conclusion

Il est évident que cette expérimentation, par quelques contraintes inévitables (temps, nombre d’échantillons, par exemple), ne peut être considérée comme une recherche rigoureuse et que les conclusions que l’on peut en tirer ont nécessairement un caractère spéculatif. Elle fournit néanmoins quelques indications sur certaines retombées positives de l’enseignement des stratégies d’apprentissage dans un contexte donné, à savoir :

• amélioration des notes obtenues aux tests et progrès plus importants en compétence générale,
• meilleure assurance intellectuelle pour contrôler l’apprentissage et affronter les difficultés,
• élargissement du répertoire des stratégies mises en œuvre,
• transfert interdisciplinaire ou « intercompétence » des stratégies, 
• motivation en hausse, tout au moins pour certains apprenants.

Tout cela a confirmé notre hypothèse de départ sur l’effet positif de l’enseignement des stratégies dans ce contexte donné et corroboré les résultats obtenus par certaines recherches dans d’autres contextes donnés, en particulier sur la question de la contribution des stratégies d’écoute à l’apprentissage de la compréhension orale. Ce qui nous donne une plus grande confiance et une bonne motivation pour continuer dans notre futur enseignement du français l’entraînement à l’utilisation des stratégies d’apprentissage. 

Ces effets positifs obtenus ont montré également à un certain degré, que notre démarche consistant à intégrer l’enseignement des stratégies d’écoute en cours de compréhension orale dans ce contexte donné devrait être sur une bonne voie. L’expérience dont nous pourrions tirer profit pour l’entraînement à l’utilisation des stratégies est que :

• Avant l’entraînement aux stratégies, un diagnostic des difficultés des apprenants et de l’état de leur compétence en matière de stratégies est nécessaire, étant donné que toutes les stratégies dont le nombre est assez élevé ne peuvent pas être enseignées et certaines sont plus efficaces que d’autres et qu’un bon diagnostique permet à l’enseignant de centrer ses interventions sur quelques stratégies qu’il juge les plus nécessaires, les plus urgentes ou les plus pertinentes pour ses élèves. L’intervention doit s’arrimer aux besoins des élèves ;
• L’entraînement à l’utilisation des stratégies doit suivre un certain ordre d’intervention tel que les cinq phases basées sur les principes de la démarche proposés par les chercheurs en transférant aux apprenants non seulement les connaissances déclaratives (quoi) mais aussi les connaissances procédurales (comment) et conditionnelles (pourquoi et quand) sur les stratégies à enseigner pour une utilisation efficace de ces stratégies ;
• Le transfert des connaissances des stratégies doit être sous forme interactive. A savoir qu’en cours, l’enseignant doit travailler avec les apprenants et les accompagner tout au long de la démarche en leur fournissant des exemples d’utilisation des stratégies, des occasions de les appliquer ou de les imiter et aussi une rétroaction sur leurs efforts.

Un autre apport de cette expérimentation réside dans le fait qu’elle nous fait apercevoir les perspectives de notre future recherche dans ce domaine. Nous pourrions mener, tout en profitant des conditions favorables de notre métier d’enseignement, non seulement des recherches contrastives sur les différences entre les bons apprenants et les apprenants faibles et des recherches sur l’entraînement aux stratégies, mais aussi des recherches corrélatives dans le but de trouver les liens entre les stratégies d’apprentissage et les résultats d’apprentissage, les tâches d’apprentissage, les facteurs individuels des apprenants, etc. Si les conditions le permettent, nous pourrions également faire des recherches longitudinales visant la révélation des caractéristiques d’utilisation des stratégies des apprenants de différents âges ou aptitudes afin de connaître les lois évolutives d’utilisation des stratégies.

Cette expérimentation nous a aussi laissé des questions auxquelles nous voudrions réfléchir plus précisément dans notre futur enseignement dans ce contexte donné, à savoir :

• la contradiction entre le besoin de pratique approfondie et un emploi du temps déjà surchargé ; notre expérimentation n’ayant duré que 14 séances pendant lesquelles nous n’avons entraîné que quelques stratégies occupe déjà une proportion importante dans le cours audio-oral, alors que ‘ « il est de plus en plus évident que l’apprentissage des stratégies requiert un entraînement long et continu si l’on veut qu’il devienne partie intégrante du bagage de l’apprenant » ’ (Vee Harris et al. 2002 : 148);
• L’inefficacité de l’entraînement aux stratégies pour certains apprenants et l’accroissement de la motivation des apprenants les plus faibles manifestant souvent une désaffection pour l’entraînement aux stratégies ;
• une meilleure contextualisation de l’entraînement aux stratégies, c’est-à-dire l’établissement du lien entre l’activité de classe et la vie réelle, étant donné que dans ce contexte, l’enseignant a pour responsabilité majeure de préparer les étudiants au TEF, c’est-à-dire de les former à comprendre certains types de textes et à accomplir certains tâches ne correspondant pas nécessairement aux besoins des étudiants en situation réelle ;
• le choix des supports et des tâches. Pour être véritablement efficace et permettre aux apprenants d’assimiler une nouvelle stratégie, une tâche linguistique doit être authentique et présenter un niveau de difficulté moyen. Si l’activité est trop simple, les apprenants n’auront pas besoin de recourir aux stratégies, si elle est trop difficile, il se peut qu’ils ne parviennent pas à effectuer le travail demandé, même en appliquant les stratégies adéquates.

Pour terminer, une formation efficace aux stratégies d’apprentissage contribuerait à un apprentissage efficace ainsi qu’à l’autonomie de l’apprenant. Elle ‘ « ne constitue pas une option complémentaire, mais plutôt un moyen de soutenir l’apprentissage linguistique dans le cadre d’un programme existant. Les apprenants devraient mettre ces stratégies en pratique pendant les cours de langues, dans le cadre d’activités linguistiques authentiques et constructives» ’ (Vee Harris et al. 2002 : 89). Les enseignants, quant à eux, devraient fournir aux apprenants les conditions les plus favorables possible pour qu’ils les maîtrisent et les utilisent tout en tenant compte des facteurs complexes qui influencent l’efficacité de cette formation.