2.1. Interprétation des résultats expérimentaux

Le protocole utilisé se basait sur des mesures psychoacoustiques utilisées pour déterminer de manière indirecte la présence ou l’absence d’une plasticité corticale. Les travaux de McDermott et al. (1998), puis de Thai Van et al. (2002, 2003) ont mis en évidence une amélioration de la capacité à discriminer des fréquences à la fréquence de coupure de la perte auditive, ce qui serait le reflet de la sur-représentation corticale de cette fréquence. Ces études ont de plus permis de souligner les critères audiométriques permettant l’observation du phénomène de plasticité : d’une part, la pente de la perte apparaît comme un facteur déterminant à la réorganisation ; ensuite, des phénomènes d’amélioration des performances de discrimination fréquentielle peuvent aussi bien s’observer en bordure des pertes auditives sur les basses fréquences, sur les hautes fréquences, ou en encoche.

Nos travaux apportent de nouvelles informations sur l’évolution des performances perceptives de patients cochleo-lésés, notamment sur la capacité d’inversion du phénomène de plasticité. Au cours de la réhabilitation des patients, nous avons mesuré une dégradation des seuils de discrimination fréquentielle uniquement à la fréquence où les performances étaient les meilleures avant appareillage, nommée bDLF, suggèrant un mécanisme central de réorganisation à cette fréquence. Si ces informations sont effectivement corrélées alors cela implique que le cortex pourrait se réorganiser continuellement, en fonction des nouvelles informations sensorielles qui lui parviennent. On assisterait alors à une plasticité secondaire du cortex auditif.

Ce travail est à rapprocher de celui conduit en somesthésie par Giraux et al. (2001). Dans cette étude, les auteurs ont mesuré l’organisation somatotopique d’un patient greffé des deux mains. Après deux mois de greffe, la représentation des mains dans le cortex sensorimoteur était conforme à celle d’un sujet sain, suggérant que la réorganisation engendrée par l’amputation s’était déjà inversée. Par conséquent, nos travaux concordent puisque la baisse des capacités perceptives est observée dès le premier mois d’appareillage. Le phénomène de réorganisation cortical impliquerait donc un processus particulièrement rapide.

La notion temporelle apportée par notre étude est particulièrement intéressante pour comprendre les mécanismes de compréhension de ce phénomène de plasticité car elle fournit des indices sur les processus impliqués dans le remodelage (cf. discussion plus bas).