La forme-sens convulsive 

L’écriture met en place la narration ; elle construit la forme-sens convulsive, parce qu’elle est le lieu de la transe/transformation. Nous rappelons la définition du préfixe trans- : par delà, qui a également le sens de au-delà, à travers et marque le passage ou la modification.

L’écriture crée un espace qualitatif qui engendre un changement notamment dans la nature de la langue, qui devient espace d’un avènement, même si celui-ci est difficile.

Ce changement est de nature symbolique, alchimique, magique parce qu’il s’appuie essentiellement sur des correspondances, des relations métaphoriques ou métonymiques. L’usage de la langue devient donc une traversée, une remontée également, c’est à dire une ascension originelle/originale dans les itinéraires de la constitution de cette langue rêvée-rêvante, infiniment productrice, selon d’autres situations d’énonciation, d’autres références/référents.

L’écriture réinvente donc la langue et la délivre des définitions conventionnelles qui en sont faites et qui sont produites par une pratique, elle- même conventionnelle ; tout comme est réinventée(ré-imaginée) la communauté utilisatrice de l’œuvre, communauté voyageante, venant de tout bord, capable d’être au moins lectrice partielle de l’œuvre ; simultanément , l’écriture réinstalle la parole, dans son jaillissement inventif, dans la situation particulière d’être en instance de rencontre : paroles de masques ou de blasons, d’emblèmes et de symboles, qui cherchent de par leur seule existence, les compétences aptes à les reconnaître ; paroles déguisées donc, énigmatiques, destinées à être élucidées ou à être désignées en tant que telles, brèves fulgurances d’une rencontre faite sur le mode de la surprise, de l’éblouissement fugace, unique.

L’écriture de la difficulté cumule ces caractères en utilisant chacune des unités qui la constituent et elle transforme sa signification de cette manière : graphies ou graphèmes, caractères qui deviennent des idéogrammes, dessins ou symboles, elle brasse des signes et leurs systèmes respectifs d’inscription pour désigner la quête du signe total, qui combinerait tous les matériaux, dont elle se sert pour rendre sa trame.

La forme-sens convulsive implique également l’aspect intérieur et antérieur de la langue, notamment les univers nominatifs et formels dont elle est issue, les facteurs qui l’ont fait naître, les dépassements qui la soutiennent et la relancent. On peut la représenter par une sinusoïdale qui configure les deux figures qui caractérisent cette langue, à savoir le chiffrage jusqu’à la disparition (du sens notamment ou de l’écriture comme dans L’héritier enchanté) porté par l’éclatement, la révulsion et l’extinction du mot par lui-même et en lui-même ; et d’autre part, l’apparition solitaire ou la répétition du mot dans un logique obsessionnelle, oratoire et/ou jubilatoire.