés, et reflèteraient donc simplement la lésion périphérique. Il est tout de même possible qu’une réorganisation soit présente dès ce niveau, mais qu’elle soit masquée par l’augmentation des seuils de réponse induite par la lésion périphérique.

Le colliculus inférieur est très certainement le site majeur de plasticité sous-corticale. Des phénomènes de réorganisation y ont été observés après lésion totale (Moore et Kowalchuk, 1988) ou partielle (Harrison et al., 1998 ; Snyder et al., 2000 ; Snyder et Sinex, 2002) d’une cochlée. Dans ce dernier cas, la perte auditive partielle peut être induite par différentes méthodes :

Au niveau du thalamus, les neurones du noyau genouillé médian reflètent à la fois les changements observés dans le colliculus inférieur et dans le cortex, en raison des nombreuses afférences corticothalamiques (Winer et al., 1999) et éventuellement une plasticité propre à ce niveau. Différents protocoles de plasticité ont mis en évidence la capacité de réorganisation du thalamus. Des paradigmes de conditionnement peuvent modifier la courbe d’accord des neurones du noyau genouillé médian (Weinberger et Bakin, 1998 ; Edeline, 1999). En cas de lésion cochléaire abrupte, la portion ventrale du corps genouillé médian de chats nouveaux-nés est activée anormalement, avec une représentation accrue des régions cochléaires intactes (Stanton et Harrison, 2000). Des résultats similaires ont été récemment observés chez le chat adulte (Kamke et al., 2003).

Globalement, le degré de plasticité ne paraît donc pas être le même tout au long des voies auditives centrales (Willott et al., 1991). La montée dans les voies auditives semble s’accompagner d’une augmentation de la capacité de réorganisation des noyaux. Si cette observation venait à se confirmer, elle permettrait de connaître quelles informations acoustiques sont sujettes à une réorganisation. Par exemple, les opérations de traitement de l’information auditive effectuées au niveau du noyau cochléaire seraient moins ‘plastiques’ que celles effectuées au niveau cortical.