5.1.2. Un service médical en suspens

La guerre laisse la Concession française sans médecins français et en 1916, afin de provoquer du gouvernement français le détachement de deux médecins, le consul suppléant précise que l’Allemagne a maintenu en poste à Shanghai plusieurs médecins : « En raison des douze docteurs que l’Allemagne conserve soigneusement ici, j’ose espérer que le ministère de la Guerre acceptera de donner à l’École de médecine et à la municipalité française, les deux médecins qui lui sont nécessaires. » 925

Après la mobilisation des médecins. Fresson et Ricou, le poste de médecin municipal est assuré par le docteur Krakowsky, un médecin anglais qui montre peu d’assiduité à son poste, jusqu’à être accusé de laxisme les agents tonkinois dont deux collègues sont décédés du paludisme. 926 En juillet 1916, invoquant le fait que le docteur Krakowsky ne parle pas français et pointant la position délicate de la municipalité française une nouvelle fois dépendante du SMC, le consul suppléant demande au ministère des Affaires étrangères le retour du docteur Ricou mobilisé en France. Malgré l’accord du ministère, le consul reste sans médecin et demande au docteur Gaubil, médecin au sein du Corps Expéditionnaire Français, de remplacer le médecin anglais jusqu’à l’arrivée du docteur Ricou ou du docteur Sibiril, médecin major de deuxième classe qui doit être mis en activité hors cadre par la marine pour occuper le poste de professeur à la faculté de médecine de l’Aurore. 927 Cependant, le médecin Gaubil est rappelé d’urgence par le colonel Merienne-Lucas pour remplacer le médecin-major à l’Arsenal de Tianjin et gérer la surveillance médicale de mille sept cents coolies envoyés en France par bateau. Le consul, inquiet de ce départ, doit renouveler ses démarches auprès du ministère des Affaires étrangères. Le 26 juillet 1916, le docteur Sibiril arrive enfin, pour le plus grand bonheur du consul, et le colonel Merienne-Lucas précise qu’il assurera les cours à la faculté de médecine et le service médical de la municipalité. 928 Mais, malgré les promesses du colonel Merienne-Lucas, le médecin n’a pas été mis en activité hors cadre, ce qui le met dans une position délicate pour le maintien de ses droits en fin de carrière, ses années d’exercice à Shanghai n’étant pas comptées ; en outre, le consul constate rapidement que le docteur Sibiril ne peut gérer ces deux fonctions à la fois. 929 Quelques jours plus tard, le ministère des Affaires étrangères fait savoir au consul suppléant qu’il s’est entendu avec le ministère de la Guerre pour régulariser la situation du docteur Sibiril et, que, de surcroît, le docteur Ricou sera bientôt démobilisé. 930 En 1921, le docteur Sibiril est nommé médecin major 1ère classe des Troupes coloniales hors cadres par le colonel Pasquier, commandant le Corps français d’occupation de Chine et chargé du détachement CFO de Shanghai parallèlement à ses cours à la faculté de médecine. 931

Malgré la centaine d’employés français (sans compter leurs familles) que compte encore la municipalité, deux cent cinquante agents tonkinois et leurs familles, et trois cents agents chinois à soigner, le service médical a fait défaut pendant la guerre et le service sanitaire a été laissé en suspens. A la fin de la guerre, les services sont réorganisés sous l’égide du docteur Fresson avec l’aide du docteur Ricou.

Notes
925.

ADN, Série B Rose, n°72, Lettre du Consul suppléant à M.Conty, le 19 juillet 1916.

926.

ADN, Série B Rose, n°72, Lettre du Consul suppléant à M.Conty, le 29 juillet 1916.

927.

ADN, Série B Rose, n°72, Lettre du Colonel Merienne-Lucas au Consul suppléant le 26 juillet 1916. De nombreux médecins français, qui exercent à Shanghai, sortent de l’Ecole principale du Service de la Santé de la Marine, fondée en 1890 à Bordeaux. Le Corps de Santé des Troupes coloniales, auquel sont rattachés ces médecins, est fondé le 7 juillet 1900 et est rattaché au ministère de la Guerre. Les médecins, issus de ce corps de santé, sollicitent auprès du ministère de la Guerre leur mise en activité hors-cadre pour travailler à Shanghai. En 1905 est, en outre, établie à Marseille l’Ecole d’Application du Service de santé des Troupes coloniales, spécialisée dans la médecine tropicale.

928.

ADN, Série B Rose, n°72, Lettre du colonel Merienne-Lucas au Consul suppléant, le 7 juillet 1916.

929.

ADN, Série B Rose, n°72, Lettre du Consul suppléant à M.Conty, le 29 juillet 1916.

930.

ADN, Série B Rose, n°72, Lettre de M.Conty au Consul suppléant, le 1 er août 1916.

931.

ADN, Lettre du Colonel Pasquier au Consul général de France à Shanghai, le 12 octobre 1921.