3.2. Les œuvres d’assistance publique de la municipalité française

Il est important pour la municipalité de financer ses propres institutions d’assistance publique pour marquer la société chinoise de son empreinte et de jouer un rôle dans le domaine de l’hygiène pour limiter la propagation de maladies contagieuses.

3.2.1. La Société française de bienfaisance

Dès le début du XXème siècle s’est fait sentir la nécessité de soutenir certains Français dans le besoin ; en 1910, les résidents français décident de créer une structure pour venir en aide aux personnes de nationalité française qui rencontrent des difficultés financières : c’est la Société française de bienfaisance, d’abord financée par les dons de Français, puis par le consulat français. L’objectif de l’association « est de secourir les Français nécessiteux de Shanghai et d’aider les résidents français qui, par suite de mauvaises affaires, de la perte de leur emploi ou de circonstances malheureuses quelconques se trouveraient dans la gêne ou dans un embarras momentané ; en second lieu, et suivant les ressources dont elle disposera, de fournir un subside aux Français de passage, qui se trouveraient en détresse à Shanghai et qui, après enquête, seraient reconnus dignes d’intérêt. » 651 Un changement s’opère avec la création de la COIP qui désormais finance en grande partie cette association ; en 1935, le consul français Marcel Baudez promulgue une ordonnance spécifiant la création d’un Comité de gestion de la Caisse de Bienfaisance du Consulat Général de France qui se réunit une fois par mois, composé du Consul, d’un membre de la COIP, d’un membre appartenant à la Chambre de Commerce française, et de deux membres nommés par le Consul. 652 Les subventions de la COIP permettent ainsi à des Français en difficulté de faire appel au Consulat.

La Société offre son soutien à des Français qui ne peuvent subvenir à leurs besoins, accorde des prêts, et décide de rapatrier certains résidents ; on compte 28 rapatriements en 1935, 15 en 1936, 16 en 1937 et 11 en 1938 où ils concernent, entre autres, un ancien propriétaire d’hôtel en faillite qui n’a pas retrouvé de travail à Shanghai, une femme divorcée et ses quatre enfants à la charge de la société durant six ans, la mère d’un sous-officier du Détachement déjà rapatrié en France et ne possèdant pas les fonds nécessaires pour payer le billet de retour à sa mère ; 653 en 1938, le nombre des assistés est d’une trentaine, vingt et un ‘anciens’ et dix ‘nouveaux’. L’aide doit s’adresser à des personnes qui traversent une période difficile en raison de la crise économique, d’un événement dramatique comme la mort d’un proche ou la perte d’un emploi suite à une maladie ; certains sont d’anciens agents de police qui ont perdu leur travail à la suite de fautes graves, d’autres ont été renvoyés de leur entreprise et ne parviennent pas à retrouver du travail sur place ; pour les femmes, il s’agit de personnes qui se retrouvent sans ressources à la suite du décès de leur mari ou de leur fils employé par la municipalité ou une entreprise étrangère, ou à la suite d’un divorce. Le comité décide des subventions à octroyer en fonction de la valeur morale des personnes, et refuse par exemple d’aider une personne qui, selon le rapport d’enquête, s’adonne à l’alcool. Le rapatriement en France est privilégié sur l’aide financière ; si certains Français provoquent des troubles et manquent d’argent pour vivre sur place, la Société de Bienfaisance les incite à partir et leur propose la prise en charge de leur billet de retour. Les dons de ses membres s’avérant insuffisants pour garantir le maintien de cette œuvre, le Consulat français fait assurer son financement par la COIP, déterminé qu’il est par la volonté de surveiller la communauté française de Shanghai et d’assurer sa cohésion et la moralité de ses membres ; dans le même temps, son existence permet d’écarter de la ville les résidents qui ternissent l’image de la communauté française par leur pauvreté et leur situation instable. Cependant, à la suite du conflit sino-japonais de 1937, les fonds octroyés par la Caisse des œuvres à la Société de Bienfaisance diminuent en raison de ses difficultés financières.

Aides de la COIP à la Société de Bienfaisance de Shanghai
1936 22.000 $
1937 16.200 $
1938 14.000 $
Notes
651.

ADN, Fonds Shanghai, Série A Noire, n°49, Statuts de la Société française de bienfaisance de 1910.

652.

ADN, Fonds Shanghai, Série A Noire, n°49, Ordonnance Consulaire de Marcel Baudez, Consul général de France à Shanghai, le 20 février 1935.

653.

Op.cit., Compte-rendu annuel pour 1938.

654.

ADN, Fonds Shanghai, Série A Noire, n°49, Société française de bienfaisance de Shanghai, Compte-rendu de gestion annuel.