Chapitre 1. Le contexte de recherches

1. L’évolution de l’enseignement de la compréhension orale sous l’influence de différentes théories

Dans l’histoire de l’enseignement des langues étrangères, la formation des approches ou méthodes d’enseignement a été influencée par de nombreuses théories linguistiques, psychologiques, sociologiques et anthropologiques, parmi lesquelles les plus importantes sont les deux théories linguistiques : structuralisme et fonctionnalisme et les deux théories psychologiques : béhavioriste (comportementaliste) et psychologie cognitive. L’enseignement de la compréhension orale dans différentes approches ou méthodes a également connu une évolution correspondante.

Après des siècles d’enseignement des langues étrangères dominé par l’approche « grammaire-traduction » qui a tout à fait abandonné l’enseignement de la compréhension orale, la place de cette dernière a été haussée dans les années 40-50, avec la méthode audio-orale dont les bases théoriques reposent sur le modèle structuraliste de Bloomfield associé aux théories béhavioristes sur le conditionnement. Mais l’enseignement n’a pas fourni des conditions propices à un véritable apprentissage de la compréhension orale étant donné que :

Premièrement, le structuralisme considère que la langue est un système structural constitué par les unités linguistiques qui se combinent selon les règles grammaticales. Par conséquent, l’enseignement des langues étrangères ne doit s’occuper que de la forme et de la structure linguistique. Deuxièmement, sous l’influence du comportementalisme, l’apprentissage des langues étrangères porte la marque du modèle de « stimulus-réponse ». L’acquisition et le développement des compétences sont considérées comme le résultat d’un entraînement répétitif des comportements. « ‘ De fait, l’apprentissage d’une langue devient un processus mécanique où l’apprenant acquiert un ensemble de structures linguistiques au moyen d’exercices qui favorisent la création d’habitudes ou d’automatismes. Même si la priorité est accordée à l’oral, il ne s’agit ni plus ni moins que d’imiter, de manipuler des modèles non situationnels fournis par l’enseignant ou enregistré sur bande magnétique, en évitant autant que possible l’erreur de prononciation ou l’erreur grammaticale. Les exercices de conversation qui suivent les exercices structuraux ont pour but la réutilisation des structures apprises ’. » (Cornaire et Germain 1998 : 16). L’apprenant n’est donc pas en mesure d’utiliser de façon spontanée ses acquis en dehors de la classe.

Depuis les années 70, au fur et à mesure du développement de la théorie linguistique fonctionnaliste, on commence à prêter attention aux recherches sur les fonctions sociales des langues. Le fonctionnalisme considère que la langue est un outil de communication mais pas un système structural isolé. De fait, l’objectif de l’enseignement de la compréhension orale dans différentes approches, telles que l’approche communicative et l’approche axée sur la compréhension orale, n’est plus de faire bien entendre tel ou tel son et comprendre tel ou tel mot ou phrase, mais de former et développer la compétence de l’apprenant visant une bonne compréhension de l’interlocuteur et une communication linguistique efficace. Et les contenus à enseigner, en favorisant les documents authentiques, sont déterminés en fonction des besoins des apprenants et non plus selon un ensemble de structures linguistiques.

Les travaux de Krashen et l’arrivée en force de la psychologie cognitive à la fin des années 70 ont contribué à placer la compréhension orale au centre du processus d’apprentissage. Et avec l’approfondissement des théories informatiques et le développement de la psychologique cognitive qui ont poussé les recherches didactiques à passer de l’objet au sujet d’apprentissage, de nombreux chercheurs attachent de l’importance aux recherches sur le processus mental de la compréhension orale. On commence à prendre conscience que la compréhension orale n’est pas un processus de réception passive des informations mais un processus actif de sélection, encodage, stockage et reconstitution de ces dernières qui est influencé par divers facteurs tels que linguistiques, cognitifs, culturels, sociaux, etc., et au cours duquel l’utilisation des stratégies joue un rôle important dans le traitement des informations. Enseigner une langue ne consiste plus à faire acquérir des automatismes mais au contraire à préparer l’apprenant à comprendre des textes oraux ou écrits. L’accent partant davantage sur la signification que sur les formes linguistiques. Et on commence à accorder une attention toute spéciale à l’individu qui joue un rôle de premier plan dans son apprentissage. Le bon apprenant est celui qui sait mettre en œuvre des stratégies pour gérer efficacement son apprentissage, tout en essayant de résoudre certaines difficultés inhérentes à des tâches pédagogiques. Et un enseignement efficace de la compréhension orale ne serait donc pas celui qui met l’accent sur l’entraînement des formes linguistiques ou sur l’explication des connaissances linguistiques, mais devrait souligner la formation des techniques et des stratégies d’écoute favorisant l’accès au sens tout en tenant compte des différences individuelles et d’autres facteurs tels que le matériel oral, la tâche d’écoute qui influencent la compréhension orale.