B. Les fonctions des motifs

Les motifs brodés apparaissent également comme une sorte de langage, car ils ont en partie pour fonction de communiquer certaines informations à leurs « lecteurs ». Les « styles » ont en effet cette dimension, comme le soulignait L. Perrois, en tant qu’« ensembles de conventions formelles utilisées pour traduire visuellement des messages à caractère social, religieux ou philosophique à l’aide d’un langage symbolique. » 256

Comme nous avons pu le voir à travers l’exemple des mocassins de puberté ou des robes de guerre, affichant le nombre de coups portés et d’ennemis tués, les motifs apposés permettent de connaître les fonctions ou l’histoire de la personne qui les porte, à un moment précis de son existence personnelle. C’est un « langage » éminemment contextuel, évoluant selon les périodes et évènements de la vie des individus.

Cette importance des contextes est ainsi soulignée par Ruth Phillips, s’intéressant aux motifs spécifiques de la spirale et du « zig-zag » sur les costumes de la région des Grands Lacs canadiens 257 . Elle insiste ainsi sur le fait que ces motifs géométriques étaient plus symboliques que décoratifs, et qu’ils constituaient en quelque sorte le « vocabulaire commun » (« common vocabulary ») pour décrire les émanations et pouvoirs des esprits dans cette zone.

Cette idée de « lecture » des motifs est rendue plus ou moins évidente selon l’objet lui-même et ses fonctions. En effet, les historiens d’art et anthropologues s’accordent pour distinguer trois usages principaux, définissant des styles spécifiques, dans les Plaines :

-l’art militaire : généralement réalisé par et pour les hommes, à base de dessins ou peintures, essentiellement figuratifs, réalisés sur peaux ou vêtements. Ils ont pour but d’être véritablement « affichés », exposés aux yeux de tous, garanties de prestige et de reconnaissance des statuts sociaux. Les motifs se doivent d’être réalistes et détaillés pour permettre cette « lecture » immédiate. Ces peaux et vêtements constituent également aujourd’hui d’importantes archives historiques, à recouper avec les archives communes que constituent les « winter counts ».

-l’art « domestique » 258  : essentiellement réalisé par les femmes, sur les objets du quotidien et les vêtements portés par tous. Les motifs sont géométriques et abstraits, parfois purement décoratifs, parfois hautement symboliques, aux couleurs liées à l’individu et à ses capacités spécifiques. C’est un art de prestige pour les femmes et pour leurs époux, qui peut faire l’objet de commerce et d’enrichissement d’une famille. Nous verrons que ces fonctions peuvent aller encore bien plus loin dans le transfert de pouvoirs et énergies.

-l’art sacré : ce dernier type est pratiqué collectivement et individuellement, par les hommes et les femmes, selon les supports. Il est généralement une combinaison des deux autres styles, associant figuratif et conventionnel, souvent avec des ajouts de matériaux « naturels », issus du cercle sacré (os, cornes, plumes, cailloux, coquillages…). Des motifs particuliers peuvent être repérés, appelés « dessins de rêve » (nous reviendrons en détails sur ce type spécifique) : croix, éclairs, animaux spécifiques, carrés…

Le style sacré est généralement sans narration ou récit clair (à première vue, mais en reconstituant longuement les réseaux métaphoriques et mythiques qui le maillent, oui), directement interprétable. Il nécessite ce que j’appellerai une exégèse (j’en donnerai un exemple concret plus loin, au sujet de l’apumi). Contrairement à l’art militaire ou guerrier, il n’a pas de but directement ostentatoire, mais remplit des fonctions liturgiques. L’art sacré n’est pas forcément collectif, et peut renvoyer à des significations uniquement personnelles : nous avons vu que le rapport au divin et au sacré s’entretenait de manière très individuelle dans les Plaines, notamment à travers l’expérience visionnaire. Sa réalisation suit des procédures rituelles strictes, que nous avons déjà détaillées plus haut au sujet des sociétés de brodeuses et des bénédictions préalables au travail.

On comprend bien dans cette perspective à quel point le vêtement tient une place primordiale, dans la vie sociale comme dans la vie religieuse. Yvonne Verdier le notait d’ailleurs également dans le contexte français :

‘« De costume dérive le mot coutume ; des habits, le terme habitudes ; et les vêtements sont par excellence le moyen d’exprimer les convenances lors de tous les grands moments de la vie. […] Sans les « habits », pas de cérémonies, pas de fêtes. » 259

Dans les Plaines, le costume revêt une même fonction : il est médium de reconnaissance des familles, des statuts, des appartenances religieuses ou militaires (« guildes » ou « sociétés »), il marque aussi la spécificité du moment, de l’occasion : fête, évènement, cérémonie. Le rythme de leur fabrication est aussi le rythme de l’année, calendrier des « occasions » et évènements communautaires et personnels.

Le costume « dit » des choses sur celui qui le porte : son âge, sa classe, son rang, lui assigne aussi des manières spécifiques d’être, de se comporter et même de se mouvoir. Par exemple, Walker notait différentes manières de porter la plume ou d’autres insignes, indiquant les qualités du guerrier :

‘« None but warriors were permitted to embellish their bonnets with the white, black-tipped eagle quills. The manner of embellishing with these was conventional, governing the number of quills that could be attached, and only warriors of great renown were permitted to wear a bonnet so embellished and with a pendant embellished with such quills. Bonnets so embellished were called warbonnets. An eagle plume attached to a warbonnet signified that the wearer had lived a life of rectitude according to the ethics of the Sioux. The pendant of a warbonnet might be embellished with the hair from the tail of the horse for it is a symbol of desperate bravery, because the horse is an akicita –allié- of the destructive god.” 260 Annexes p. 369’

Le costume renseigne aussi sur son créateur et ses intentions : Yvonne Verdier, encore, remarque au sujet de la couture, que « coudre c’est de la responsabilité ». Responsabilité des siens, de leur confort, mais aussi de leur allure, de leur image projetée aux yeux des « autres » tout autant peut-être qu’à leurs propres yeux (nous discuterons du pouvoir d’auto-persuasion et de renforcement de la confiance en soi dans le fait d’arborer ses exploits à « fleur de peau »).

C’est ainsi que le rôle des artistes brodeurs est primordial, car ils assurent l’intermédiaire entre les pouvoirs délégués par les esprits et les hommes. Je dis ici artistes brodeurs, car il apparaît clairement que certains objets brodés en piquants étaient également, partiellement ou totalement, réalisés par des hommes. Les distinctions généralement admises entre style artistique masculin (figuratif) et style artistique féminin (géométrique) déclinent aussi des supports spécifiques dévolus à chaque sexe : peinture sur tipis et harnachements, « parflèches » (sacoches en peau brute, peintes), décoration d’outils de guerre ou de chasse, sculpture et décoration des pipes pour les hommes ; travail aux piquants, broderie en perles, vannerie, tannage des peaux, fabrication et ornement des vêtements pour les femmes. Ted Brasser souligne bien ces divisions sexuelles des tâches dans les sociétés des Plaines :

‘« As with most tribal peoples, there was a definite division of craftwork by sex. Women prepared skins and make clothing, tipi-covers, and rawhide containers. They carried out all quillwork and beadwork, silk embroidery and conventional geometric painting. Men, on the other hand, produced equipment for the hunt, war and ceremonial activities. They carved wooden bowls, horn spoons and stone pipes, they painted realistic and symbolic pictures on tipi covers, tipi-linings, robes and shields.” 261 Annexes p. 369’

Cependant, cette distinction n’a rien d’une frontière imperméable et définitive. Comme le soulignait Sheila durant nos entretiens, certains objets témoignent d’un double traitement : sculpture du fourneau d’une pipe par un artiste homme, tressage du décor en piquants du manche de la même pipe par une artiste féminine.

Mary Jane Schneider souligne ainsi les processus de coopération entre les sexes qui devaient avoir lieu par le passé, comme cela se produit aujourd’hui (je rappelle ici les exemples donnés plus haut au sujet de la famille New Holy) :

‘« The Euro-American idea that art is produced by a uniquely gifted individual, almost always male, and almost always after « suffering », has thoroughly biased the collection and presentation of information regarding the production of arts and crafts by Native Americans. We have failed to recognize that art objects may be made and decorated by one person for the use of another, or that several people working together may make an item.” 262 Annexes p. 370’

L’auteur souligne également que de nombreux artefacts ont été attribués à un sexe plutôt qu’à un autre, essentiellement sur l’exemple des stéréotypes européens de la répartition des tâches, et pas sur des observations directes au sein des cultures concernées. Ainsi l’affirmation de Ted Brasser au sujet de la sculpture des bols comme une activité masculine semble ne pas pouvoir être systématiquement vérifiée : cela est vrai dans certaines cultures amérindiennes seulement, pas dans toutes. En effet, chez les Pawnee, Blackfeet et Assiniboine, d’après les observations faites respectivement par Weltfish, Ewers et Lowie 263 par exemple, les femmes sculptaient des bols en bois et certaines étaient même spécialistes de cet art. Chez les Blackfeet, hommes et femmes utilisaient la peau brute pour réaliser des parflèches. Leur décoration pouvait alors se faire « à deux mains », d’un côté et de l’autre de l’objet 264 . Fletcher et La Flesche soulignent également ces phénomènes de coopération entre les sexes :

‘« Men outlined designs on their tent covers. These represented symbolically their visions and so were more than a mere decoration, as they implied an invocation in behalf of the household. In the putting on of the colours, a man’s wife or children might assist.” 265 Annexes p. 370’

En ce qui concerne les motifs eux-mêmes, nous avons vu que la règle générale répartit d’un côté le style figuratif/masculin et, de l’autre, le style géométrique/ féminin 266 . Cependant, il faut rappeler quelques exemples venant également nuancer cette assertion : nous avons donné plus haut l’exemple d’une coiffe masculine dite « queue de bison », aux motifs géométriques, qui avait été réalisée par un homme, Amil Blue Legs (famille New Holy), et Kroeber avait également relevé la collecte d’une paire de mocassins Gros Ventre, brodés en perles par une femme, aux motifs figuratifs, racontant les exploits d’un vieil homme 267 . Les frontières entre les sexes se révèlent donc moins imperméables qu’il n’y paraît, bien qu’on ne puisse nier de grandes spécialisations de chaque sexe selon les tribus envisagées.

Cette perméabilité et en tout cas interconnexion, lieu de passages et d’échanges entre les sexes apparaît plus clairement sous une autre dimension : celle des bénédictions et pouvoir transférés dans la broderie.

En effet, comme je l’ai déjà dit, les brodeuses assurent la protection tant physique que spirituelle de leur famille, par le biais des motifs apposés. Elles leur permettent également d’afficher leurs statuts, exploits, qualités, et cet affichage est absolument nécessaire à leur existence sociale.

Cet aspect social du costume et de sa réalisation est ainsi souligné par Wissler :

‘« In pre-reservation days a woman was judged by the number and quality of skins she had dressed, the baskets she had woven, or the pottery moulded; and her renown for such accomplishments might travel far. When by chance you met a woman who had distinguished herself, it was proper to address her in a manner to reveal your knowledge of her reputation, as: “Grandmother, we are happy to look upon one whose hands were always busy curing fine skins.”” 268 Annexes p. 370’

Les brodeuses sont donc au centre d’une circulation intense de sens et de pouvoirs : elles sont les ouvrières de l’interconnexion entre les êtres et les dimensions de leurs existences : pour cela, elles sont admirées et respectées.

Elles fabriquent ainsi les symboles héraldiques qui vont marquer l’appartenance de leur porteur à une groupe ou à une famille, elles créent aussi leurs « décorations », c’est-à-dire leurs insignes de gloire, outils de prestige et de reconnaissance de leur honorabilité. Le sens de leur pratique est double comme celui du terme décorer (du latin decorare) : « orner, parer » mais aussi « honorer, rehausser ». Cependant, comme le fait très justement remarquer Emmanuel Désveaux, en observant notamment le port des vêtements sur les peintures de Catlin ou Bodmer, c’est aussi et peut-être surtout à ses propres yeux que le porteur affirme sa valeur :

‘« La raison de cet art décoratif n’est donc pas sémantique, ou plus exactement dénotative. Si le guerrier éprouve le besoin de se revêtir de l’image de ses propres exploits passés lorsqu’il retourne au combat ou lorsqu’il préside quelque important rituel, c’est plus probablement parce que ceux-ci lui confèrent un surcroît de vaillance ou de prestance, que ceux-ci agissent comme un constituant majeur, ontologique, de sa personne. » 269

Et si la brodeuse aux piquants incarne la femme idéale, c’est parce qu’elle procure les « décors » nécessaires à ce bien-être et à cet accomplissement des êtres, sur tous les plans. Dans cette perspective, Alice Kehoe souligne la place primordiale des femmes comme intermédiaires entre les « pouvoirs », entre les esprits et les hommes :

‘« Myths also recount the role of women as critical intermediaries between men and Powers. The four most important blackfoot ceremonies were obtained through women. The Natoas (Sun Dance) medicine bundle is said to have originated in the contention of two bull elk over an elk woman.[…] Women as intermediaries between men and Power are recognized in the major blackfoot rituals. The contents of medicine bundles must be unwrapped by women, who then hand the holy objects to the men leading the prayers. Women have also the responsibility of the daily care of medicine bundles.” 270 Annexes p. 370’

Chez les Crows, les préparatifs de la Danse du Soleil faisaient également intervenir hommes et femmes dans la fabrication des objets rituels 271 .

Par les motifs qu’elles savent broder, les femmes manipulent un pouvoir, qu’elles offrent à leurs proches. Dorsey et Kroeber, que nous avons déjà cités plus haut, affirment ainsi :

‘« The addition of quillwork gave a robe or moccasins special powers linked to the symbolism of the shapes and colors incorporated into the design. Such items afforded their wearers supernatural protections and virtues.” 272 Annexes p. 370’

Walker note également:

‘“The uppers of moccasins for both men and women were usually painted, and, sometimes, the soles of those for unmarried women. The designs were mnemonic, usually as mascots, or they might be talismanic with magic potenties.” 273 Annexes p. 370’

Ces capacités spécifiques procurées par l’intermédiaire des motifs brodés sont essentiellement du domaine de la protection, du transfert de bénédictions ou d’aptitudes particulièrement utiles, au combat par exemple.

Ainsi les mères indiennes avaient pour habitude (et l’ont encore, en tous cas en Saskatchewan) de fabriquer des talismans pour protéger leurs enfants, notamment durant leur sommeil, ainsi que durant les premières années de leur vie.

Les Blackfeet avaient pour habitude de broder un motif de papillon sur des petits morceaux de cuir qu’elles attachaient ensuite aux cheveux des enfants pour les protéger des mauvais rêves. Nous reviendrons plus loin sur les multiples dimensions et significations associées au motif du papillon, entre autre guide et messager des rêves.

Les amulettes à cordons ombilicaux avaient également pour but de conférer les qualités de l’animal contenant à son contenu, symboliquement à la personne « propriétaire » de ce cordon. La tortue incarne fécondité et longévité, c’est pourquoi elle est souvent apposée sur des vêtements féminins ainsi que sur les berceaux, la libellule rapidité comme le lézard aux capacités de mue et de rapidité, souvent associés aux vêtements masculins et guerriers…

Nous avons vu plus haut les formes réalistes des amulettes et la forme conventionnelle du motif de la libellule, voici à présent certaines formes que peut prendre la « tortue » :

Figures extraites de la figure 153 p. 209, in L’art primitif, Franz Boas.

La figure de gauche est identifiée également comme « tortue » chez Lyford 274 , celle de droite chez Lowie. Voici d’ailleurs comment il décrit ces deux types de figurations possibles, entre réalisme des amulettes et abstraction des motifs brodés sur jambières ou robes :

‘« When women interpreted geometric figures, they naturally expressed interests of a different order. For instance, the Dakota believed that the turtle presided over female physiological functions; hence this reptile played a conspicuous role in feminine thought. Sometimes a woman might actually start with the idea of making a fairly lifelike representation of a turtle in shaping an amulet, and such efforts may be regarded as parallel to the men’s paintings of their war records. But more commonly she would use the most diverse figures-the U on a dress, diamonds with pronged appendices on leggings, an arrangement of triangles on a rawhide case- to symbolize the turtle or its breast.” 275 Annexes p. 371’

Voici ce motif de la tortue, apposé ici sur le rabat d’un porte-bébé récent (début 20ème siècle), réalisé par Mme Alex Wounded Horse (sioux) de la réserve de Wood Mountain en Saskatchewan :

« 
« Nagane », porte-bébé sioux, figure 10 p. 24, in Quillwork of the Plains, Julia Bebbington.

Le motif de tortue, en jaune et roses sur fond rouge, est ici encore différent, laissant apparaître dans une figuration semi-réaliste le corps à plat de l’animal, tête, corps rectangulaire avec figuration des écailles de la carapace, pattes aux quatre coins, et queue.

Sur les côtés de ce « cradleboard » -tikanagan (cree)- semblent également figurer des papillons, assurant doublement la protection de l’enfant.

Ces « charmes », appelés mahpiyatola, « little blue clouds » 276 , en lakota, font partie intégrante du « devoir » des femmes envers leurs familles et un des moyens privilégiés de le remplir est de connaître l’art du travail aux piquants.

L’une des formes les plus courantes adoptée par ces talismans demeure chez les Algonquins, et notamment les Cree, un cercle contenant un filet, à l’image d’une toile d’araignée.

Cath Oberholtzer, dans un article consacré à l’étude de ces « net baby charms », note le rôle primordial de ces amulettes : « Its stated function was to protect the baby by catching everything evil as a spider’s web catches and holds everything that comes in contact with it” 277 . Elles protègent les bébés du froid, des maladies, des mauvais esprits… Leur pouvoir relève de leur forme circulaire (à l’image de l’univers et des « pouvoirs du monde » comme nous l’avons déjà noté plus haut), associée aux propriétés du réseau, de la toile, connectant les êtres comme les dimensions symboliques et sacrées. En voici un dessin réalisé par l’auteur, à partir de l’objet original :

« Net cradle charm from Moose Factory, Ontario”, C. Oberholtzer, figure 1 p. 319.
« Net cradle charm from Moose Factory, Ontario”, C. Oberholtzer, figure 1 p. 319.

Cet objet concentre, comme le souligne Oberholtzer, toute la vision du monde dans cette région nord-américaine :

‘« By accepting such items as tangible indicators of belief and value, and hence, world view, an analysis of their embedded metaphorical structure and symbolic meaning extends their reference beyond the expressed function to provide a deeper and more comprehensive level of meaning. » 278 Annexes p. 371’

Nous reviendrons longuement sur cette vision interconnectée de l’univers et de ses dimensions dans la partie suivante. Oberholtzer souligne à quel point nœuds et lignes occupent une position critique, à la fois pratique et métaphorique comme symboles de provision et de protection. Ce filet qui retient les « mauvaises choses », est aussi celui qui permet de pêcher, chasser, piéger, c’est-à-dire de se nourrir.

La famille est également représentée comme une toile : « from great-grandparents to great-grandchildren we are only knots in a string. » 279 , disent les Cree. Dans cette perspective, celle qui sait tisser et entretenir cette toile, c’est-à-dire la femme, l’épouse, la mère, occupe une place cruciale en tant qu’ouvrière de cette interdépendance, chargée de la protection et de la survie des siens. Nous reviendrons encore plus longuement sur cette métaphore comme mode opératoire à travers l’étude du motif de la toile d’araignée.

Cependant, nous pouvons déjà noter ici un exemple du caractère effectif, actif, des protections délivrées à travers la broderie, par les femmes, en rappelant un mythe évoqué plus haut, mettant en scène une mère, un enfant et un « ogre », Owner-of-Bag 280  : l’enfant est sauvé car sa mère va broder de mille piquants des vêtements et objets, qui vont inexorablement attirer l’ogre, tels des philtres magiques, et le distraire de l’enfant, permettant à ce dernier de s’échapper avec sa mère. Son art aura sauvé et protégé sa progéniture.

Elles transmettent, par l’intermédiaire des motifs brodés, des pouvoirs aux porteurs de objets. Ruth Phillips souligne le caractère circulatoire de ces délivrances d’énergies 281 .

Emmanuel Désveaux, commentant ce même article de Phillips, relève également à quel point le rôle des femmes dans ce réseau apparaît primordial et puissant :

‘« Une telle interprétation de l’art géométrique a d’importantes répercussions du point de vue sociologique. Elle place en effet les femmes dans une position clé dans la mesure où ce sont elles qui décorent des objets qu’elles destinent à leur époux, à leurs frères, à leurs enfants (comme à elles-mêmes d’ailleurs). Elles sont donc à l’origine d’une création et d’une distribution d’énergie. Ainsi, nous aurions des femmes qui génèrent de pures essences abstraites qu’elles visualisent puis mettent en circulation à travers l’ensemble du corps social. » 282

En tant qu’intermédiaires entre les pouvoirs surnaturels et les hommes, les femmes et les brodeuses aux piquants en particulier acquièrent ainsi une certaine forme de pouvoir, politique et social, à travers la relative « dépendance » instaurée. En effet, si un homme désire mettre en scène sa vision, accéder à un statut spécifique, acquérir du prestige, il a besoin du travail aux piquants réalisé par un femme…

C’est Mary Jane Schneider qui souligne cette dynamique, rarement mise en évidence par les récits ethnographiques :

‘« Thus, when a man needed quillwork to put on some ritual regalia he was forced to go to a woman to get it, either to his wife or some other member of the quilling society. He would have to act in an appropriate manner in order to have his request fulfilled. In effect, this would enable women to control his behaviour in some way suitable to them. This would give women a form of covert political power which has not heretofore been acknowledged.” 283 Annexes p. 371’

Une histoire blackfoot raconte que Soleil lui-même tirait une partie de son pouvoir de jambières brodées de piquants de porc-épic. Ainsi, Vieil Homme Napi, héros facétieux de type « trickster », rencontre un jour Soleil. Il s’installe avec lui sous son tipi. Les deux compères viennent à manquer de viande, et décident de partir à la chasse. Lors des préparatifs, Soleil revêt de splendides jambières taillées dans de la peau souple, décorées de plumes et de piquants de porc-épic. Napi s’étonne d’un tel faste déployé pour aller chasser, et craint que Soleil n’abîme ses belles jambières et lui suggère de les garder pour les danses cérémonielles. Soleil lui répond qu’il n’y connaît rien, et que ces jambières sont une puissante médecine, ses « sortilèges de chasse ». Ainsi vêtu, il frappe du pied sur le sol et l’herbe prend feu : les cerfs bondissent hors des fourrés et il peut facilement les tuer.

Devant une telle médecine, Napi devient envieux et jaloux, il décide alors de se les procurer. Ils partent chasser ; comme décrit, Soleil tape du pied et le feu embrase la prairie, mettant à nu le gibier. Ils rentrent au tipi après une chasse fructueuse, cuisent leur viande et s’en repaissent. Soleil commence bientôt à somnoler près du feu, et enlève ses jambières. Napi attend qu’il s’endorme complètement pour lui dérober les jambières et s’enfuir rapidement le plus loin possible de Soleil. Il court ainsi longtemps, jusqu’à épuisement. Il s’endort alors, les jambières en guise d’oreiller. Mais lorsqu’il se réveille, il entend une voix : celle de Soleil, et réalise qu’il n’a pas quitté le tipi. « Que font mes jambières sous ta tête ? ». Napi ne comprend pas, s’interroge, il ignore que le tipi de Soleil comprend le monde tout entier. Un peu plus tard, Soleil s’endort encore, Napi recommence donc à s’enfuir avec les jambières, il court, court, mais se retrouve encore finalement dans le tipi de Soleil, qui contient en fait tout l’univers… Soleil constate encore que Napi a la tête sur ses jambières et décide de les lui offrir. Il sait que Napi ne peut s’empêcher de voler, que c’est dans sa nature. Napi prend alors congé de Soleil, tout heureux de posséder enfin les jambières.

Il rentre dans son village, fanfaronne, affirme être à présent meilleur chasseur que Soleil, et part immédiatement s’exercer. Il tape du pied, la prairie s’embrase, mais aucun gibier ne sort des fourrés, rapidement le feu commence à le lécher, lui roussit le dos, et les jambières elles-mêmes finissent par s’enflammer. Napi saute dans une rivière, meurtri. Les jambières tombent en poussière, Napi est puni de sa déloyauté envers Soleil. 284

Ces motifs si particuliers qui confèrent du pouvoir à Soleil comme ils peuvent protéger les rêves d’un enfant sont généralement, comme le souligne Ruth Phillips, des « dessins de rêve », « dream symbols » 285 . La notion de « dessin de rêve » exprime une expérience personnelle de l’artiste, liée à l’expérience visionnaire et à sa « matérialisation », que nous avions évoquée plus haut.

‘« Artistic expression in such a context must respond to two contradictory imperatives; visionary experience had to be given concrete visual form in order to retain the blessing of the guardian spirit, yet the vision had, at the same time, to be kept private lest its power be forfeited. Ambiguity of visual imagery was thus necessary and desirable. Ambiguous imagery, furthermore, could express the ability of the spirits to transform their appearance which was a basic aspect of Great Lakes Indian belief. Iconographic conventions were at the same time a means of expressing this belief in transformation, and of resolving the visual ambiguity which resulted from this belief into an image which recorded a specific experience.” (pp.418-419)Annexes p. 371’

Cette “ambiguïté” dont parle Ruth Phillips est aussi, me semble-t-il, un facteur explicatif des multiples dénominations possibles d’un même motif : pouvant correspondre aux multiples formes adoptables par l’esprit -ou le pouvoir- toujours en transformation.

Ces dessins de « rêve » sont également évoqués par Boas et par Lévi-Strauss.

Boas, considérant la place de l’artiste et de son inventivité dans le cadre d’une création dite « traditionnelle », situe les « dessins de rêve » comme initiateurs, germes de nouveauté. Cependant, il considère l’expression « dessins de rêve » comme une métaphore pour désigner ce qui serait décrit en Europe sous le terme d’inspiration et ne semble ainsi pas tenir compte du contexte spécifique amérindien, en tant que « cultures du rêve » pour reprendre l’expression de Georges Devereux.

Voici ce qu’il indique :

‘« Bien que l’artisan travaille sans modèle, son imagination n’est guère plus riche que celle d’un copiste, car il se contente d’utiliser les motifs qui lui sont familiers et de les agencer selon de schémas habituels.[…]la nouveauté consiste généralement à combiner différemment des éléments de motifs anciens. Néanmoins, les auteurs de ces nouveaux dessins sont convaincus d’avoir créé quelque chose de nouveau.[…]qui appellent ce genre de dessins des « dessins de rêve », parce que disent-ils, ils leur apparaissent en rêve. Cette façon d’expliquer l’origine d’une forme nouvelle se rencontre, à l’identique, sur tout le continent, puisqu’elle est attestée aussi bien dans les Grandes Plaines, qu’au nord des plateaux de l’Ouest, ou bien chez les Indiens Pueblos. Il ne fait pas de doute qu’on a ici à faire à un équivalent de la notion d’ «invention». L’expression (dessin de rêve) exprime une forte capacité de visualisation qui se manifeste lorsque l’individu, seul et au repos, peut laisser jouer librement son imagination. » 286

Cette explication proposée par Boas de l’expression « dessin de rêve » apparaît effectivement tronquée et, dans une certaine mesure, ethnocentrique. En effet, comme nous l’avons vu, les sociétés des Plaines sont de sociétés du « rêve », non pas en tant que métaphore (comme l’interprétation donnée par Boas l’entend), mais comme pratique concrète et réelle. Les motifs liés au sacré, lorsqu’ils sont utilisés (brodés ou peints) par un individu, le sont à la condition que cet individu ait reçu la permission des esprits de le faire, par l’intermédiaire d’un rêve (en sommeil ou éveillé). Le rêve en tant que vision véhiculant des messages des esprits n’est ainsi pas considéré par Boas dans son interprétation.

Cette forme d’art religieux est aujourd’hui une forme artistique reconnue des historiens d’art spécialistes de l’Amérique indienne, on parle de « dream art » ou « vision art », directement réalisé afin d’appliquer des recommandations reçues en rêve de la part des « êtres surnaturels » (supernatural beings), des esprits.Les rêves de la Femme Double évoqués plus haut font, par exemple, partie de ces expériences visionnaires exprimant la parole des esprits.

Il faut également évoquer certains motifs, qui ont eux-mêmes pour utilisation de faciliter la concentration de l’esprit quand on les fixe, permettant ainsi de « provoquer » une vision, ou tout du moins, un état plus réceptif afin d’en recevoir une.

Il ne s’agit donc pas, me semble-t-il, tant d’une « image » utilisée par les Amérindiens pour désigner le phénomène de l’inspiration, mais d’une véritable pratique culturelle du rêve, présente également dans le cadre de la création artistique.

Ce n’est pas un souffle, un élan de la pensée qui vous pousse à innover, mais un esprit qui vous délègue le droit de vous exprimer à travers tel ou tel motif, motif qui témoignera de votre lien privilégié avec cet esprit. Certains dessins de rêve étaient alors préservés du répertoire commun, pour demeurer uniquement dans le répertoire personnel de la brodeuse. C’est Clark Wissler qui situe cette question de propriété intellectuelle du « dessin de rêve » :

‘« Les motifs en piquants faits par chaque femme étaient considérés comme leur propriété personnelle et n’étaient pas copiés, pour les motifs dont on supposait une origine onirique dans l’inspiration des femmes, et pour lesquels elles pouvaient donc revendiquer une possession exclusive. » 287

Lévi-Strauss semble également légèrement sous-estimer l’expérience visionnaire, afin de la rapprocher du phénomène d’« inspiration », à l’image de Boas :

‘« Les broderies en piquants de porc-épic, de style géométrique et d’inspiration purement décorative en apparence, offrent une signification symbolique. Ce sont des messages, dont la brodeuse a longuement médité la forme et le contenu. Toujours philosophique, sa réflexion conduit parfois jusqu’à un état de grâce où l’artiste reçoit une révélation. » 288

Pourtant, son rôle est majeur, et pour la délivrance du « pouvoir » aux motifs, et pour la « vocation » de la brodeuse. L’art visionnaire, « visionary art », pour reprendre l’expression de Lee Irwin, est en effet une étape inconditionnelle de la pratique culturelle du rêve : nous l’avons vu cette expérience, toute intime et personnelle qu’elle soit, se doit d’être matérialisée, exposée par le biais des mises en scènes rituelles ou de la fabrication d’objets.

‘« Other than enactment, the most expressive means for communicating the dream experience, according to the ethnography, involves the use of visionary images and the making of an extremely wide range of objects. […] The visionary usually experiences visual imagery of a very explicit and vivid kind. This imagery is then transformed into objects or recreated in visual form symbolizing the presence of the power of the vision. Because the contents of the vision are highly variable, so also are the explicit images adopted by the visionary. The potential semiotic associations for such images are exceedingly rich and multifaceted.” 289 Annexes p. 371-372’

Nous verrons un peu plus loin à quel point cette présence de l’art visionnaire au quotidien permet de mieux interpréter les motifs eux-mêmes, et leur efficacité. Ces objets et ces motifs sont la présence vivante et la mémoire de l’expérience visionnaire, donc de la présence des esprits, rappelée à chacun dans sa vie de tous les jours. Ces images et objets sont une sorte de preuve tangible de l’existence du monde surnaturel : là où « demeure » le paquet sacré, « sacred bundle », ou là où est conservée la pipe sacrée, est aussi présent l’esprit lui-même : du bison, du soleil, de l’élan, etc… Ernst Cassirer soulignait ainsi cette capacité à lier forme et chose, symbole et présence de l’être symbolisé :

‘« Il est ainsi caractéristique des premières extériorisations naïves et irréfléchies de la pensée linguistique comme de la pensée mythique que pour elles le contenu de la « chose » et celui du « signe » ne sont pas distinctement dissociés, et qu’ils passent d’ordinaire de l’un à l’autre dans une parfaite indifférenciation. Le nom d’une chose et cette chose elle-même se confondent sans qu’on puisse les séparer ; le simple mot ou l’image recèlent en eux une force magique, par laquelle l’essence de l’objet se livre à nous. » 290

Cependant, comme le précise Lee Irwin, et le soulignaient avant lui Wissler ou Kroeber, les objets sont avant tout des mediums de pouvoir :

‘« The power of the vision is frequently believed to be in the body of the visionary; it is not exclusively identified with its images or objects. The objects used to evoke the power are an instrumental means that provide the external symbolic link with the implicit power and become a repository for that power, particularly during its use. The object itself is not the exclusive source of power but only a means by which the power can be used or manifested. Objects were perishable, subject to captures by enemies, capable of being lost or destroyed.” 291 Annexes p. 372’

Les objets ont une vie, comme je l’ai souligné dans la première partie de ce travail : ils suivent eux aussi des cycles, des renouvellements, des destructions. Ils sont partie intégrante du processus du vivant et doivent être utilisés. C’est dans ce cadre particulier du rapport à l’objet que l’on peut encore mettre en avant les nécessités de collaborations entre muséographes et communautés, et peut-être mieux éclairer encore les revendications de ces dernières.

C’est ainsi que, si l’on néglige cette contextualisation forte de l’élaboration et utilisation des motifs brodés aux piquants, on ne pourra parvenir à la compréhension de leur logique, ou même de leur sens.

C’est parce que le cadre créatif de cet art est celui d’une société du rêve, de la transformation, de la métaphore et du symbole qu’il est impossible et vain de vouloir parvenir à la mise en place d’un référentiel immuable et statique.

C’est dans cette perspective que nous allons revenir sur les grilles et codes d’explication des motifs proposés par l’école culturaliste américaine, et avancer d’autres pistes tentant de prendre en compte cette dynamique et ce contexte culturel particulier, que nous nous sommes efforcés de mettre en évidence dans les parties précédentes de ce travail.

Notes
256.

PERROIS L., "Art (anthropologie de l'). Formes, expressions, styles," in Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie Sous la direction de Bonte P et Izard M., Paris: PUF, 2000, p. 766.

257.

PHILLIPS Ruth B., "Zigzag and Spiral: geometric Motifs in Great Lakes Indian Costume," Journal des Algonquinistes n°15 (1984): pp. 409-425.

258.

Denver Art Museum, in A persistent Vision. Art of the Reservation Days, Washington: Washington Press, 1986.

259.

VERDIER Y., in Façons de dire, façons de faire, op. cit. p. 204.

260.

WALKER J., in Lakota Society, op. cit., p. 103.

261.

BRASSER Ted, “Plains Indian Art”, in American Indian art : Form and Tradition, New-York: E. P. Dutton & Co, 1972, p. 57

262.

SCHNEIDER Mary Jane, "Women's Work: an Examination of Women's Roles in Plains Indian Arts and Crafts," in The Hidden Half, op. cit., p. 103.

263.

WELTFISH Gene, in The Lost Universe, New-York: Ballantine Books, 1965, p.460.; EWERS John, in The Blackfeet, Norman: University Press of Oklahoma, 1958, p.121; LOWIE Robert, “The Assiniboine” in Anthropological Papers of the American Museum Natural History, vol.4, part.1, 1909, p. 12.

264.

KROEBER A., "The Arapaho", op. cit., 1902-07, p. 122.

265.

FLETCHER Alice & LaFLESCHE Francis, in The Omaha, Lincoln: University of Nebraska Press, 1972, pp. 353-354.

266.

Voir par exemple DESVEAUX Emmanuel, "Les Grands Lacs et les Plaines, le figuratif et le géométrique, les hommes et les femmes,"in Papers of the 24th Algonquian Conference, Ottawa: Carleton University, 1993, pp. 104-111.

267.

KROEBER A., "Ethnology of the Gros Ventre," op. cit , (1908), p. 196.

268.

WISSLER Clark, in Indian Cavalcade, New-York: Sheridan House, 1938, p. 290.

269.

DESVEAUX Emmanuel, "Le figuratif et le géométrique", op. cit, p. 108.

270.

KEHOE Alice, "The Status of Blackfoot Women," in The Hidden Half, op. cit., p. 68.

271.

LOWIE Robert, "The Sun Dance of the Crow," Anthropological Papers of the American Museum Natural History vol.1 (1915): pp. 19-22.

272.

DORSEY G. & KROEBER A., in Traditions of the Arapaho , op. cit., p. 108.

273.

WALKER J., in Lakota Society, op. cit., p. 101.

274.

LYFORD Carrie A., in Sioux Quill and Beadwork, op. cit., figure 18 p. 74.

275.

LOWIE R., in Indians of the Plains, op. cit., pp. 147-149, figure 94 p. 148.

276.

De MALLIE R., "Male and Female in traditionnal Lakota Culture," in The Hidden Half, op. cit., p. 240.

277.

OBERHOLTZER Cath, "Net Baby Charms : Metaphors of Protection and Provision," Papers of the 24th Algonquian Conference (1993): pp. 318-331.

278.

OBERHOLTZER Cath, op. cit., p. 318.

279.

SPECK Frank G., in Naskapi : The Savage Hunters of the Labrador Peninsula, Norman: University of Oklahoma Press, 1935, p. 245.

280.

DORSEY & KROEBER, "Big Owl, Owner-of-Bag" in Traditions of the Arapaho, op. cit., pp. 239-246.

281.

PHILLIPS Ruth, "Zigzag and Spiral," Papers of the 15th Algonquian Conference , op. cit.

282.

DESVEAUX E., "Le figuratif et le géométrique," , op. cit., p. 109.

283.

SCHNEIDER M. J., "Women’s Work," in The Hidden Half, op. cit., p. 117.

284.

ERDOES R. & ORTIZ A., "Les jambières magiques" in Et Coyote créa le monde. Mythes et légendes des Indiens d'Amérique du Nord, Paris: Albin Michel, 2000, pp. 273-275.

285.

PHILLIPS Ruth, "Zigzag and Spiral", op. cit., p. 411.

286.

BOAS F., in L'art primitif, op. cit., p. 187.

287.

WISSLER Clark, .in A Blackfoot Source Book. Papers by Clark Wissler, New-York: Ed Garland, 1986, p. 55.

288.

LEVI-STRAUSS C., in Mythologiques III, op. cit., p. 204.

289.

IRWIN Lee, "The Visionary Arts," in The Dream Seekers, op. cit., p. 211.

290.

CASSIRER Ernst, in La philosophie des formes symboliques. I. Le langage, Paris: Ed de Minuit, 1972, pp. 30-31.

291.

IRWIN Lee, in The Dream Seekers, op. cit., p. 213.