5.1. L’évolution du service médical français 

Dans les premiers temps de la Concession, la médecine est assurée par des médecins de l’Infanterie de Marine mais, en 1890, est créé un Corps de Santé des Colonies et des Protectorats, constitué à 95% de militaires, décision qui provoque critiques et revendications des trois ministères, Marine, sous-secrétariat aux Colonies (devenu ministère en 1894) et Guerre, qui emporte finalement sa direction ; en raison du manque d’effectifs militaires, la Marine continue toutefois de compléter les rangs du Corps de Santé ; les Troupes coloniales, armée autonome rattachée au ministère de la Guerre, sont constituées par la loi de 1900. Les médecins qui envisagent une carrière outre-mer doivent effectuer leurs trois dernières années d’étude à l’École principale du Service de santé de la marine à Bordeaux. En 1902 est envisagée la création d’une école d’application du Service de santé des Troupes coloniales, spécialisée dans la médecine tropicale, que Bordeaux et Marseille veulent accueillir. En 1905 ouvre ses portes à Marseille l’Ecole du Pharo chargée de former les médecins à cette spécialité, d’où une confusion entre le statut civil et militaire des Troupes coloniales et des difficultés pour définir un cadre d’ensemble et une sécurité de carrière. 885

A Shanghai, les médecins qui travaillent pour les troupes stationnées ou au Service de santé de la municipalité française sont d’abord issus du corps de la Marine, puis des Troupes coloniales. Les médecins coloniaux, formés dans les écoles de Bordeaux et de Marseille, sont placés en mission hors cadre par le ministère de la Guerre pour travailler auprès de la municipalité ou au sein de l’université l’Aurore.

Le médecin en charge du service médical a pour fonction de soigner le personnel rattaché au consulat et les résidents français, d’assurer la propagation auprès des Chinois de l’influence française par l’action médicale, et il peut compléter sa tâche officielle par une clientèle privée. Dans la réalité, il s’occupe principalement des employés de la municipalité française et des résidents étrangers ; jusque dans les années 30, les rapports du médecin municipal mettent l’accent sur la population étrangère de Shanghai, révélant le regard partiel du service médical français sur l’évolution sanitaire de la Concession française.

Outre les médecins de la Marine ou des Troupes coloniales, des médecins civils occupent parfois la fonction de médecin municipal à qui il revient de mettre en oeuvre la politique de prophylaxie et d'hygiène publique de la municipalité française, contrairement au SMC qui, dès les années 1880, crée un service d'hygiène publique indépendant, avec un laboratoire pour lequel on recrute un médecin en Angleterre. Le médecin français ne peut à lui seul assurer des fonctions aussi vastes ; en 1905 est créé, en plus du service médical, le service sanitaire-vétérinaire auquel est attaché un laboratoire qui permet de ne plus dépendre de celui fondé par le SMC. Un vétérinaire recruté en France se charge du contrôle alimentaire et de la gestion des abattoirs, les autres questions d’hygiène publique, telles la propreté des rues, l’évacuation des ordures ménagères, l’assainissement des quartiers, restant sous la responsabilité du médecin municipal. En 1911, après l’émoi causé par les premiers cas de peste bubonique, la municipalité décide de séparer nettement le domaine des soins médicaux de celui de l’hygiène publique et des abattoirs, les deux premiers étant chacun confiés à un médecin. A cette date il existe ainsi le Service Médical, dirigé par le docteur Fresson, le Service Sanitaire géré par le docteur Ricou, et le Service des Abattoirs d’abord contrôlé par le docteur G. Patrigeon, vétérinaire, puis, à sa mort en février 1910, par le service sanitaire. L’accroissement du personnel municipal dans les années 20, la féminisation de la communauté étrangère et l’essor économique de la ville amènent la municipalité à développer, dans un premier temps, le service médical puis, face à l’augmentation de la population chinoise, le service sanitaire.

Notes
885.

Laurence Monnais-Rousselot, Médecine et Colonisation, L’aventure Indochinoise, 1860-1939 , Paris, CNRS Editions, 1999, pp 228-237.