Le Pavillon Saint Vincent 

Un nouveau bâtiment de quatre étages est inauguré le 5 janvier 1935 par Meyrier, Consul général de France. Les articles du Journal de Shanghai et du NCDN soulignent la fonction de ce nouveau pavillon destiné à : « l’hospitalisation des indigents chinois » ; ils se font les porte-parole du message que les autorités françaises souhaitent mettre en valeur auprès de la population chinoise et des autorités, à savoir que la médecine française et ses avancées technologiques sont mises au service de la population chinoise. L’inauguration du Pavllon Saint-Vincent est la projection de la culture et de la mission civilisatrice française. Le maire de la municipalité du Grand Shanghai y est convié et prononce un discours de remerciement pour l’œuvre médicale française à l’égard de la population chinoise. Les missionnaires et les religieuses françaises de Shanghai assistent à cette célébration pendant laquelle le R.P. Verdier loue la contribution de l’administration et de la COIP à la construction de l’hôpital ; les directeurs de l’administration française, tel Fauraz directeur administratif de la municipalité, participent à cet événement qui marque une étape importante dans le développement de l’œuvre française à Shanghai. Tous les entrepreneurs et représentants du monde éducatif, culturel et médical français et chinois sont réunis lors de cette manifestation, comme Chevretton, directeur de la Banque franco-chinoise, Courthial, directeur de la CFTE, le R.P. Germain et le Dr. Hu Wenyao, Recteurs de l’Aurore, le docteur Yen, directeur de l’hôpital de la Croix-Rouge. 778

Pavillon Saint Vincent
Pavillon Saint Vincent

Le discours du consul Meyrier fait l’éloge du travail accompli par les Sœurs de la Charité et par la mission du Jiangnan, et valorise la médecine française à Shanghai ; il précise qu’à l’hôpital « les résidents chinois de la Concession qui sont dans le besoin trouveront désormais tous les soins qui leur sont nécessaires. » 779 Ce bâtiment a vu le jour grâce à la collaboration de l’administration et des responsables religieux de l’hôpital Sainte Marie. La construction (345.000$) a été financée dans sa totalité par la COIP, « toujours soucieuse de tout ce qui concerne le bien des résidents » 780  ; en contrepartie, l’équipement du pavillon a été assuré par la mission. La COIP a accepté de financer l’hôpital par le versement de diverses subventions et la construction de nouveaux bâtiments, à la condition que la mission s’engage à conserver à l’hôpital son « caractère d’établissement hospitalier français. » 781 Le consul et les responsables administratifs de la concession souhaitent en effet valoriser la présence et l’action française à Shanghai.

Le bâtiment, qui compte trois cents lits, est réservé aux patients hommes : le rez-de-chaussée comprend le service pharmaceutique et le service ophtalmologique. Le docteur Calame 782 est l’initiateur du dispensaire et de la clinique d’ophtalmologie de l’hôpital Sainte Marie ainsi que d’une chaire d’ophtalmologie et de laryngologie à la faculté de médecine qu’il occupe jusqu’en 1937. 783 Au premier et au deuxième étage sont installés les services de chirurgie, avec les salles d’opérations dotées d’un petit équipement ; au troisième étage se trouve le service de médecine générale, avec un laboratoire de bactériologie et d’analyses chimiques courantes, ainsi qu’une petite salle pour l’isolement des malades atteints de tuberculose. Le quatrième étage, en cours d’achèvement, comptera cent lits supplémentaires. 784 Près du bâtiment se trouve un autre pavillon nouvellement construit qui porte le nom de Saint François-Xavier : au rez-de-chaussée, le personnel reçoit les accidentés et les urgences ; au premier étage se trouve une salle de réunion pour le conseil d’administration, au deuxième étage une clinique dentaire, et au troisième étage cinq logements sont aménagés pour les médecins de garde. 785 Depuis octobre 1933, des élèves chinois peuvent suivre une formation au sein de l’Institut Dentaire créé à l’université l’Aurore et obtenir le diplôme de dentiste ; aussi la clinique dentaire leur offre-t-elle de nouvelles opportunités d’étude et de travail. L’extension du pavillon Saint Vincent est déjà projetée avec une aile destinée aux femmes ouverte cinq ans plus tard, en octobre 1940 : c’est le pavillon Sainte Louise, réservé aux femmes, est ouvert ; il permet d’hospitaliser deux cents patientes indigentes chinoises. 786

Durant les premières années, les soins dispensés aux marins et militaires présents à Shanghai sont assurés par les médecins qui accompagnent les troupes militaires et par les religieuses qui possèdent un diplôme d’infirmière comme Mère Montvert, diplômée de l’hôpital de Bordeaux en 1904 et qui a travaillé à l’hôpital ‘Bambino Gesu’ à Rome. Quand, dans les années 20, l’hôpital dans la Concession française, des médecins français sont recrutés pour travailler à l’hôpital et enseigner à la faculté de médecine de l’Aurore et. Les diverses spécialités de la médecine sont représentées et l’achat d’équipements modernes en France se fait en application des dernières avancées technologiques. De plus, une école d’infirmière ouvre au sein de l’hôpital en 1933 ; l’école étant financée par la municipalité française, l’enseignement s’adresse à des « jeunes filles de toutes nationalités et religions ainsi qu’aux Filles de la Charité et religieuses hospitalières indigènes. » 787 La formation n’est plus effectuée par les Sœurs mais par les médecins-professeurs français et chinois de l’Aurore.

La tradition de charité chrétienne mise en œuvre par les Jésuites et les Sœurs de la Charité au sein de l’hôpital Sainte Marie est valorisée et reprise à son compte dans les années 30 par la municipalité qui espère ainsi susciter l’enthousiasme des Chinois à l’égard de l’administration française. Malgré cette assistance aux pauvres, il existe dans la réalité une discrimination raciale généralisée à l’égard des Chinois, des Indochinois et des Russes : ils ne sont pas considérés sur un pied d’égalité et reçoivent un traitement inférieur aux Européens.

Notes
778.

AMS, U38 1 132-2, U38 1 131-1, Articles de journaux sur l’inauguration du pavillon Saint Joseph, le China Press du 6 janvier 1935, du NCDN, du 5 janvier 1935, discours du Consul général de France, M.Meyrier du 6 janvier 1935 rapporté par le Journal de Shanghai.

779.

AMS, U38 1 131-1, Article du Journal de Shanghai du 6 janvier 1935 sur l’inauguration du pavillon Saint Vincent, discours du Consul général de France, Meyrier.

780.

AMS, U38 1 161, Rapport du Comité de la COIP sur l’hôpital Saint Vincent, novembre 1934.

781.

AMS, U38 1 161, Rapport du Comité de la COIP sur l’hôpital Saint Vincent, novembre 1934.

782.

Le docteur Calame a terminé ses études de médecine à la Faculté de Lausanne et après avoir été interne dans différents services devient chef de la clinique ophtalmologique de l’hôpital de Lausanne et pratique la chirurgie générale pendant douze ans. En 1929, arrivé à Shanghai par curiosité scientifique et pour se former en médecine tropicale, il rencontre le R.P. Lefebvre, doyen de la Faculté de l’Aurore, qui lui propose de fonder une clinique et un dispensaire en ophtalmologie. Ce médecin, sur la demande de la municipalité, soigne également, sans que ses honoraires soient pris en charge par cette dernière, les indigents russes pour des soins ophtalmologiques ; à partir de 1935, ils se rendent au sein de la clinique ophtalmologique dont les plans ont été dressés par le docteur Motais, directeur de la clinique ophtalmologique de Cochinchine. Le matériel, nécessaire à la création d’une clinique spécialisée, a été acheté en France par un médecin chinois, M. Lou, diplômé de l’Aurore et élève du docteur Motais. En 1937, le docteur Calame accepte le poste proposé par le comité de la Croix-Rouge Internationale pour occuper la direction de la section basée en Chine ; sa nouvelle tâche consiste à organiser les secours aux blessés et aux réfugiés chinois victimes de la guerre sino-japonaise dans les régions de l’intérieur.

783.

ADN, Fonds Shanghai, Série A Noire, n°91, Article du Journal de Shanghai le 23 nov. 1937.

784.

AMS, U38 1 131-1 (2), Rapport du 29 janvier 1936 du docteur Rabaute sur l’assistance médicale de la Concession française.

785.

AMS, U38 1 132-2, U38 1 131-1, Articles de journaux sur l’inauguration du pavillon Saint Joseph, le China Press du 6 janvier 1935, du NCDN, du 5 janvier 1935, discours du Consul général de France, M.Meyrier du 6 janvier 1935 rapporté par le Journal de Shanghai.

786.

AMS, U38 5 1666-1, Séance du 4 octobre 1940 du Comité consultatif de l’hôpital Sainte Marie.

787.

ADN, Fonds Shanghai, Série A Noire, n°38, Présentation de l’Ecole d’infirmières, Hôpital Sainte Marie, avril 1935.