Perspectives

Il serait donc particulièrement judicieux d’étudier ce phénomène de plasticité de manière directe, avec des techniques d’imagerie cérébrale. Une augmentation de l’amplitude de l’onde N1m a déjà été observée pour les fréquences situées en bordure de perte auditive abrupte (Dietrich et al., 2001). Ces observations mériteraient d’être complétées. Tout d’abord, il serait intéressant de mesurer les performances de discrimination fréquentielle et l’amplitude de l’onde N1m de mêmes sujets présentant une perte auditive abrupte aux hautes fréquences afin de tenter de déterminer l’existence d’une corrélation entre ces deux variables. Une autre piste consisterait à mesurer si l’activité corticale est corrélée à la pente de la perte audiométrique des sujets. Ensuite, il serait intéressant de mesurer si l’activité corticale diminue à la suite d’un appareillage auditif, tout comme les performances de discrimination fréquentielle ont diminué dans notre deuxième étude. Enfin, l’aspect qui est peut-être le plus pertinent mais aussi le plus contraint à des limitations technologiques serait de catographier précisément l’organisation tonotopique du cortex auditif des patients et de voir de quelle manière cette dernière peut-être modifiée par la lésion.

De plus, aux vues de nos résultats, le décours temporel de la réorganisation mériterait d’être étudié plus en avant. Comme le processus de plasticité intervient probablement avant le premier mois de réhabilitation auditive, il serait intéressant de se focaliser sur les performances de discrimination fréquentielle au cours des toutes premières semaines d’appareillage, voire au cours des premiers jours.

Ce protocole mériterait également d’être effectué chez l’animal. Après avoir lésé la cochlée de l’animal afin de provoquer une perte auditive abrupte, ce dernier serait alors implanté cochléairement pour restaurer au moins partiellement ses capacités auditives. Pour étudier la plasticité des cartes, une première méthode consisterait à cartographier l’organisation corticale sur la moitié des animaux avant leur implantation et d’implanter les autres animaux. Ensuite il serait possible de comparer les deux types d’organisation cérébrale. La seconde méthode consisterait à utiliser des techniques non invasives d’imagerie chez l’animal pour observer régulièrement l’effet de l’implantation cochléaire sur la sur-représentation de la dernière fréquence saine au niveau cortical.

Enfin, d’un point de vue plus appliqué, ces résultats pourraient ouvrir de nouveaux horizons en matière de réhabilitation auditive. De nouvelles pistes apportées pour la réhabilitation seraient non plus d’inverser le phénomène de plasticité induite par la perte auditive mais de profiter des effets bénéfiques de la réorganisation, c’est à dire rajouter une plasticité du même type que celle apportée par la privation, qui allouerait à de plus en plus de neurones de la perte, le codage des régions disponibles.