4.4.5. Les malades soignés à l’hôpital pendant la guerre

Certains rapports comptables concernant le Mercy Hospital font état du nombre de malades admis, du nombre de malades ayant quitté l’hôpital et du nombre de décès, Ce qui permet d’avoir une bonne idée du mouvement de malades, pour moitié envoyés par les municipalités étrangères, au cours des années 1937 à 1941. En ce qui concerne les malades quittant l’hôpital beaucoup sont, de l’aveu même des rapports, seulement ‘à moitié guéris’ voire ‘non guéris’ ; très peu sont déclarés guéris, quand ils ne sont pas décédés ; une bonne moitié des malades sont des particuliers ‘gratuits’ ou ‘petits-payants’, non envoyés par les municipalités étrangères, ce qui pose la question du financement de leur séjour.

D'avril 1940 à novembre 1942, les malades de l'hôpital sont répertoriés comme appartenant à la municipalité française, au SMC, ou comme particuliers ; la municipalité du Grand Shanghai n’apparaît dans les rapports qu’à partir de novembre 1942 ; à partir du 1er août 1943, les malades de la partie chinoise sont désignés comme venant du 1er et du 8ème district (nom donné aux anciens territoires de la Concession internationale et de la Concession française). ⁸⁷⁷ Les trente malades envoyés par la municipalité française sont décomptés soit comme russes soit comme chinois, répartis dans une proportion fixe de cinq Russes pour vingt-cinq Chinois soignés gratuitement au Mercy Hospital. Parmi les "particuliers", les malades sont soignés gratuitement ou à petit prix (petits payants) jusqu'en octobre 1942, période au-delà de laquelle il n’est plus fait mention de cette catégorie ; par ailleurs, les rapports cessent d’être rédigés en langue française et le sont en anglais. Ainsi, les malades soignés gratuitement ou à petits prix, qui représentent la moitié des malades soignés en 1940, diminuent régulièrement à partir de 1942, ce qui coïncide avec la décision du Père Verdier de ne plus les recevoir.

De 1937 à 1942, le nombre de malades qui entrent au Mercy Hospital est toujours supérieur au nombre de malades sortants et aux décès, en particulier de 1937 à 1938 après l'invasion japonaise ; le séjour moyen des malades hospitalisés peut donc être estimé à une durée supérieure à deux ans.

En raison des difficultés financières aggravées par la guerre et la formation d’un gouvernement chinois de collaboration, le conflit sino-japonais a mis un terme aux engagements pris par la municipalité chinoise qui délaisse les questions de santé publique ; son aide n’est que ponctuelle et le fonctionnement de l’hôpital repose entièrement sur le financement des deux municipalités étrangères. Jusqu’au premier octobre 1942, les patients sont désignés comme des ‘particuliers’ ou ‘venant des municipalités étrangères’ ; après octobre 1942, la municipalité chinoise de collaboration envoie des patients chinois répertoriés comme venant du ‘Shanghai Special Municipal Government’ S.S.M.G ; en août et septembre 1943, après la rétrocession des Concessions, les malades sont répertoriés comme en provenance des ‘1st’ et ‘8th districts’ gérés par les cours de justice chinoise.

La coopération entre les municipalités étrangères et la municipalité chinoise s’est avérée difficile, cette dernière n’ayant pas les moyens de financer l’hôpital et les municipalités étrangères se montrant réticentes à prendre en charge les malades qui viennent de la ville chinoise. Chacun paie sa part, et seulement sa part, chaque administration présentant des méthodes, des priorités, des régimes municipaux différents, avec également des moyens matériels variables, ce qui rend impossible une politique commune.

Les premiers touchés par cette situation ont été les patients et le personnel : les malades mentaux ne pouvant bénéficier d’un traitement psychiatrique pour soulager leurs souffrances morales et physiques et le personnel devant, pour sa part, travailler dans un environnement inadapté avec des moyens financiers limités.