II/ L’interconnexion en action

« Le rôle des symboles sacrés est de faire la synthèse entre le génie d’un peuple et sa vision du monde, c’est-à-dire entre l’atmosphère, le caractère, la qualité propre de son existence, son style en matière esthétique ou morale, son humeur, et l’image qu’il se fait des choses telles qu’elles sont en elles-mêmes, ses idées de l’ordre les plus universelles. »
Clifford Geertz 317

Si nous avons tenté de mettre en évidence une autre logique du sens, une autre manière de construire un langage et un art, il nous faut à présent proposer un modèle d’analyse qui puisse rendre compte de cette dynamique, de ces significations non-fixes, non-arbitraires, qui existent dans une situation d’interrelation.

L’ethnographie enjoint à adopter le regard de l’autre, à « devenir autre », à tenter de percer à jour les processus, les logiques, les catégories d’une autre vision du monde. La pensée de l’interconnexion que nous avons décrite comme fondatrice et moteur de la pensée des Plaines ne relève pas du modèle occidental d’une linéarité du temps, du « progrès », de l’histoire, ou d’une dichotomie nature/culture, qui marquerait par la rupture avec la première, la naissance de la seconde. Nous avons vu qu’ici les frontières entre genres, sexes, passé ou présent, mythe ou « réalité », esprit ou corps, humain ou animal, ne sont pas non plus pensées dans la rupture, voire n’existent pas. Le passage, la métamorphose, la transformation, ne sont pas des catégories relevant de l’exception ou de la marge mais, au contraire, presque du quotidien.

Pour aller au plus près de cette pensée du mouvement, il nous faut revenir sur sa métaphore qui est aussi réalité et outil philosophique : le cercle sacré, et celle qui en découle, la toile d’araignée.

Notes
317.

GEERTZ C., "Religion as a cultural System" in Essais d'anthropologie religieuse, Paris: Gallimard, 1972, p. 3.