3.1. Interprétation des résultats expérimentaux

Les résultats obtenus dans cette dernière étude ne permettent pas d’affirmer que le phénomène d’amélioration locale des performances de discrimination fréquentielle puisse modifier le comportement d’individus cochleo-lésés. En effet, aucune modification du temps de réaction des sujets n’a été observée à la fréquence où ils parvenaient le mieux à discriminer (bDLF), aussi bien avant qu’après appareillage. Pour expliquer cette absence d’effet significatif, il est nécessaire de se pencher plus en avant sur les mécanismes impliqués dans une tâche de temps de réaction. Ces mécanismes nécessitent une composante périphérique (l’encodage des sons au niveau de la cochlée) et une composante plus centrale (l’action de répondre ordonnée par le cerveau). La variation des temps de réaction en périphérie peut être modélisée par une fonction, nommée fonction de Pieron 1 , dont l’exposant varie en fonction des seuils de détection du sujet. En égalisant les sons en sonie, ces variations périphériques disparaissent car les temps de réponse observés sont alors identiques quelle que soit l’audiométrie du sujet (Chocholle, 1940 ; Seitz et Rakerd, 1997). Par conséquent, la variation qui aurait pu être observée n’aurait été que la résultante d’influences plus centrales mises en œuvre. Mais les mécanismes corticaux impliqués dans une tâche de temps de réaction simple restent assez méconnus. Il est probable que le trajet mis en œuvre ne nécessite pas l’implication du cortex auditif primaire, et par conséquent ne soit pas influencé par la différence d’organisation tonotopique corticale. Cependant, des structures comme le colliculus inférieur sont également touchées par la réorganisation (Harrison et al., 1998). Par conséquent, si l’amélioration des performances de discrimination fréquentielle est le reflet d’une réorganisation corticale, alors Il est difficile d’imaginer que le trajet poursuivi lors d’une tâche de temps de réaction ne passe par aucune des structures réorganisées. Par conséquent, les phénomènes de réorganisation pourraient exercer une influence trop faible par rapport au processus global et seraient noyés dans la tâche effectuée.

Notes
1.

Fonction de Pieron : (RT-t0)=βI où RT est le temps de réaction, I est l’intensité du stimulus, t0 untemps de réaction asymptotique dépendant du critère de réponse, α est un caractère spécifique à la modalité sensorielle et β dépend de l’intervalle de temps de réaction observé.