La Concession internationale

Dans le cas de la Concession internationale, la participation de Chinois au conseil municipal est approuvée par les contribuables et les consuls, en conformité avec les principes invoqués par le corps diplomatique à l'égard des autorités chinoises en 1864. Les termes du règlement sont décidés par le Daotai et les consuls étrangers, Walter H. Medhurst de Grande-Bretagne et George F. Seward des États-Unis. Une version révisée des ‘Land Regulations’ de 1866 inclut une clause permettant aux Chinois résidant sur les concessions de participer au conseil municipal à travers un corps élu qui gouvernerait les concessions mais les nouvelles ‘Land Regulations’ de 1869 ne comportent plus une telle clause, supprimée à l’unanimité par les ministres étrangers de Beijing. Un nouvel ensemble de règlements est signé par le Zongli Yamen 118 et communiqué au Daotai de Shanghai et aux consuls étrangers pour y être appliqué. Ce n’est qu'en 1928, sous la pression du nationalisme chinois incitant à une réévaluation de la diplomatie anglaise à l’égard de la Chine, que les résidents chinois de la Concession internationale obtiendront le droit de participer aux sessions du conseil municipal. 119 En outre, à partir de 1860, le pouvoir du Daotai est restreint par le Zongli Yamen et par les hautes instances politiques et diplomatiques, le Daotai Wu Jianzhang ayant collaboré à l’élaboration des ‘Land Regulations’ qui donnent le droit à la communauté étrangère de s’autogouverner. Après l'invasion franco-britannique et la signature du Traité de Tianjin en 1858, les hauts responsables comme le Prince Gong et Li Hongzhang sont extrêmement sensibles aux actions étrangères et s'inquiètent d'une mauvaise gestion des relations étrangères dans les ports ouverts qui justifierait une nouvelle agression. Le Zongli Yamen exige notamment des Daotai qu’ils fournissent des rapports concernant les étrangers pour se tenir au courant des événements et de la politique des puissances étrangères à l’égard des autorités locales dans les ports ouverts. 120

Le ministre français à Beijing ne reconnaît pas les nouvelles ‘Land Regulations’ de la Concession internationale et invoque le fait que si les ‘Land Regulations’ de 1854 ont été signées à la fois par le Consul général français de Shanghai avec l'approbation du Ministre plénipotentiaire de Beijing, le gouvernement français ne les a pas ratifiées. Le Consul général Brenier de Montmorand établit en 1866 le Règlement d'Organisation de la Concession française de Shanghai. Le Zongli Yamen reconnaît, contraint et forcé, les ‘Land Regulations’ de la Concession internationale et le Règlement de la Concession française en 1869.

Shanghai a tiré grand profit du remplacement du Grand Canal par les voies maritimes pour le transport du grain et du sel. La révolte des Taiping a ensuite entraîné une immigration massive et l’introduction sur le marché d’un nombre considérable de produits liés à leur arrivée. Cette situation transforme Shanghai en un centre d’échanges économiques et culturels d’envergure nationale. Les récents désordres ont en outre profondément altéré la société et la culture chinoises. Le Mouvement des cctivités occidentales s’appuie à Shanghai sur des chefs militaires et politiques de l’Anhui et du Hunan, de culture et d’éducation différentes des mandarins précédents ; il met l’accent sur l’importance des mathématiques et de la technologie, en dehors des normes du système mandarinal, s’appuyant sur des agents ayant acquis à l’Arsenal ce savoir en sciences occidentales. Le changement qui s’opère à Shanghai n’est donc pas limité à la seule présence des étrangers : les concessions étrangères sont une composante de la prospérité de Shanghai et ont un effet d’entraînement et de démonstration ; les marchands et notables chinois s’inspirent du système administratif et économique des concessions pour développer l’industrie et le commerce chinois et engager des réformes.

Notes
118.

Après 1860, la diplomatie, qui s'effectuait auparavant en priorité au niveau local sans intervention du gouvernement, est centralisée à travers la création d'une nouvelle institution, le Zongli Yamen ou ‘Bureau des Affaires Etrangères’ chargé des relations avec les étrangers.

119.

Robert Bickers, Britain in China , Manchester University Press, 1999, p 126.

120.

Leung Yuen-Sang, The Shanghai taotai linkage man in a changing society, 1843-1890 , p 76.