Diversité polyphonique des voix

Au niveau de l’énonciation de la parole poétique au sein du recueil, on assiste également au doublage des pièces poétiques par la (ou les ) voix qui prend( prennent) en charge les parabases 44  ; autre voix donc, qui semble plus claire, parce que raisonneuse au premier abord et plus accessible, au moins superficiellement, du point de vue sémantique ; elle apparaît également plus fluide puisque sans usage de majuscules ou de ponctuation et se présente ainsi comme une coulée unique que rien ne vient rompre ou soumettre .

L’italique, ici, contribue également, du point de vue visuel, à lui donner le caractère plus intime, plus proche de l’écriture manuelle, plus proche de l’usage que peut en faire un lecteur non initié.

La parole portée par cette écriture plus fluide est plus proche des langages conventionnels établis, qu’il est d’usage de produire autour et en poésie.

Elle accompagne toutes celles ( dans les pièces poétiques) , emmurées dans leur mystère, qui s’élèvent, différentes et pourtant identiques qui (s’)entretiennent de l’amour, de l’érotisme, du sexe et du désir, mais qui ne font que s’approprier ces « objets » suivant leurs attentes et leurs désirs, mettant ainsi à nu l’invincible force d’enchantement et de désenchantement de la puissance d’amour, telle qu’elle est vécue dans cette prise de parole ; et découvrant son cœur noir et illisible.

Cette polyphonie volontairement installée, sans origine clairement identifiée, suggère les voix oraculaires, transmetteuses de paroles obscures et insoumises aux orientations limitatives des hommes ; la voix du coryphée peut être associée ici aux voix des Pythies (féminisation à dessein de la substance dite et de celle qui la porte et lui permet d’être, le poète rêve de dire la femme : il le réalise en choisissant la forme-sens par excellence de l’intériorité inconnue que l’on porte en soi et qu’on réalise par à coups : l’oracle ou le commentaire divinatoire) dont l’appartenance générique est le domaine de la connaissance, mais dont le mode d’expression est le message inaccessible aux mortels, mêmes élus par le sort.

Car les Pythies ne disent pas : elles révèlent, c’est à dire qu’elles désignent la profondeur inattendue et palpable des choses. Ces voix traversent la quotidienneté et l’habitude, en fracturent l’ordre et désignent le secret qui en est à l’origine, c’est à dire l’absence qui les fonde, particulièrement en ce qui concerne l’amour et la passion.

Ainsi se met en place une écriture de l’arcane, 45 au sens sacré de ce terme ; elle s’appuie sur ce mécanisme de la dissimulation, du viol et du transfuge  ; il s’agit de faire fuir le sens, de le suspendre, de le forcer par un emploi insensé des mots et de l’amener ainsi à devenir la prémonition violente d’un monde désincarné au sein duquel ne règneraient plus que les puissances tutélaires, envisagées ici sous le recouvrement de certains symboles comme la féminité, la mer, certains éléments appartenant au règne des végétaux, animaux ou autres, intégrables dans une fresque plus ample, dont les sens se déploieraient sur plusieurs plans et impliqueraient notamment une optimisation des compétences culturelles, intuitives, ontologiques du lecteur.

Notes
44.

Définition du Robert : Parabase : Discours du Coryphée par lequel l’auteur fait connaître ses opinions personnelles.

45.

Définition du Robert : Arcane : en alchimie, préparation mystérieuse réservée aux adeptes ; mystère, secret.