4.4.2. La création du Mercy Hospital

En Chine, le gouvernement impérial considère les familles comme responsables des personnes atteintes de troubles psychologiques et va jusqu’à fournir aux chefs de famille concernés des chaînes pour garder le membre souffrant afin qu’il ne trouble pas la sécurité publique. 844 Au début du XXème siècle, malgré l’émergence des nouvelles théories psychiatriques, l’enchaînement est répandu dans les asiles ; Lu Baihong, fervent catholique engagé dans diverses œuvres de charité, rapporte que dans ses hôpitaux les patients chinois souffrant de troubles psychologiques sont enchaînés à leur lit pour éviter qu’ils ne blessent d’autres malades ou errent dans l’hôpital. C’est pour changer ces méthodes considérées comme archaïques qu’il approche les municipalités étrangères et la municipalité chinoise du Grand Shanghai dans l’objectif d’obtenir leur soutien financier et il trouve un écho favorable à sa demande avec le problème des malades russes. Il fait appel à la Mère Mary Joseph des Maryknoll, qu’il avait rencontrée en octobre 1923 à Shanghai, pour que les Sœurs Maryknoll encadrent la section des femmes à l’hôpital.

Le Mercy Hospital (Puci liaoyang yuan) ouvre ses portes le 6 juillet 1935 dans un village situé à environ quatorze kilomètres de Shanghai ; il comprend huit pavillons, quatre réservés aux femmes, quatre aux hommes ; le premier et le deuxième reçoivent les malades payants qui peuvent couvrir les frais d’une chambre individuelle, le troisième pavillon accueille les malades ‘gratuits’, et le quatrième pavillon comprend les cellules réservées aux malades violents. Il est administré par un personnel étranger qui supervise des employés chinois, tous sous les ordres de Lu Baihong : 845 l’équipe comprend cinq infirmières et un laborantin ; une des Sœurs, qui possède une formation en psychiatrie et de l’expérience auprès des malades mentaux, est désignée pour diriger l’équipe des Sœurs, les infirmières et les aides soignantes chinoises ; parallèlement, six Frères de la Charité de Trèves ayant reçu une formation en psychiatrie arrivent d’Allemagne. Le directeur médical est le docteur Fanny G. Halpern, psychiatre, qui a étudié avec le docteur Alfred Adler de l’université de Vienne ; arrivée en Chine en 1933 et engagée par le gouvernement chinois comme neurologue, elle a quitté l’hôpital pour organiser, en 1939, le ‘Therapeutic Institute for Nervous Diseases’ avec le soutien de la ‘World Red Swastika Society’, une association caritative bouddhiste, 846 les temples bouddhistes, à l’image des institutions catholiques, ayant également pour tradition d’accueillir les fous, jouant le rôle de refuge pour ceux qui ne peuvent s’insérer.

Notes
844.

Hugh L. Shapiro, ‘The View From a Chinese Asylum : Defining Madness in 1930s Peking’, pp 49- 53.

845.

AMS, U38 5 1281, Rapport de la municipalité française sur le Mercy Hospital.

846.

Hugh L. Shapiro, ‘The View From a Chinese Asylum : Defining Madness in 1930s Peking’, p 55.