Renforcement du contrôle des Chinois à travers de nouvelles fonctions

En ce qui concerne les employés de la Garde municipale, le Conseil crée, le 9 mars 1898, un poste de secrétaire afin de surveiller les interprètes chinois ; c’est un étranger qui parle le français, l'anglais et plusieurs dialectes chinois dont le shanghaïen, le Conseil ayant écarté un secrétaire chinois par manque de confiance ; est également mis en place un détective européen chargé de surveiller le service des détectives chinois : il contrôle l'application des règlements dans les établissements publics chinois et européens et assure une surveillance générale pour signaler les cas d'incendies, grèves, bagarres, vols, accidents, etc. Le 7 avril, un inspecteur français de la Garde est chargé de vérifier la qualité des produits laitiers ainsi que l’hygiène des marchés, des boucheries, et autres lieux de vente alimentaire et de signaler au vétérinaire municipal les cas relevant de son ressort ; grâce à son travail, il est décidé à partir du 1er janvier 1899, à l'exemple des mesures prises sur la Concession internationale, d'obliger les laiteries à n'utiliser que de l'eau filtrée provenant des conduits de la ‘Waterworks Company’, le médecin municipal ayant pointé le danger que constitue pour la santé publique l'emploi dans les laiteries d'eau non filtrée, souvent contaminée. Les fonctions de la Garde municipale s'étendent ainsi, pour un temps, aux questions d'hygiène publique. 180

Le 4 juillet 1900, le Conseil décide de recruter vingt-cinq tirailleurs annamites des milices du Tonkin ainsi qu'un sous-officier français et fait des démarches auprès du Gouverneur général d'Indochine ; Doumer envoie trente hommes, dont le sous-officier français, avec leurs uniformes, armes et munitions ; la solde de l’officier et celles des annamites est à la charge de la Colonie, la municipalité payant les suppléments comme la nourriture et une prime de 100 dollars par mois pour le sous-officier ; ils arrivent à Shanghai le 1er août 1900 ; 181 parmi les Annamites, que le Conseil fera désormais venir pour occuper des postes au sein de la Garde, certains sont catholiques et le Père Rossi donne le dimanche à leur attention une messe spéciale à l'hôpital St Marie tandis que les Auxiliatrices s'occupent de l'instruction des enfants. En 1927, le groupe s’étant agrandi en raison de l'incorporation de nombreux tirailleurs, une chapelle indépendante leur est construite, dont l’aumônier est un Père Jésuite de l’université l'Aurore.

Le 9 mai 1903, le consul L. Ratard sollicite auprès du Conseil la création d'une section policière équestre qui effectuerait des rondes de nuit et de jour, notamment sur les routes extérieures correspondant à l'extension de la concession ; le Conseil refuse d'allouer des crédits à ce projet et le consul met en avant les agressions contre la population chinoise ou étrangère, notamment l’exemple d'un Chinois enlevé par une dizaine de ses congénères route Doumer, et conduit sur la route de Xujiahui, attaché à un arbre, brutalisé et volé ; un autre cas, celui d'un jeune Chinois âgé de 18 ans qui, se dirigeant vers la route de Xujiahui par l'avenue Paul Brunat, est attaqué par six malfaiteurs qui le dévalisent de son argent. L'insécurité a toujours existé sur la Concession française mais le Consul la pointe afin de convaincre de la nécessité de créer une cavalerie qui voit le jour en mars 1904. 182

Dépenses du Conseil municipal pour la Garde municipale et les Travaux publics
Dépenses du Conseil municipal pour la Garde municipale et les Travaux publics

Le 16 janvier 1907, le Conseil décide d'employer cinquante et un Tonkinois pour assurer l'ordre sur la Concession française et participer à sa défense ; les membres sélectionnés doivent avoir servi comme tirailleur, auxiliaire d'artillerie ou milicien et être libérés de leur charge au Tonkin, leur engagement étant pour une période de cinq années, leur voyage aller et retour à la charge du CAM, ainsi que celui de leur famille si elle les accompagne ; un logement leur est assuré, service médical et hospitalisation sont également pris en charge par le Conseil. Ils sont astreints à une discipline militaire. L'effectif comprend trois sergents, six brigadiers, vingt et un gardes de première classe et vingt et un gardes de deuxième classe ; les trois sergents sont choisis avec ce grade en Indochine, les autres nominations se font sur place, suivant les mérites de chacun. Généralement rapatriés dès leur engagement terminé, ils peuvent toutefois contracter un nouvel engagement de cinq années après avis du chef de la Garde, 183 qui se montre très élogieux sur leur travail, notamment pour la surveillance des routes extérieures : confrontés à des bandes armées agissant aux limites des concessions, le personnel tonkinois « s’est comporté avec un élan remarquable et a donné les preuves d’un dévouement absolu » ; 184 de ce fait, il propose au CAM d’en augmenter l’effectif, le personnel chinois ayant déjà été renforcé de soixante-douze agents pendant les premiers mois de l’année ; malgré les nombreux candidats, peu seront jugés aptes.

Durant l'année 1907, le Conseil décide également de recruter du personnel européen en France. Le 1er avril 1908, treize sapeurs-pompiers du régiment de Paris sont engagés et arrivent le 15 mai à Shanghai ; promiscuité, travail à heures irrégulières, parfois la nuit et durant les week-ends, manque de confort des logements, chaleur de l'été et leur inexpérience des séjours à l'étranger rendent impossible l’adaptation de cinq d'entre eux qui rompent leur contrat ; quant à ceux qui se montrent trop critiques sur les conditions de travail et les termes du contrat, le Conseil les incite à démissionner.

Notes
180.

AMS, U38 1 2766, Séance du CAM, décembre 1898.

181.

AMS, U38 1 2768, Séance du CAM, août 1900.

182.

AMS, U38 1 2771, Rapport du CAM, mai 1903.

183.

AMS, U38 1 2775, Rapport du CAM, janvier 1907.

184.

ADN, PER 373, Exercice établit par le CAM pour l’année 1908, Rapport annuel du chef de la Garde municipale.