1.1.2. Le cas de Shanghai

L’évolution est très rapide à Shanghai qui, au milieu du XIXème siècle, est une ville de 300.000 habitants délimitée par une muraille où réside la majorité de la population et où sont établis les sièges du pouvoir officiel et de nombreuses guildes. La ville se développe aussi vers l’est et le sud, le long du fleuve Huangpu. 80 A la suite des guerres de l’Opium et de la signature des traités inégaux, la ville se transforme rapidement. L’établissement de territoires autonomes, appelés concessions, soumis au seul contrôle des étrangers, transforme le visage de la ville. Les Anglais en 1845, les Américains en 1848, puis les Français en 1849 s’installent dans ces zones désignées par les autorités locales. En 1863, les deux premières nations décident de se réunir et de former une municipalité commune la ‘Concession internationale’. Les Français sont invités à se joindre à eux mais ses représentants diplomatiques préfèrent conserver leur propre concession de peur de perdre leur liberté d’action. La présence à Shanghai des étrangers avec leur force armée constitue une protection pour les réfugiés chinois qui fuient les pillages et les massacres causés lors de la révolte des Taiping (1853-1864). Shanghai supplante alors certaines villes de la province du Jiangnan, comme Suzhou et Yangzhou qui occupaient jusque là une place centrale. Les mouvements de population vers Shanghai accroissent la prospérité de la ville qui se nourrit des divers apports culturels de la province et de l’arrivée d’immigrants riches et influents. 81

Le développement économique de Shanghai, durant la seconde moitié du XIXème siècle, est le fait du commerce local plus que du commerce international. De nombreuses fortunes individuelles sont notamment le résultat de la spéculation immobilière liée à l’arrivée massive de réfugiés pendant cette période. 82 Conscientes de l’opportunité qu’offre la présence de réfugiés de gagner rapidement de l’argent, plusieurs entreprises étrangères, comme celle de Sassoon, Jardine & Matheson ou Gibb Livington, investissent dans le marché de l’immobilier, généralement grâce aux profits générés par le commerce de l’opium. La valeur des biens fonciers ne cessera d’augmenter entre 1900 et 1930.

Notes
80.

Christian Henriot, Zheng Zu’an, Atlas de Shanghai, Espace et représentations de 1849 à nos jours , CNRS Editions, 1999, p 26.

81.

Yue Meng, ‘The invention of Shanghai, cultural passages and their transformation, 1860-1920’, Ph.D. University of California, Los Angeles, 2000.

82.

Alexander Townsend Des Forges, ‘Street talk and alley stories, tangled narratives of Shanghai from Lives of Shanghai Flowers (1892) to Midnight (1933)’, Ph.D. Princeton University, 1998, p. 12, cite Murphey Rhoads, Shanghai, the key to Modern China , Cambridge, Harvard University Press, 1953, p 121.