L’implantation d’infrastructures urbaines au cœur d’une société impérialiste

L’aménagement urbain répond au désir de bien-être lié au développement économique de la communauté étrangère qui prend son essor après la révolte des Taiping. Le nombre peu élevé d’entreprises françaises à Shanghai offre au consul le temps de se consacrer plus spécifiquement aux questions administratives et à l’aménagement territorial. De 1853 à 1855, lors de l’occupation de la ville chinoise par les rebelles, la Concession française change de visage : destruction par les Turbans Rouges de toutes les habitations près de la muraille nord pour empêcher les troupes impériales de s’assurer un point d’appui permettant d’attaquer la cité chinoise et travaux de défense entrepris par les militaires. La déroute des Turbans Rouges permet aux autorités françaises d’effectuer des aménagements : « ces innombrables maisons serrées et enchevêtrées, il eût fallu les exproprier ; ces cercueils et ces jarres, il eût fallu en payer le déplacement ; ces dépôts où les morts du Foukien et du Kouangtong, de Chaozhou et de Ningpo, dormaient d’un sommeil provisoire en attendant d’être rapatriés, il eût été nécessaire d’en obtenir, à grand renfort de démarches, de pourparlers et d’argent, la désaffection et le transport en d’autres lieux ». 196 On engage de la main-d’œuvre parmi les coolies réfugiés à Shanghai, soit environ deux cents familles envoyées par le R. P. Clavelin ; le consul Edan les emploie au creusement et à l’empierrement des rues, les travaux étant financés avec l’aide des autorités chinoises et des propriétaires fonciers. Ceux-ci élisent un comité où siègent B. Edan, D. Rémi et E. Webb qui s’occupe de négocier avec un entrepreneur chinois la construction d’un pont enjambant le Yangjingbang afin de relier les deux concessions ; une moitié des frais est prise en charge par le Daotai, l’autre par les propriétaires, proportionnellement à la valeur et à la taille de leur terrain. 197

Les travaux de développement de la concession, à la charge du Consulat, ont vite raison de ses maigres ressources ; aussi le 11 mars 1857, pour régler le problème, les propriétaires de la concession se réunissent au Consulat de France, marquant le début d’une prise de responsabilité des résidents. Les propriétaires acceptent de rembourser à Edan les frais occasionnés par les travaux ; un comité chargé de l’entretien des rues est créé, préfigurant le futur conseil d’administration français. Durant la période de la deuxième guerre de l’Opium, un corps expéditionnaire français qui compte 7.000 hommes arrive à Shanghai. La ville sert de base navale et militaire. Lors de l’expédition vers le nord contre les armées impériales, une partie du contingent reste à Shanghai afin de protéger la ville des rebelles Taiping. Une fois la paix signée à Beijing, des contingents importants du corps expéditionnaire stationnent encore de 1858 à 1865 en raison des menaces que les Taiping font toujours peser sur Shanghai et certains décideront de s’y fixer à la fin de leur service ; beaucoup repartent en raison des difficultés d’adaptation, d’autres trouvent des emplois modestes au sein de l’administration française comme agents de police, dans le commerce ou la restauration. En 1862, la population française est constituée pour moitié d’anciens soldats du corps expéditionnaire. 198

Notes
196.

Ch.B. Maybon, Jean Fredet, Histoire de la Concession française de Shanghai , Paris, Librairie Plon, 1929, p 232.

197.

Ch.B. Maybon, Jean Fredet, Histoire de la Concession française de Shanghai , Paris, Librairie Plon, 1929, p 164.

198.

Maybon et Fredet, op.cit, pp 182-184.