5.3.2. Une initiative des Jésuites

Au début du XXème siècle, s’est engagée une réflexion sur l’enjeu, pour la France, de mener des projets éducatifs en Chine, œuvre conduite par les Jésuites dans la seconde moitié du XIXème siècle ; au départ, leurs actions, ouverture d’hôpitaux et d’asiles pour déshérités, s’adressent essentiellement aux pauvres mais ils souhaitent, par la voie de l’éducation, toucher les hautes classes de la société et, comme l’ explique le Père Lebreton, grâce à la création d’une université, les étudiants chinois « connaîtraient mieux les missionnaires. Parmi ces jeunes gens, ils s’en trouveraient qui auraient le courage de braver les obstacles et de se faire franchement chrétiens, quel bien pour la cause de l’Église, surtout s’ils arrivent à fonder une famille chrétienne en maintenant leur rang social ; voilà donc l’Église entrant dans la meilleure société chinoise ; elle n’est plus une religion étrangère bonne pour les mendiants qui ont besoin de la protection ou des aumônes des Européens. » 1045

Les étudiants ne sont pas obligés de suivre une formation théologique ni de se convertir afin de ne pas éveiller de sentiment de xénophobie et d’élargir leur champ d’influence. Toutefois, le travail des Jésuites reste sous-tendu par le but de convertir la Chine au catholicisme, même si cela prend du temps ; les professeurs savent qu’il est difficile pour un jeune de défier ses parents et de renier ses coutumes, d’autant plus s’il vient de provinces avoisinantes, moins en contact avec le catholicisme. Le Père Lebreton, de l’université l’Aurore, souligne, dans un article de 1928, l’objectif du travail apostolique poursuivi : « pour que l’Église puisse s’établir en Chine il faut qu’il y ait des chrétiens de toutes les conditions sociales et qu’ils puissent s’y faire respecter afin d’exercer quelques influences autour d’eux. Offrir une école catholique à ceux qui sont en état de suivre des études supérieures était donc une nécessité si on ne voulait pas les condamner à s’en passer ou à aller les chercher ailleurs, dans des écoles protestantes » ; 1046 de fait, les étudiants chinois qui s’inscrivent à l’Aurore le font afin de recevoir un enseignement de qualité et d’origine occidentale, non par conviction religieuse. Les étudiants chinois profitent du dynamisme économique et culturel de la ville et valorisent l’enseignement occidental, mais restent réceptifs aux mobilisations politiques qui secouent Shanghai, quitte à renier leurs professeurs et leurs années d’études pour répondre aux appels à la révolte contre l’impérialisme. Un diplôme obtenu dans une université de langue anglaise apparaît cependant comme une meilleure garantie pour trouver un bon emploi, le nombre des entreprises anglo-saxonnes étant plus élevé et le commerce anglais dominant le monde des affaires shanghaien.

Notes
1045.

AMS, Q244 8, ‘Travail apostolique à l’Aurore’, Père Lebreton, 1928.

1046.

AMS, Q244 8, ‘Travail apostolique à l’Aurore’, Père Lebreton, 1928.