3.3.2.1. Implant cochléaire

Cela fait maintenant plus de 20 ans que les travaux ciblés sur les conséquences du port d’un implant cochléaire sont conduits, ce qui permet d’avoir aujourd’hui assez de recul sur les changements qui peuvent être apportés par ce type de réhabilitation à un niveau central.

Tout d’abord il faut souligner que l’amélioration apportée par l’implant cochléaire se met en place progressivement et se poursuit encore après plusieurs années d’implantation (Fryauf-Bertschy et al., 1997), avec toutefois un pic d’amélioration entre 9 et 12 mois.

Des études d’imagerie TEP ont montré qu’après implantation, les patients présentaient un regain d’activité métabolique dans les aires auditives corticales (Herzog et al., 1991 ; Ito et al, 1993 ; Naito et al., 1995). L’activation cérébrale est différente entre des individus sains et des individus porteurs d’un implant cochléaire comme le montrent les signaux de parole qui activent en effet plus d’aires corticales chez ces derniers (Naito et al., 2000). De plus, des stimuli auditifs et visuels (langage des signes) présentés simultanément chez des individus portant un implant depuis plusieurs années vont activer le cortex auditif, alors que ce n’est pas le cas chez les individus portant un implant depuis peu de temps (Nishimura et al., 2000). Si ces travaux semblent bien mettre en avant la capacité d’un implant cochléaire à induire une nouvelle plasticité cérébrale de réhabilitation, aucune information n’est cependant apportée sur sa capacité à modifier l’organisation tonotopique du cortex auditif primaire ou à retrouver l’organisation initiale. Il faut se tourner vers l’animal pour obtenir certains éléments de réponse à ces interrogations.

Des expériences ont été menées chez le chat sourd congénital dont l’organe de Corti ne possède aucune cellule ciliée alors que les voies afférentes restent préservées. Une stimulation électrique du nerf auditif montre qu’avant implantation, ce chat présente une organisation tonotopique corticale rudimentaire (Hartmann et al., 1997). Après implantation, une stimulation de longue durée des régions situées à l’apex de la cochlée permet d’activer les régions initialement inactives du cortex auditif primaire correspondant. Ces observations permettent de supposer l’existence d’une plasticité secondaire de réhabilitation (Figure 34). Mais elles doivent tout de même être considérées avec précaution puisque l’organisation tonotopique observée diffère de celle d’un chat normo-entendant. En effet, une simple stimulation électrique chronique à certaines fréquences est suffisante pour activer des régions corticales plus importantes que chez le chat sain (Kral et al., 2002) (Figure 34). Au phénomène de réhabilitation simple apporté par l’implant s’est certainement ajouté un phénomène de plasticité engendré par l’exposition répétée au stimulus auditif.

Figure 34 : Plasticité secondaire de l’organisation du cortex auditif chez le chat.
Figure 34 : Plasticité secondaire de l’organisation du cortex auditif chez le chat.

Chez le chat sourd congénital (CDC), une stimulation électrique du nerf auditif induit de faibles activations du cortex et ce, quel que soit son âge (a, b, c). En revanche, si un implant cochléaire est apporté assez tôt à l’animal, les zones activées par une stimulation régulière de la cochlée vont rapidement s’étendre dans le cortex auditif (d, e, f). Il semblerait toutefois qu’il existe un âge limite d’implantation afin d’observer un phénomène de plasticité (g) (Kral et al., 2002).

Afin de savoir si l’organisation des chats implantés pourrait devenir similaire à celle des chats sains, il serait intéressant de laisser ces chats dans un milieu naturel pendant une période assez longue (un an par exemple) et de cartographier leur cortex auditif primaire ensuite.