b. La méthode

Après le préambule destiné à justifier son choix, il décrit enfin la méthode, fondée sur l’association de lieux et d’images :

‘Constat igitur artificiosa memoria locis et imaginibus. 104

Il définit ensuite la nature de chacun de ces deux éléments, tout en donnant plusieurs exemples ; l’“emplacement” doit être un espace restreint, naturel ou fabriqué, un lieu ou un site, fortement individualisé et limité, de façon à pouvoir être aisément discerné et retenu par la mémoire naturelle ; les exemples cités sont d’ordre architectural (construction ou détail) :

‘Locos appellamus eos qui breuiter, perfecte, insignite aut natura aut manu sunt absoluti, ut eos facile naturali memoria conprehendere et amplecti queamus : ut aedes, intercolumnium, angulum, fornicem et alia quae his similia sunt. 105

Les “images”, elles, doivent avoir un rapport de représentation avec le souvenir évoqué, par la forme, l’idée ou la reproduction :

‘Imagines sunt formae quaedam et notae et simulacra eius rei quam meminisse uolumus 106

Ainsi, des images d’animaux — cheval, lion, aigle — sont données en exemples.

Enfin, il reste à mettre en rapport les images choisies avec les lieux retenus qui, par association, permettront de se rappeler les images donc les souvenirs qu’elles portent :

‘… imagines… in locis certis conlocare nos oportebit. 107

Selon sa théorie, les loci et les imagines doivent en fait être inspirés par la réalité 108 , car la memoria naturalis pourra ainsi mieux les retenir, ainsi que les souvenirs abstraits, virtuels, qui leur sont associés : c’est la nature qui reste le fondement de cette technique.

Notes
104.

Ibid. III, 29 : « La mémoire artificielle prend appui sur des emplacements et des images. »

105.

Ibid. III, 29 : « Nous appelons emplacements des réalisations de la nature ou de l’homme, occupant un espace limité, faisant un tout, se distinguant des autres, telles que la mémoire naturelle peut aisément les saisir et les embrasser : par exemple une maison, un entrecolonnement, une pièce, une voûte et d’autres choses semblables.»

106.

Ibid. III, 29 : « Les images sont des formes, des symboles, des représentations de ce que nous voulons retenir »

107.

Ibid. III, 29 : « … il faudra mettre leurs images (les images des animaux) dans des emplacements précis. »

108.

A ce sujet, cf. C. Baroin, « La maison romaine comme image et lieu de mémoire », Images Romaines : actes de la table ronde organisée à l'Ecole normale supérieure, 24-26 octobre 1996, éd. F. Dupont et C. Auvray-Assayas, Paris, Presses de l'Ecole Normale Supérieure, 1998 (Etudes de littérature ancienne, 9), 177-192.