3.2.2. Le Dispensaire municipal

Le Dispensaire municipal est ouvert au public le 20 janvier 1931 et enregistre un rapide succès auprès des populations chinoise et russe de la Concession française, ce qui se traduit par 11.451 consultations en 1931 et 65.623 en 1935. Les malades consultent le Dispensaire municipal essentiellement pour des affections et des lésions de la peau (69% des consultations en 1939) 655 , ulcères, gale, et également pour des affections des yeux ; toutes des maladies qui exigent un long traitement. Quelques mois après l’ouverture du Dispensaire municipal, le docteur Rabaute constate que de nombreux patients chinois et russes se présentent aussi pour demander des soins dentaires et reconnaît l’importance d’assurer ces soins qui « font partie des soins généraux à donner aux malades et nul n’ignore qu’une bouche en trop mauvais état, en plus des souffrances intolérables qu’elle inflige à un individu, est souvent responsable de pas mal de désordres organiques constatés chez lui. » 656 En conséquence, est créé au sein du dispensaire un cabinet dentaire qui fonctionne trois jours par semaine ; y sont prodigués non des soins de confort mais de première nécessité, comme le traitement d’abcès, de gingivites, de caries, etc, pour lesquels le médecin dentiste reçoit une rémunération de 150 dollars par mois. Une autre spécialité est assurée par le dispensaire, l’ophtalmologie qui constitue une part importante des consultations. 657

Selon les rapports du dispensaire, les patients chinois qui viennent consulter appartiennent aux couches sociales les plus pauvres : coolies, tireurs de pousse, apprentis, petits commerçants et ils sont en bien plus grand nombre que les étrangers. 658 Les consultations et soins étant gratuits jusqu’en 1936, leur nombre ne cesse d’augmenter mais un changement s’opère en 1937 lorsqu’il est décidé que les patients paieraient 5 centimes pour amortir les frais de fonctionnement : cette contribution, même très faible, entraîne immédiatement une baisse considérable du nombre de patients chinois.

Dispensaire municipal, nombre de consultations et prix en dollars
Dispensaire municipal, nombre de consultations et prix en dollars

Le docteur Rabaute avait mis en garde la municipalité contre une telle décision qui altérerait l’influence positive du dispensaire sur la population chinoise : « Cinq centimes représentent pour un coolie un repas. Or, je l’ai dit plus haut, la majeure partie de nos consultants sont des coolies, gens porteurs d’affections qui, vu leur genre de vie privé de toute hygiène et leur milieu, mettent du temps à guérir et nécessitent d’assez nombreuses visites au Dispensaire municipal. (…) Il s’en va ailleurs où il paye peut-être quelque chose, dans des Dispensaires chinois où il n’est pas mieux, bien sûr, mais où il est dans son milieu, et ce faisant s’il travaille contre lui, il proteste contre notre mesure. » 659 Les inconvénients de cette mesure sont ainsi supérieurs aux avantages ; entre autres, le personnel est rémunéré pour un travail moindre, or selon le médecin, « le personnel ne demande qu’à travailler et regrette comme nous de voir son activité réduite ce qui lui paraît être une sanction imméritée et inexplicable » 660 et les recettes provenant du tarif de 5 centimes instauré pour les consultations, restent faibles. Le docteur Rabaute met en avant les bienfaits de l’assistance auprès des indigents chinois, car elle permet de créer des liens avec la population locale ; dans ce but il évoque l’intérêt de rétablir la gratuité des soins ou d’instaurer un tarif de 20 centimes pour les patients d’un niveau social plus élevé ; sa demande n’est pas prise en compte, ce qui révèle les incohérences de la municipalité oscillant constamment entre l’engagement dans des projets de santé et d’assistance publique et des craintes injustifiées ou querelles de personnes provoquant un retour en arrière.

Notes
655.

AMS, U38 1 131-1 (2) et U38 5 1274 Rapport du Dispensaire municipal, nombre de consultations entre 1931 et 1939 et nature de la maladie soignée.

656.

AMS, U38 5 1677, Lettre du docteur Rabaute au président de la COIP et au Consul général de France à Shanghai, le 19 novembre 1931.

657.

AMS, U38 5 1682, Visite au Dispensaire municipale de 1936 à 1941.

658.

AMS, U38 1 500-1, Rapport sur le Dispensaire municipal du docteur Rabaute au directeur général des services municipaux, le 12 juillet 1937.

659.

AMS, U38 1 500-1, Rapport sur le Dispensaire municipal du docteur Rabaute au directeur général des services municipaux, le 12 juillet 1937.

660.

Op.cit.