La difficulté, telle que nous la présentons ici fait partie de cette perception-autre ; elle y contribue car elle essaie de mettre en place un point de vue qui se construit d’après une observation et une écoute fines des choses, d’après l’intériorité de celles-ci, que l’on ne perçoit qu’indirectement et suivant une approche ritualisée, qui suppose patience, élan en dehors de soi vers l’autre, même si ce n’est pour y saisir que sa propre intransitivité ou celle de l’autre, ce qui revient indirectement à la même opération symbolique.
La difficulté traduit d’abord le désir du créateur, première opération d’être au monde, qui produit également la première opacité en corrélation avec la première lumière ; aller au-devant du monde, de soi et des autres suppose un questionnement constant, un dépassement incessant de l’évidence et ce qu’il est convenu d’appeler le bon sens pour aller au-delà ou ailleurs mais surtout autrement et ce dernier sens est celui là qui fonde la quête, la position d’ouverture qui est liée au désir.
La difficulté accompagne également l’insatisfaction et l’anxiété d’être, c’est à dire de savoir traduire, mais surtout de savoir vivre l’existence, de la saisir dans ses enjeux et dans ses profondeurs pour enfin pouvoir se prononcer sur soi et sur les autres, c’est à dire approcher la différence intrinsèque qui fonde la loi symbolique des échanges, des séductions et des rejets. Parler ou écrire revient dans ce cas à chercher la corrélation qui existe entre la langue des faits, si on suppose qu’ils en ont une, et la langue humaine dans ses différentes figures et appartenances : l’enjeu en est le saisissement et la saisie de ce saut qualitatif, de cette jointure absente, de l’absence présence qui résulte de cette conversion annihilante mais paradoxalement fondatrice qu’est l’écriture de la difficulté.
La notion de difficulté n’est donc pas un accident ou un artifice ajouté à l’écriture ; elle est une voie(x), c’est à dire une réalisation particulière et choisie de l’acte d’écriture liée à une existence complète, de chair et de réflexion, de sens et de connaissance, qui ne peuvent être approchées ou dites autrement que par ce recul et ce travail incessant sur les mots et les sens. Dans une perspective didactique et pédagogique, parler de la difficulté reviendra à prendre en ligne de compte cet aspect vivant de l’écriture qui échappe aux classements et aux genres, qui entraîne une remise en question même momentanée de la tendance « embaumante » et nécrologique de toute critique littéraire et de tout travail de critique. L’enjeu de l’écriture n’est pas seulement une manipulation de mots, elle est surtout une présence au monde.
Nous avons essayé de montrer comment cette écriture de la difficulté se décline selon des origines, des parcours historiques et selon des voix et des personnalités qui se l’approprient différemment en fonction de circonstances et de nécessités particulières. Elle apparaît donc au terme d’une longue maturation et d’une lente préparation qui modifie les postulats du savoir-faire du créateur, et qui indiquent par ailleurs des exigences différentes de sa part, liées à une définition distincte de l’art, elle-même en rapport avec un changement social et culturel. Cette modification des attentes concerne également le lecteur et le type de public auquel il appartient.
On peut, à ce niveau, parler d’avant-garde, dans la mesure où ces définitions nouvelles de la praxis artistique ne concernent, de part et d’autre de l’acte littéraire ou de la littérature, qu’une infime partie des producteurs et du public. On sait que l’une des fonctions de ces avant-gardes restent le repérage et le balisage de chemins nouveaux avec la part de risques que ces opérations impliquent, notamment des risques symboliques, dont ont souffert des personnalités comme celles de Rimbaud ou Artaud.
Cette maturation , dont doivent sortir des voies nouvelles d’envisager le monde et de le représenter, suppose une ultime corrélation entre un parcours symbolique, une exploration intellectuelle, sensible et anthropologique qui a pour but la confrontation, la rencontre, puis la construction formelle et langagière d’une différence, d’une altérité même, qui singularise le créateur en laissant apparaître un univers fictionnel, vrai parce qu’efficient dans la mesure où il contribuera à une modification plus ou moins importante des représentations du monde.
Au sein du processus quasiment généralisé de vulgarisation et de « démocratisation » qui touche actuellement tous les domaines, notamment ceux de l’art, au sens large, l’écriture de la difficulté permet d’affirmer une autre conception artistique qui cherche à écarter les faux-semblants qui réduisent les opérations symboliques que comporte la création à de simples produits consommables, dont l’ingestion reste sans lendemain et sans conséquences.
L’écriture de la difficulté réitère l’importance de la création littéraire dans sa forme élitiste, liée au secret et à une éthique de la discrétion, à une nécessité de la dissimulation conditions indispensables à toute formulation authentique de préoccupations profondes et vitales, qui ne s’expriment pas nécessairement , et surtout pas facilement car l’individu se découvre d’abord solitaire et particulier et cherche à protéger son originalité différente, avant de réaffirmer éventuellement son appartenance à un groupe, notamment culturel.
L’écriture de la difficulté dans son rapport au monde implique également la sensation profonde de la complexité de celui-ci, mais également le sentiment violent de son opacité, de sa résistance et sa différence, quelle que soit la nomination que l’on en fait, quel que soit le discours que l’on établit (scientifique, poétique, morale et métaphysique). L’écriture de la difficulté se donne momentanément les moyens (car elle finit quand même par imploser, portée par son hermétisme violent jusqu’au silence) d’approcher le monde en se fondant momentanément avec son essence ou du moins ce qui en est momentanément et culturellement saisissable (à ce moment précis).
Ainsi, elle privilégie l’ordre caché, les figures énigmatiques et fuyantes et d’autant plus violentes et plus belles. Elle s’appuie sur l’opacité, le flottement, la rétention et l’impossibilité définitive de toute cognition rationnelle et rationalisable mais également sur l’expérience fugace mais définitive de quelques moments marquants qui semblent être ou devenir des voies d’accès à un autre plan de la réalité ou la dépassant, ou l’habitant et donc ayant le pouvoir de sans cesse la déstabiliser, de la déporter vers une destination ou une signification inconnaissable mais néanmoins saisissable. Si l’intuition intervient ici, elle n’est cependant pas le seul vecteur.
L’écriture de la difficulté permettrait donc d’accéder aux dimensions de la mouvance, de l’incertitude, de l’imaginaire, que nous tentons de domestiquer mais qui restent néanmoins différents, appartenant à un ordre dissemblable de celui du langage et de l’intellectualité telle que nous la concevons aujourd’hui. Elle se présente comme une démarche initiatique et totale qui tente de prendre en compte l’épaisseur et l’opacité du monde ; tente également de faire acquérir et de représenter un autre-être au monde, auquel serait adaptée une autre forme de connaissance/non-connaissance, puisque non figurative, non systématique, à la fois individuelle et intime mais transmissible et donc partageable.
Cette forme de connaissance / non-connaissance permettrait au moins de poser les termes actuels de la solitude et du désarroi de l’homme au-delà des mythes, des images toutes faites et surtout des tabous qui empêchent de poser les problèmes de destination et d’origine auxquels reste liée cette civilisation et les postulats plus ou moins pragmatiques qui l’accompagnent et qui l’ont fondée.
Dans cette perspective, le parcours du Mal, tel qu’il a été initié par les poètes maudits correspond à ce besoin de faire face à ces mêmes tabous, plutôt que de les fuir ou de les ignorer en les refoulant dans le silence et le non-dit. L’expérience du Mal est révélatrice car elle divulgue les oripeaux dont on recouvre les vies et les individus différents. Le mal est également l’affrontement nu avec la mort, au-delà des préparations culturelles et des ritualisations symboliques, en dehors donc des chemins préparés et balisés pour ce faire.
L’écriture de la difficulté devient l’un des moyens de faire face à sa violence totale et ultime tout en la médiatisant pourtant par des mots ; ainsi le texte de l’écriture de la difficulté devient l’espace dans lequel l’innommable, le non dicible se frayent un chemin momentané et la mort fait alors parler ; elle devient la voix principale du texte, qui s’exprime -voix déceptive, mais quelquefois jubilatoire, insituable, angoissante - à travers d’autres voix comme celle de la narration.
On retrouve indirectement un des fonctionnements implicites de l’initiation, à savoir affronter la mort ou les morts, habituer à cette idée de passages et de changements qu’impliquent la vie sociale et la vie organique du corps humain. Le sacré dans sa fonction dangereuse mais vitale est donc institué à nouveau sous une apparence ludique et familière : celle du jeu créatif jugé inoffensif, mais l’est-il ? 32
Nous voyons donc pour notre part se dessiner un parcours culturel et ontologique depuis le Moyen-Âge européen jusqu’à nos jours, continué dans certaines écritures « maghrébines » notamment.
Une revendication de libération de la tyrannie d’un certain ordre social et intellectuel dans lequel la raison cherche à fixer le monde dans ses propres limites et qui ignore notamment le côté non socialisé de l’homme, que celui -ci ait un rapport avec la morale ou avec la politique, comme dans un système colonial ou social, fortement répressif ou centralisateur, dans lequel toute tentative originale ou différente est perçue comme dangereuse ou est aussitôt récupérée.
La diversité est devenue périlleuse et tout ce qui peut être à l’origine d’un effet de surprise, générant lui-même un « déclic », c’est à dire une sorte de réveil ou de prise de conscience de certains enjeux de l’existence qui dépassent infiniment l’organisation actuelle de la socialité et la répartition des enjeux symboliques.
L’uniformisation quasi généralisée à laquelle nous sommes arrivés de nos jours réduit de manière conséquente l’acceptabilité des différences, même si par ailleurs un discours de tolérance est tenu : objectivement, cette tolérance n’a presque plus lieu d’exister puisque les différences ne sont plus perçues car les compétences en la matière n’existent plus ou ne peuvent exister à cause d’une ignorance totale de toute notion d’altérité.
Dans ce cadre, la réitération littéraire de l’altérité joue un rôle fondamentale et permet en outre de poser celle-ci et de la faire exister tout en montrant ou en tentant de dessiner les contours de ses modalités particulières d’existence. Ainsi les trois auteurs dont nous examinons ici les productions rattachent leurs œuvres à leur terroir d’origine, zone de silencieuses turbulences et de contradictions productives dont il tente de montrer l’hyper activité dans leurs écritures et dans l’écriture de la difficulté de manière plus générale.
Au Maghreb, composé de sociétés à dominante orale, les cultures populaires s’inspirent pourtant et même sous une forme rudimentaire car considérablement appauvrie, de la culture savante, elle- même en rapport avec celle qui s’est construite au Moyen-Orient notamment à travers les époques de développement de la civilisation arabo-musulmane. Le Maghreb, terre de multiples civilisations, qui se sont affrontées et dont les établissements successifs se sont faits sur l’étouffement, l’ignorance et la censure et/ou le remaniement et le déguisement de celles qui avaient existé avant elles, possède donc cet héritage de non-dits, de couches successives de paroles déposées et détournées, utilisées de façon indirecte ou « sous le manteau » lorsque la situation le nécessite. Ces paroles, ces discours constituent des paroles volées, et pour cela codées car toujours étroitement liées à des conditions d’apparition ou de production, de compréhension et de transmission, plutôt difficiles.
La parole est donc un acte que « l’on commet » toujours avec une certaine retenue, voire une difficulté réelle d’énonciation et de positionnement. Cette parole est confrontée à de multiples formes de censure dans sa conception même d’abord ; elle doit ensuite affronter l’homogénéité du groupe, la corporéité tribale, pourrait-on dire et son grégarisme. Pour ce faire, celui qui prend la liberté de parler doit utiliser ou du moins savoir utiliser les mots de la tribu comme le disait Kateb Yacine, pour mieux leur imprimer sa propre inflexion et son rythme particulier, notamment en utilisant la litote et le sous entendu, l’adage qui illustre une situation, mais peut aussi contribuer en fait à introduire de nouvelles idées différentes de celles qui ont le plus cours.
Cette appropriation se fait aux dépends des sens consensuels que le locuteur retire progressivement, et ce pour tenter d’arrêter la fluidité mécanique du langage dans l’acte de parler au quotidien. ; Elle consiste essentiellement à pratiquer et à entretenir le flottement des sens et des interprétations en maintenant les ambiguïtés pragmatiques. Dans un environnement traditionnel dans lequel par exemple, il est stipulé que les sens coraniques sont accessibles diversement suivant le niveau, l’attente et le désir de celui qui écoute, donc qu’ils dépendent d’une compétence spirituelle, on comprend qu’une polysémie de fait existe, qui autorise tous les atermoiements de sens, avec la dimension instable et dangereuse que cela implique, tant sur le plan linguistique, que sur le plan anthropologique, auquel le langage sert de balises.
Le locuteur producteur qui s’exprime dans ce contexte est un locuteur qui s’exprime sur deux ou même plusieurs niveaux ; dont le discours, s’il paraît fixé à des procédures établies et balisées socialement, finit néanmoins par s’échapper à partir du moment où une richesse pragmatique existe (différence d’écoute, culture de groupe ou savante, informations sociales de tous genres, pour ne citer que quelques exemples), qui lui permet de sortir des significations entendues et pratiquées comme telles tout en les maintenant en apparence. Car les expressions simples et désignées comme telles peuvent grâce à leur caractère « lisse », « apprivoisé » devenir un moyen de remettre en question le registre de l’apparence auquel elles appartiennent plus ou moins directement. L’insistance, la répétition peuvent devenir des moyens d’élaguer la parole consensuelle jusqu’ à la rendre vide de sens ou du moins souligner son inadéquation avec une nomination nouvelle du monde rendue nécessaire par l’évolution des contextes sociaux et culturels , mais aussi par une position différentielle des individus.
De même cette parole peut-être perturbée de l’intérieur par un usage décalé des lexiques, ou par leur utilisation double, à la fois en rapport avec le monde auquel elle appartient à l’origine mais qui s’étiole progressivement, et en rapport avec la modernité et les situations dérangeantes que celle-ci instaure. Cette perturbation est pourtant productive, dans la mesure ou elle interroge les catégories des deux mondes auxquels elle appartient tout en rendant effectives et parlantes, les zones d’ombre, les marges et les présupposés sur lesquels ils s’appuient. La zone de traces dont il s’agit devient donc un espace de turbulences, ouvert à toutes les possibilités de sens et de dérèglement du sens qui orientent différemment le locuteur, c’est à dire qui peut permettre à l’individu de conduire différemment sa pratique sociale.
D’où le sentiment de danger ressenti face à toute prise de paroles, surtout si elle recèle une originalité ; car au Maghreb, pourtant pétri d’oralité, toute prise de parole, au sens étymologique de cette formule, est une revendication d’être et par conséquent d’altérité par rapport à la norme, qui est le rituel du silence ou son tabou comme réponse à une « discursivité » confisquée et donc paradoxalement impossible en tant que telle. On se rappellera à cet effet la parole de Tahar Djaout : « Si tu te tais tu meurs, si tu parles tu meurs, alors parle et meurs.» ; au- delà de la dimension politique de ce véritable adage, la violence qui préside de toutes les façons, à toute énonciation au Maghreb, et particulièrement en Algérie, est désignée comme fondatrice de toute prise de parole à partir du moment où il s’agit de l’émergence d’une différence.
La mort symbolique et anthropologique dont il s’agit ici correspond notamment à la volatilisation d’un ordre social et symbolique pour un locuteur qui revendique son altérité et sa non coïncidence avec les conditions d’appartenance à celui-ci. (D’où la position privilégiée de la mort dans le processus de l’énonciation qui est le plus souvent un balbutiement de l’étrangeté, de l’état de différence et de distance dans lequel se trouve la voix qui parle et celui auquel elle se rattache.)
Nous venons donc de présenter les éléments essentiels qui structurent la prise de paroles des écrivains maghrébins et ceux qui président à l’énonciation qui est à son origine ; nous les développerons au courant de notre travail. Nous pouvons d’ores et déjà introduire les matériaux de travail suivants : en dehors de certaines exigences géographiques, mais aussi académiques et culturelles, la littérature telle qu’elle est représentée et pratiquée par Meddeb, Dib et Khatibi, peut se permettre des expériences, des positions et des créations dont les interrogations et les enracinements sont doubles et même multiples.
Elle reprend en partie une tradition d’exil et de mystère dans et par le langage, lui-même excavé et miné, donc délesté de ses attaches traditionnelles tout en maintenant leurs échos et leurs connotations. Cette tradition appartient au Maghreb, dans la multiplicité de ses relations et de ses obédiences, mais aussi à une époque et à un « secteur » des sociétés occidentales, particulièrement au moyen âge, puis au seizième siècle, reprise de temps à autre par les pratiques poétiques et littéraires, notamment par Rimbaud et surtout Mallarmé, au dix neuvième siècle. A cette première polarité vient s’ajouter la théâtralité inhérente à la démarche de codage et de déguisement des langages.
Dans un deuxième temps, cette écriture de la difficulté s’inscrit en grande partie dans une revendication de la modernité, comme expérience des limites, notamment celles qu’impliquent l’amour et la folie, et la mort. La dimension politique de ces dernières est englobée dans les problématiques et les situations qui sont posées par l’énonciation même et les problèmes qu’elle entraîne.
Le problème du Mal, comme confrontation ultime, mais aussi comme vecteur de connaissance de soi et surtout comme moyen privilégié d’éclatement de tous les repères socialement acceptables est donc intrinsèquement concomitant à ces écritures, qui se rattachent ainsi à une tradition d’interrogation implicite de la notion de culture et donc d’appartenance culturelle notamment, mais aussi des notions d’extrême et donc ici de barbarie, au sens de sortie hors de la culture.
Les œuvres marquantes de ce courant, telles celles d’Artaud et avant lui celle de Rimbaud et de Lautréamont (dont nous ne parlons qu’accessoirement dans notre travail) sont interrogées implicitement par un jeux de miroirs et de résonances par les auteurs dont il s’agit. C’est dans ce cadre, qu’on essaiera de montrer qu’elle joue le rôle d’une initiation symbolique dont le rôle essentiel consiste à contrebalancer toutes les instances de pouvoir liées à une modernité inhumaine et angoissante parce qu’elle n’intègre pas les rapports de l’homme et de l’univers, dans la conception même qu’elle s’en fait.
L’écriture est également vécue comme une forme et même une tyrannie de la forme qui sert à la fois d’écran mais également de dépositaire d’une expérience fondamentalement liée à l’altérité, c’est à dire à un voyage, une transformation qui implique profondément le langage, et les langues dans leurs interactions mutuelles, mais également dans leurs capacités d’implication des autres matériaux culturels.
En fin l’écriture de la difficulté est également une inscription douloureuse, tragique, mais aussi extasiée et ravie (au sens étymologique du terme) de la beauté, du plaisir et de la solitude et en cela elle est d’abord poétique, comme nous le montrerons ; et dans cette dimension elle est inséparable de l’éclatement des genres qu’elle revendique et qu’elle pratique, tout comme elle est liée à la diversité des créations dans lesquelles culmine cependant et toujours la voie/x poétique.
Dans cette constitution d’une écriture de la difficulté et dans le cas des auteurs choisis dont nous venons de voir les éléments constitutifs, au sens où ils orientent et interviennent dans son déploiement plus ou moins explicitement, nous pensons que cette expérience a une histoire personnelle pour chacun des écrivains que nous traitons. Le lien à l’écriture s’est constitué dans une relation préférentielle à la difficulté et l’établissement de celle-ci est lié à un récit fondateur, lui même en rapport avec une saisie de la forme de l’écriture comme lien fondamental avec le monde.
In Ontologie de la société, psychanalyse de la vie sociale- le jeu de la salvation de Joël Martine PUF Sociologie d’aujourd’hui 1997.
« Dans les sociétés ordonnées par la pensée mythique, les rites d’initiation se donnent clairement pour ce qu’ils sont. En revanche, dans les sociétés actuelles, la perte d’autorité des mythes se traduit par un oubli des rites d’initiation. Il est donc décisif, pour comprendre ces sociétés, d’analyser ce qui, dans leur pratique, fonctionne de façon non dite comme des rites d’initiation. […] A travers ces disciplines, l’acquisition de nouveaux habitus, la transformation de l’identité personnelle et le passage à un statut social nouveau rejouent les inscriptions littérales de la petite enfance , du moins de manière métaphorique, plus profonde lors d’épreuves importantes. » p.162