Dans les concessions

A Shanghai, les médecins étrangers insistent sur le fait que la mauvaise qualité de l’eau est source de maladies et d’épidémies. Dès les premières années de la Concession française, l'insalubrité de l'eau a été relevée par le docteur Sabatier ; la pollution commence au niveau de l’approvisionnement (rivières, bassins, nappes) pour s’accentuer avec les défauts dans les infrastructures de distribution d'eau et il considère cette déficience comme la cause principale des affections du tube digestif, « ce qui n'a rien d'étonnant si l'on songe à la quantité énorme de détritus organiques dont elle était empoisonnée à cette époque. » 414

Le docteur Galle, médecin municipal, a souvent relevé la nécessité d'un réseau de distribution en eau potable en raison de l'insalubrité du Huangpu, seule source d’eau des habitants de Shanghai. Il préconise un système de drainage pour permettre à l'eau des lacs de Suzhou de parvenir jusqu'à Shanghai, ce projet ayant été ajourné jusque là, précise-t-il, en raison du coût élevé des travaux. 415

Henderson, médecin anglais, soumet également au SMC l’importance d'assurer un approvisionnement en eau potable. Il lance une campagne pour éveiller l'intérêt de la communauté étrangère qui, alertée, sera disposée à investir dans l'aménagement de canaux et de drains afin d’assurer la distribution d'une eau pure. Il y présente les dangers d'une eau non potable mélangée au lait, cause de maladies qui touchent plus particulièrement les enfants, ainsi que les dangers des odeurs et des effluves nauséabonds exhalés par l'eau. La filtration de l'eau est alors envisagée.

Parmi les sociétés qui se proposent de gérer les travaux pour l’adduction d’eau dans la Concession internationale, la ‘Shanghai Waterworks Company’ retient l’attention de la municipalité car son évaluation des coûts est la mieux disante. 416 Le SMC décide donc de lui octroyer le marché, le succès des négociations rendu d'autant plus facile que les membres de cette société bénéficient d’appuis à Shanghai et sont bien connus de la communauté étrangère. 417 Des négociations sont engagées parallèlement avec les responsables de la Concession française qui suivent la décision de l’administration voisine. Les travaux et la pose des conduites d'eau commencent en 1881 et des problèmes apparaissent dans la construction du château d’eau. De plus, l'installation de drains, d’égouts, et l'assainissement des mares provoquent des nuisances pour la population durant l'été 1882. Les médecins font état des risques de maladies qui peuvent se propager par les égouts en construction et les tuyaux en cours de pose. Les médecins Henderson et Pichon préconisent l'arrêt des travaux durant l'été en raison des risques d'épidémies. Le SMC décide de les suspendre pendant la saison chaude, alors que le Conseil municipal français, ignorant les recommandations des docteurs et les risques d'épidémies, décide la poursuite des travaux qui sont achevés le 20 octobre 1882. 418 L'année suivante, en avril 1883, est réalisée la pose de toutes les canalisations et des bouches d’eau qui sont prêtes à être utilisées dans les deux concessions. Le 29 juin 1883 est inauguré le système de distribution.

Notes
414.

Sabatier, thèse de Montpellier 1864 cité par le docteur Galle, ‘Shanghai au point de vue médical’, Paris, 1875.

415.

Paul-Edouard Galle, ‘Shanghai au point de vue médical’, Paris, 1875.

416.

Kerrie L. Macpherson, A Wilderness of Marshes : The Origins of Public Health in Shanghai, 1843-1893 , New-York, Oxford University Press, 1987

417.

Kerrie L. Macpherson, A Wilderness of Marshes : The Origins of Public Health in Shanghai, 1843-1893 , New-York, Oxford University Press, 1987

418.

AMS, Séance du CAM, Année 1882.