Litote, parabole et allégorie

Ce roman, le plus beau et le plus bouleversant, à notre sens, est un roman d’amour empreint de culpabilité, de tragique, et s’inscrit pourtant dans une tentative de sublimer ces dimensions souffrantes et qui apparaissent comme telles, à travers la reconstruction de la propre légende du créateur, de son lieu et espace d’énonciation, et de son nom propre, celui qui s’élabore dans la complexe opération d’aller-retour entre soi et l’autre, altérités intérieures et extérieures, féminines et masculines, de civilisations et d’appartenances, d’Histoires enfin plus ou moins récentes.

Dans ce cadre, l’utilisation et la conformité à l’art de la litote se complexifie et s’appuie sur un autre usage en étroit rapport avec les énonciations détournées : il s’agit de l’art de la parabole et celui de l’allégorie.

Le récit mis en place ne peut exister en tant que récit de la profondeur, de la souffrance ou de l’éblouissement que s’il s’appuie et renvoie à un récit-type ou phare, qui signifie fortement du point de vue culturel et imaginaire notamment.

Seule la mise en dialogue ou en interrogation, la désignation silencieuse mais appuyée de ce lien secret, qui renvoie à l‘intimité du créateur-narrateur, à ses territoires d’origines, aux dialectiques multiples de la mise en parole et en récit par lesquelles il passe et s’affirme en tant que tel, lui permettent alors de conquérir et d’écrire son identité déchirée et toujours transitoire.

Le récit mis en place se refuse également à tomber dans les lieux communs discursifs et romanesques qui concernent l’amour, tout comme il se refuse à les nommer directement : l’amour est déjà comme nous l’avons dit et montré dans notre deuxième partie, une puissance métaphorique : elle use de subterfuges, notamment langagiers pour affirmer son existence.

L’amour est également, loin des discours établis et ronronnants de bonheur, une dangereuse puissance de déguisement et de transformation de soi et de l’autre ; pour s’accomplir et dépasser cette étape, il exige l’acquisition d’une lucidité qui s’appuie notamment sur le lent travail d ‘élagage et de recouvrement de soi et de l’autre, car l’identité ne peut être séparée de l’altérité. Nécessaires l’une à l’autre, elles sont à l’origine même de l’être.