Thèmes développés au cours de la recherche

Ayant choisi de présenter Shanghai comme un lieu significatif où se sont confrontées deux cultures, en même temps que le champ d’un déchaînement de passions au cours d’une des périodes les plus complexes de l’histoire, il paraît indispensable, pour mieux comprendre le contexte, de tracer en premier lieu l’historique de la Concession française de Shanghai.

Nous aborderons alors, avec le développement de l’hygiène publique, le problème surgi de la force symbolique de l’opposition entre le propre et le sale, qui conduit à une auto-valorisation faussement morale et pose les bases d’une discrimination raciale. Nous observerons la relation qui existe entre l’état de la société et les conditions sanitaires : plus une société est équilibrée, plus elle est naturellement organisée et respectueuse des règles d’hygiène nécessaires à sa survie ; à l’opposé, lorsque le lien social se délabre, aucune règle, si naturelle soit-elle, n’est plus suivie et l’état de saleté prend le dessus ; en temps de paix le mort est honoré, mais en temps de guerre le nombre important de cadavres en décomposition abandonnés dans les rues inspire la répulsion : ils sont la métaphore physique du désordre.

Ensuite, les difficultés de mise en œuvre d’un système d’assistance publique montreront comment les Occidentaux, sous couleur de remplir leur devoir de charité, déguisent leur prosélytisme et leur besoin de soulager leur conscience, mais, sans prises de décisions du pouvoir politique, les actions sociales restent souvent le fait des religieux et des associations privées. Il est intéressant de constater le lien entre la personnalité des dirigeants et la politique menée : se démarquant des conseillers occupés par les luttes de pouvoir et la satisfaction de leur intérêt personnel, le Consul Wilden, animé par des principes de rigueur et de justice, lance l’aide aux réfugiés russes et s’attache aux actions éducatives et sociales en faveur des Chinois.

Puis, l’idéal de mission civilisatrice des Occidentaux se fera jour à travers le développement des infrastructures hospitalières sur une base d’infériorisation des Chinois, dénonçant leurs carences et méprisant leurs connaissances ; les Occidentaux ont apporté une conception des soins à l’opposé de la vision chinoise holiste qui refuse l’idée de maladie pour prendre en compte le patient envisagé dans sa singularité ; à l’hôpital, le malade est sorti de son milieu, placé dans un lieu sans repères et étiqueté selon sa maladie.

L’étude de la médecine française à Shanghai mettra en évidence deux aspects négatifs sous lesquels est envisagée l’éducation : la répression et la manipulation du vivant, avec la nécessité de se soumettre aveuglément à des valeurs considérées comme sacrées. Le but de la formation n’est pas d’amener à l’exercice pratique d’un métier mais de formater des sujets pour les sensibiliser aux valeurs de l’Occident et asseoir ainsi son influence. La Chine, dont une des bases d’éducation est l’obéissance, accueille très favorablement cette bonne parole qui séduit les jeunes éduqués parce qu’elle les fait accéder à la modernité ; reprenant cet enseignement à leur compte, ils saperont les bases de la culture chinoise, dénaturée et ridiculisée.