Le problème des cimetières

En matière d'assainissement, la Concession française est confrontée à l'étendue des cimetières des différentes associations régionales chinoises, ainsi qu’aux nombreuses mares, fossés et dépôts de déchets. Le Conseil, durant la séance du 30 octobre 1862, décide de rendre les propriétaires responsables : ils doivent faire disparaître ces causes d'insalubrité avant le 31 janvier 1863, faute de quoi le Conseil réalisera les travaux aux frais des propriétaires. Les associations doivent donc déplacer leurs cimetières en dehors des limites de la ville ; en 1864, tous les cimetières chinois sont éliminés excepté celui de la Pagode de Ningbo, l'association régionale de Ningbo refusant de se soumettre à ce jugement consulaire. Les transformations urbaines sont imposées par des raisons de salubrité publique et, selon les conseillers municipaux, les membres de la Pagode de Ningbo font preuve d'un manque de civilité en persistant dans leur refus de déplacer le cimetière ; 200 le Conseil décide d'assainir les abords de la pagode et indique à propos de ces travaux : « Les Chinois répugnent à toucher à leurs cimetières. Vous pouvez donc vous faire une idée de la patience et des démarches nombreuses qu'il a fallu souvent répéter, pour arriver à faire combler les fossés et mares stagnantes entourant la Pagode de Ningpo, pour faire évacuer un cimetière important entourant le Weikwé du Fokien, lequel était devenu un foyer d'infection par suite des matières de toutes espèces dont on faisait le réceptacle ». 201 Les membres de la Pagode de Ningbo refusent en outre de s'acquitter des taxes municipales et de prendre en charge les frais des travaux d'assainissement ; le Conseil déclare alors les terrains de la Pagode propriété municipale, jusqu'à ce que les propriétaires décident de s'acquitter des impôts fonciers, ceci à compter de l'établissement de la taxe ; il exproprie en outre un terrain de deux ‘mu’ à l'angle de la rue du Consulat (Jinling dong lu) et de la rue Palikao (Yunnan nan lu) où devait être construit un poste de police, projet qui ne verra pas le jour. 202 Outre l’évacuation des cimetières, le bien-être de la communauté et le prestige de la Concession française passent par l’assainissement des terrains marécageux et le pavage des rues. En un an, le CAM considère s'être acquitté correctement de cette tâche : « Bien que, à cette époque (en 1863), la position générale de la Concession fût satisfaisante, il restait encore beaucoup à faire, pour en améliorer l'état sanitaire et en augmenter la sécurité et l'état de propreté afin de relever sa réputation aux yeux de tous. Les travaux faits pendant le courant de l'année qui vient de s'écouler (du 1er avril 1863 au 31 mars 1864) nous montreront, nous en avons l'espoir, que nous avons continué à marcher dans une voie d'amélioration aussi grande que les moyens mis à notre disposition nous l'ont pu permettre ». 203 Les moyens financiers mis en œuvre sont importants : les travaux publics sont le premier secteur de dépenses du budget municipal en mettant en avant des raisons d'ordre sanitaire ; en tant que puissance publique, les conseillers municipaux se considèrent en droit, dans un souci d'utilité et de salubrité publique, tel que dans le cas de la création d'un hôpital ou l'aménagement de voies nouvelles, d'exproprier, d'imposer de nouveaux règlements ou de transformer l'agencement de l'espace urbain.

Notes
200.

ADN, Fonds Shanghai, Série B Rose, n°31 Bis, Séance du CAM pour la gestion de l'Exercice 1864-1865.

201.

ADN, Fonds Shanghai, Série B Rose, n°31 Bis, Séance du CAM, le 30 avril 1864.

202.

Ch.B. Maybon, Jean Fredet, Histoire de la Concession française de Shanghai , Paris, Librairie Plon, 1929, p 286.

203.

ADN, Fonds Shanghai, Série B Rose, n°31 Bis, Séance du CAM, le 30 avril 1864.