3.3.3. L’hôpital chinois Saint Joseph

En 1913 est construit l’hôpital Saint Joseph par l’homme d’affaires Lu Baihong qui, en dehors de ses activités économiques, se consacre à l’action philanthropique que lui inspire sa foi chrétienne. Il demande à Mgr Paris, fondateur de l’hôpital Sainte Marie, de faire venir de France des Sœurs de la Charité pour encadrer l’hôpital ; au départ, les Mères Supérieures françaises refusent, mais elles reviennent sur leur décision par crainte que l’hôpital ne soit confié à des congrégations protestantes. Le 19 mars 1913, l’hôpital Saint Joseph ouvre ses portes et six mois plus tard, le 15 septembre, les Filles de la Charité le prennent en charge. L’hôpital se développe rapidement et accueille jusqu’à mille cinq cents hospitalisés chinois de toutes catégories, malades, pauvres, aveugles, incurables, malades mentaux, prisonniers malades, enfants abandonnés. En 1916, Lu Baihong fonde également trois dispensaires dans les environs de Shanghai, dans lesquels se rendent chaque jour les Filles de la Charité pour soigner les malades et convertir les âmes.

Lu Baihong est élu le 30 mars 1913 président de l’Action Catholique créée à cette date par des notables chinois convertis au catholicisme ; l’objectif de cette association est de propager les idées chrétiennes en développant des œuvres éducatives et philanthropiques ; dans ce cadre, il fonde en 1914 une école primaire : l’école primaire de l’Action catholique. Lu Baihong finance ses actions philanthropiques grâce à la prospérité de ses affaires ; à partir de 1911, il gère la Compagnie d’électricité de Nandao et profite de l’extension de la ville chinoise et de l’exemple des étrangers pour fonder une compagnie de tramways. Les premières voitures de la compagnie sont lancées en août 1914 et Lu Baihong fusionne les deux compagnies pour créer la Compagnie électrique chinoise, au capital d’un million de dollars. Avec l’aide d’autres hommes d’affaires chinois, il organise, en 1913, une société de navigation au capital de 300.000 dollars en empruntant aux banques pour lancer l’affaire qui donne rapidement de bons résultats. Il possède également, avec des associés chinois, une fonderie de fer et d’acier qui prospère grâce à la guerre qui limite les importations d’Europe mais, dès 1919, la reprise de la concurrence internationale entraîne la chute des prix et la fermeture de l’usine. Lu Baihong se lance alors dans diverses affaires dont la gestion pour le compte d’un consortium privé de la ‘Zhabei Electric and Waterworks Company’, qui était jusque là une entreprise nationale.

En 1923, l’hôpital Saint Joseph s’agrandit et comprend de nouveaux édifices, dont une école qui donne une formation professionnelle à de jeunes garçons chinois ; un atelier est ouvert qui permet de délivrer un enseignement à cinq cents apprentis ; on envisage d’ouvrir un pavillon spécial pour accueillir des femmes prostituées afin de leur donner une formation. Le budget total se monte à 150.000 $, sur lesquels la municipalité française accepte de verser 2.000 $, ce qui est dérisoire et condamne le projet sauf à trouver des solutions moins onéreuses. Le fond du problème est que la municipalité n’envisage pas de mener des programmes sociaux spécifiques en faveur des prostituées.

L’hôpital Saint Joseph comprend un dispensaire qui reçoit les Chinois en consultation de jour ; de juin 1932 à juillet 1933, le dispensaire soigne cent quarante quatre mille et cent trente patients. 674 L’hôpital gère également une crèche et une section pour les enfants abandonnés ; en novembre 1933, on compte deux cent quatre vingt dix nouveau-nés et enfants. 675 Tous les indigents chinois peuvent y être hospitalisés sans restriction.

Hôpital Saint Joseph, subventions versées par la COIP
de 1923 à 1928 2.000 $
de 1929 à 1933 3.000 $
de 1934 à 1935 6.200 $
de 1936 à 1942 2.700 $

L’hôpital rend de grands services à la municipalité grâce à l’accueil des malades mentaux et des réfugiés internés dans les camps durant la guerre. La municipalité envoie dans cet hôpital les indigents chinois de la Concession française qui présentent des troubles psychiatriques, ceci jusqu’à la création du Mercy Hospital en 1935 qui voit le jour grâce à Lu Baihong et au financement des trois municipalités de Shanghai.

La COIP accorde également à l’hôpital des aides exceptionnelles comme celle de 1939 qui s’élève à 11.000 $. La municipalité verse pour sa part 2.250 $ en contrepartie de l’accueil des réfugiés chinois. En 1940, cette somme est de 2.953 $. Une ‘contribution du Consul Général de France’ de 5.000 $ apparaît également en 1941. 677

Profondément convaincu de la valeur des actes de charité chrétienne tels que d’abandonner sa richesse personnelle pour la donner aux pauvres et plein de respect devant l’exemple de Saint Vincent de Paul, Lu Baihong souhaite étendre l’influence du catholicisme à travers la société chinoise et, comme l’ont fait les missionnaires avant lui, en réaliser l’essence à travers l’action philanthropique qui est l’expression du divin ; l’image de l’homme d’affaires utilisant son pouvoir en faveur des plus démunis est conforme à son désir. Si, selon les responsables français, son engagement caritatif manque de professionnalisme, il est cependant un personnage clé de la municipalité française et apporte une aide essentielle aux services municipaux en en palliant les manques.

Notes
674.

AMS, U38 1 138, Comité d’hygiène, Budget d’assistance du 5 décembre 1933, Rapport remis au comité par l’hospice Saint Joseph en novembre 1933.

675.

Op.cit.

676.

AMS, U38 1 138, Rapport municipal sur l’hôpital Saint Joseph, Compte-rendu de gestion de l’hôpital, Comité de l’assistance publique de la municipalité française de 1923 à 1942.

677.

AMS, U38 1 138, Compte rendu de gestion de l’hôpital Saint Joseph de 1936 à 1942.