Le problème des mendiants

Marquant la limite de la Concession française à l’ouest et au sud, la route présente une zone, entre la Pagode de Ningbo et le village de Simen, où se réunissent des groupes de mendiants qui, selon le rapport de police, sollicitent les passants et insultent ceux qui refusent de leur donner de l'argent ; on y enregistre également du brigandage. Les mendiants ont installé, près des berges de la ‘crique’ en bordure de la route, des huttes et des vieux bateaux qui leur servent d'habitation, dégradation de l'environnement enregistrée par l'ingénieur. Le Conseil envisage de construire un mur au bord du quai pour les chasser mais il ne peut engager les travaux ou prendre de quelconque disposition sans l'assentiment du Daotai, ce qui impose le statu quo. 215 En septembre 1888, le Conseil reçoit toutefois du Daotai une lettre indiquant que des mesures ont été prises pour assurer l'enlèvement des huttes et des vieux bateaux, ce qui n’empêche pas les mendiants de s’y tenir. En 1900, le révérend Darwent, dans son guide pour les voyageurs et les habitants de Shanghai, présente la route en ces termes : « A partir de cet endroit (après le pont Sainte Catherine) la traversée de la route est très agréable, la route se trouvant ombragée par des arbres, parmi lesquels les acacias sont les plus nombreux. La crique permet au photographe des études capitales sur les mendiants et les bateaux qui sont vraiment très nombreux ici. » 216

En 1888, après maints accidents survenus près d'un village bordant la route, au septième kilomètre à partir de la pagode de Ningbo, et suite aux écroulements de talus occasionnés par la force du courant, la route est élargie ; le service des travaux a construit un mur d'endiguement de la ‘crique’ dont le coût s'élève à 700 taëls et le Conseil exige de nouveau la participation financière du Daotai. Les habitants de la section entre Lokawei ‘Chongqing nan lu’ et Xujiahui cultivent des potagers qui détruisent les talus retenant la route en cas de forte averse. Durant l'année 1888, des canalisations sont mises en place afin d'assurer l'écoulement des eaux pour l’aménagement du village de Simen et des caniveaux y sont creusés et reliés à des drains qui se déversent dans le canal ; sur la place du marché on trace des trottoirs afin d'inciter les marchands à s'y installer pour ne pas entraver la circulation. Les travaux engagés en 1890, portant sur l’abattage d’arbres gênants et l'alignement des constructions en bordure de la route, requièrent l'intervention du Daotai auprès des propriétaires. En avril 1890, six drains sont construits pour empêcher les éboulements très fréquents sur la route depuis l’accroissement de la circulation suite à l'aménagement de la route de l'Arsenal qui mène notamment à la pagode de Ningbo ; les réparations pour l'année 1890 s'élèvent à 2.500 taëls ; malgré les nombreuses demandes du Conseil, le Daotai n’y participe pas, 217 renvoyant la responsabilité de ses choix au CAM, la route n'étant pas utilisée avant l'arrivée des Occidentaux ; pour ce qui est de son état actuel, ajoute-t-il, « les Chinois y circulent avec la plus grande commodité sans qu'il y ait urgence à la réparer » . Le Daotai reconnaît donc à la municipalité le droit d'entretenir la route de Xujiahui à ses frais, sans que le gouvernement chinois ait à participer financièrement. Un accord est signé le 10 janvier 1892 entre le consul général et le Daotai, aux termes duquel le Conseil peut exécuter sans intervention de l'autorité locale les travaux courants de réparation et d'entretien sous réserve de modification d'un pont, d'un cours d'eau ou d'un alignement, pour lesquels les autorités chinoises doivent être prévenues et s’entendre avec l'administration municipale sur l'utilité et la nature des travaux à exécuter ; 218 la liberté d’action de l'administration française s’en trouve accrue.

Notes
215.

ADN, Fonds Shanghai, Série B Rose, n°74, Rapport du bureau des travaux au président du CAM, le 4 septembre 1888.

216.

Rev. C. E. Darwent, Shanghai, a handbook for travelers and residents , Kelly and Walsh Limited, Shanghai, Hong Kong, Singapore, and Yokohama.

217.

ADN, Fonds Shanghai, Série B Rose, n°74, septembre 1890.

218.

ADN, Fonds Shanghai, Série B Rose, n°74, document du 28 juillet 1891 et du 10 Janvier 1892. AMS, U38 1 2762, Rapport du CAM.