A. Les codes de la broderie

Pour Franz Boas, l’art procède de la technique et l’esthétique procède du rythme. Pour comprendre les arts nord-amérindiens, il est nécessaire de prendre en compte les processus de répétition qui donnent lieu à une certaine stabilité des formes. Ces répétitions et alternances, qui constituent le rythme d’une œuvre, sont élaborées à partir d’alphabets référentiels, constituant en quelque sorte le gisement, la base de donnée des motifs possibles.

Boas note ainsi :

‘« Lorsque les opérations techniques atteignent un certain niveau d’excellence, que la maîtrise des processus mis en œuvre est telle qu’elle aboutit à la production de formes types, on appelle art cet ensemble d’opérations. » ²³⁴ ’

La « virtuosité » pour Boas, c’est-à-dire cette maîtrise des procédés techniques, est intimement liée (et nous l’avons également montré dans la première partie de ce travail, sur l’apprentissage), à la maîtrise des gestes.

Il existe donc, dans la broderie, des produits de cette virtuosité que sont les couleurs, les figures et les matériaux. Ils ne sont pas agencés ou associés les uns aux autres de manière aléatoire, mais sont bien le fruit d’une composition, de choix délibérés de l’artiste, conduisant à produire des effets spécifiques sur le récepteur de cette œuvre d’art.

Claude Lévi-Strauss notait à ce sujet :

‘« Les broderies en piquants de porc-épic, de style géométrique et d’inspiration purement décorative en apparence, offrent une signification symbolique. Ce sont des messages, dont la brodeuse a longuement médité la forme et le contenu. » ²³⁵ ’

Afin de mettre en évidence ces codes, puis de tenter l’élaboration d’un véritable alphabet de la broderie, Boas a étudié ces rythmes en s’aidant d’un codage numérique ou littéral, permettant de distinguer les modalités de composition et les combinatoires d’éléments constitutifs d’un décor. Nous reviendrons un peu plus loin sur cette méthode, ses points forts, mais aussi ses limites.