La narration, « forme du dire » 

La narration fonde le récit, même dans une déflation ou une absence. Elle en donne la direction, l’inflexion, l’orientation. Elle construit, elle marquète, elle glose, elle « néologise », elle évente, elle construit ainsi un polylogue en restant attentive doublement à ce qui la constitue et à ce qui l’habite. Elle se situe en amont et en aval d’elle-même, tout comme elle cherche à saisir tout ce qui la constitue et fait sa trajectoire. En ce qui concerne Dib et Meddeb, elle s’associe le conte et l’utilise de diverses manières : elle réécrit le mythe ou la légende, en en pénétrant les fondements.

Elle appelle, elle convoque, elle répond ; elle organise un espace de rencontres et d’interpellations ; elle brasse et elle détourne des références et des matériaux de provenances diverses. Elle déguise la/les voix qui la traversent, l’habitent ou sont à son origine.

Elle est surtout la voix des voix, la puissance qui contribue à poser l’acte de parole, qui cherche à l’arracher à la banalité, à l’exercice quotidien et répétitif pou lui conférer une singularité décisive.

La narration installe donc un dire démultiplié, excessif et virevoltant sur lui-même.

L’écriture permet d’explorer ainsi une scansion différente des récits, basée sur l’illimité, l’indéfini, la hachure, la brisure, la disparition :mise en texte syncopée et exclusive, soliloque, échos et reprises, le texte est tour à tour, murmure, cri, silence, portés par des souffles, des absences, des oublis ou des blancs, des omissions volontaires, des mots mis à la place d’autres, métonymies ou métaphores, qui entretiennent tous le rythme tourmenté et pourtant continu de cette narration impossible, déchirée , toujours approximative et pourtant toujours centrée autour d’un objet qu’elle ne peut achever et dont elle ne peut donner qu’une approche approximative. Mais sa forme est néanmoins acquise : il s’agit de la convulsion.