A. Vers une théorie de la mémoire historique ?

1. La memoria, critère de la vérité dans la définition de l’historiographie

Cicéron définit sa conception de l’histoire dès le De inuentione, dans les années 80 755 . Il distingue deux types de narration dans un discours, consacrés, l’un aux actions, l’autre aux personnes. Le premier type présente trois formes : le récit légendaire, la fiction et l’histoire. Cette dernière « raconte un événement qui a eu lieu, à une époque éloignée de la nôtre. Exemple : Appius a déclaré la guerre aux Carthaginois ».

‘Historia est gesta res, ab aetatis nostrae memoria remota ; quod genus : “Appius indixit Carthaginiensibus bellum…” 756

Deux conditions sont nécessaires à la constitution de l’histoire selon Cicéron : l’action a réellement eu lieu (gesta res), elle se situe dans un passé déjà éloigné (remota). Toutefois, la traduction proposée par G. Achard de ab aetatis nostrae memoria remota nous paraît fondée sur un raccourci : le mot choisi, « époque », résume l’expression aetatis nostrae memoria, littéralement « une action éloignée de la mémoire de notre génération ». Cicéron distingue ainsi l’histoire de l’actualité : sont historiques les faits dont les acteurs n’appartiennent pas à la génération contemporaine. Les événements passent de l’actualité à l’histoire lorsqu’aucun homme en vie n’est plus en mesure de s’en souvenir directement, autrement dit lorsque toute la génération qui y a pris part est morte. Le mot « époque » nous paraît donc trop vague pour rendre précisément compte de l’expression latine, qui donne à voir le glissement du terme memoria, de « mémoire » à « souvenirs communs d’une génération », puis à « génération ».

L’intention de Cicéron est de définir l’histoire par rapport à la légende et à la fiction : la légende — fabula — est conçue comme fausse et invraisemblable ; la fiction — argumentum —, comme inventée, mais possible. L’historia se distingue d’elles par son plus grand degré de réalité, qui lui est justement conférée par la fiabilité de la mémoire de la nouvelle génération. Pour cette raison, la présence du mot memoria paraît extrêmement importante : les textes théoriques plus tardifs (notamment le De oratore et le Lucullus) s’attachent à l’idée que la memoria valide les faits comme authentiques. Elle est un outil de confiance — au contraire des perceptions — parce qu’un jugement critique est intervenu avant que l’information ne soit retenue comme authentique ou rejetée. C’est donc cette mémoire critique, sélective, qui fonde l’histoire ; elle est le critère du fait historique. Elle soude une génération dont elle est le point commun — aetatis nostrae memoria —, et la distingue en même temps des précédentes, défuntes, en marquant le passage du temps, la limite infranchissable entre les vivants et les morts 757 remota. Cicéron part probablement d’un élément de rhétorique commun à tous les manuels 758 . Paradoxalement, l’histoire est constituée par ce qui paraît éloigné dans la mémoire, dénominateur commun d’une génération, mais c’est précisément l’existence de cette mémoire, même distante, qui rend cette histoire possible, la réalise en tant qu’histoire. Sans elle, l’histoire dérogerait, ravalée au rang de légende ou de fiction. On en a ici la preuve, Cicéron devait inévitablement appuyer sa définition de l’historia sur la memoria, au vu de la place essentielle qu’il lui a donnée dans sa philosophie comme principe de connaissance.

Un peu plus loin, dans une réflexion sur le temps, Cicéron affine sa conception de l’histoire par une gradation qui met en relation la durée de temps écoulé et le degré de réalité d’un événement :

‘In hoc et quae praeterierint considerantur : et eorum ipsorum quae aut propter uetustatem obsoleuerint aut incredibilia uideantur, ut iam in fabularum numerum reponantur ; et quae iam diu gesta et a memoria nostra remota tamen faciant fidem uere tradita esse, quia eorum monumenta certa in litteris exstent ; et quae nuper gesta sint, quae scire plerique possint 759

La gradation nous mène d’une antiquité oubliée, voire fabuleuse, à une actualité que tous connaissent. Entre le mythe et la réalité contemporaine, Cicéron situe l’histoire, suggérée à travers une formule presque identique à la précédente : iamdiu gesta et a memoria nostra remota. A nouveau, il voit l’histoire bâtie à l’aide de faits réels (gesta) et passés (remota), suffisamment éloignés pour que plus aucun témoin vivant ne puisse en avoir un souvenir direct : l’histoire existe dès lors que ses acteurs ont disparu 760 . Le mot memoria révèle ici sa polyvalence : aetatis a disparu de l’expression, memoria seul suffit désormais à désigner la génération, rassemblée derrière une mémoire commune des mêmes expériences. Elle est toujours le facteur d’authentification de l’événement historique. Le travail de l’historien selon Cicéron est de l’alimenter en laissant une trace écrite, donc définitive : les monumenta certa in litteris.

Le choix du mot memoria pour désigner une époque nous paraît significatif, sous le stylet de Cicéron : il appuie l’authenticité de l’exemplum cité, attesté de ce fait par la memoria de toute une génération, authenticité qui ajoute précisément à sa valeur exemplaire. Cet usage est fréquent dans son œuvre, jusque dans le De oratore, écrit trente ans après le De inuentione, et ajoute toujours du crédit au fait cité. C’est ainsi qu’il souligne le contraste entre l’abondance d’hommes d’Etat et le manque d’orateurs dans le passé de Rome, accumulant les générations susceptibles d’en témoigner, en une gradation croissante, depuis ses contemporains jusqu’aux aïeux en passant par les pères :

‘Iam uero consilio ac sapientia qui regere ac gubernare rem publicam possint, multi nostra, plures patrum memoria atque etiam maiorum exstiterunt, quom boni perdiu nulli, uix autem singulis aetatibus singuli tolerabiles oratores inuenirentur. 761

Regret répété plus loin, sous une forme plus synthétique et globale, procédant par élargissement, de la génération à l’époque, de l’époque aux cités, et couvrant ainsi à la fois les registres spatial et temporel :

‘Quibus de causis quis non iure miretur ex omni memoria aetatum, temporum, ciuitatum tam exiguum oratorum numerum inueniri? 762

Le recours à memoria vient donc confirmer la réalité du fait historique, attesté par les souvenirs des hommes du passé : l’éloquence est un art si difficile que les orateurs ont toujours été rares.

De la même façon, dans le Brutus, Cicéron s’appuie sur la memoria patrum pour attester les qualités oratoires des tribuns de la plèbe Tiberius Gracchus et Caius Carbo, malgré leurs méfaits :

‘Sed fuit uterque summus orator ; atque hoc memoria patrum teste dicimus. 763

Chaque génération constitue donc une forme de témoignage collectif qui, par la vertu de la memoria, prend valeur de preuve irréfutable de la réalité historique d’un fait.

Nous avons parlé plus haut de génération liée par cette mémoire commune. Il est temps d’analyser comment le mot memoria a pu prendre ce sens. La double signification de memoria, à la fois faculté mémorielle et souvenir, s’explique immédiatement par la métonymie entre le contenant et le contenu. Les éléments relevés précédemment paraissent dévoiler l’élargissement dont procède le troisième sens du mot, qui, de la mémoire d’un individu, finit par désigner la mémoire collective d’un groupe, étendu par la suite à une génération entière partageant la memoria d’une époque, sens le plus général de memoria.

Deux textes de Cicéron semblent rendre compte de cette extension de sens.

Dans son discours de remerciement au Sénat, en 57, Cicéron célèbre le jour où le consul Publius Lentulus a réuni les comices centuriates pour voter son retour d’exil, jour gravé dans sa mémoire, et celle de sa famille et de ses contemporains, mais aussi dans la mémoire de la postérité :

‘Quid denique de illo die, quem P. Lentulus mihi fratrique meo liberisque nostris natalem constituit, non modo ad nostram, uerum etiam ad sempiterni memoriam temporis ? 764

Sempiterni temporis désigne ici la mémoire à venir, d’une durée infinie, mais nostram (memoriam) renvoie à la mémoire de Cicéron et de ses proches, plus largement de sa génération : on assiste à une généralisation, d’une génération à l’éternité. Nous en reparlerons plus loin.

Mais c’est surtout la neuvième Philippique qui révèle ce glissement. Cicéron y évoque le cas de quatre ambassadeurs romains, envoyés à Fidènes et exécutés par le roi de Véies, Tolumnius, en 437, auxquels une statue honorifique assura un souvenir durable, au point qu’ils sont encore présents dans la mémoire de Cicéron et de ses contemporains, autrement dit leur époque :

‘Lars Tolumnius, rex Veientium, quattuor legatos populi Romani Fidenis interemit, quorum statuae steterunt usque ad meam memoriam in rostris. Iustus honos : iis enim maiores nostri qui ob rem publicam mortem obierant pro breui uita diuturnam memoriam reddiderunt. 765

Les deux sens apparaissent ici : la statue garantit à ces morts un souvenir éternel qui se prolonge jusqu’à la mémoire de Cicéron et de sa génération, donc jusqu’à leur époque.

Ce sont les adjectifs liés à la durée, longue – diuturnus — voire éternelle – sempiternus — qui permettent l’analyse de ce glissement du souvenir à la génération lointaine qui le garde encore en mémoire, pérennisé parfois par un objet de souvenir, comme la statue commémorant, dans le chapitre suivant, le souvenir de Cnaeus Octavius, envoyé en Orient en 163-162 pour empêcher le petit-fils d’Antiochus de prendre les armes et assassiné dans le gymnase de Laodicée. Cette statue reste le seul monument prolongeant la mémoire de cette famille, selon Cicéron :

‘Reddita est ei (Cn. Octauio) tum a maioribus statua pro uita, quae multos per annos progeniem eius honestaret, nunc ad tantae familiae memoriam sola restaret. 766

Ces trois extraits dévoilent bien l’ensemble des sens de memoria, et le passage de l’un à l’autre : la mémoire, éternelle, conserve un souvenir grâce à un monument se rapportant à ce dernier, pour la génération suivante, voire la postérité.

Revenons au De inuentione et au cas déjà évoqué 767 de Zeuxis pour constater l’aboutissement de ce glissement de sens. Cicéron rappelle qu’une partie des œuvres du peintre destinées au temple de Junon à Crotone a subsisté jusqu’à son époque :

‘Is (Zeuxis) et ceteras conplures tabulas pinxit, quarum nonnulla pars usque ad nostram memoriam propter fani religionem remansit… 768

Il s’agit ici d’un « lieu de mémoire », conservé en l’état, avec son contenu, par la vénération qui lui est associée, mais aussi par le biais de l’histoire qui en a conservé le souvenir dans la mémoire nationale et collective transmise à la génération de Cicéron. La memoria se trouve donc nécessairement éloignée des faits dans le temps pour fonder une histoire distincte de l’actualité, mais en même temps rassemble une génération entière dans une même communauté de souvenirs (l’histoire précisément), qui soudent une nation. Elle garantit donc la réalité d’un fait historique, en le pérennisant, aux yeux de chaque génération, successivement. Ce que confirme la suite de l’anecdote : les noms des jeunes femmes employées comme modèles par Zeuxis appartiennent à l’histoire, c’est-à-dire que leur réalité historique est attestée par leur transmission ultérieure à la mémoire collective, accomplie par les poètes, qui font alors œuvre d’historiens aux yeux de Cicéron :

‘Ille autem quinque delegit ; quarum nomina multi poetae memoriae prodiderunt, quod eius essent iudicio probatae, qui pulchritudinis habere uerissimum iudicium debuisset. 769

L’expression memoriae prodere utilisée ici, très fréquente, est un véritable sceau authentifiant le fait rapporté 770 , parce qu’elle renvoie à la mémoire de tous. Aucune contestation n’est possible puisque les mêmes souvenirs sont communs à tous : la mémoire partagée ainsi désignée apparaît comme le meilleur outil d’authentification historique.

A l’autre extrêmité de la carrière de Cicéron, en 46, un exemple historiographique offre le point de départ du Brutus. Atticus y est loué par Brutus pour la composition de son Liber annalis, catalogue des magistrats romains qu’il a dédicacé à son ami :

‘Tum ille : Nempe eum dicis, inquit, quo iste omnem rerum memoriam breuiter et, ut mihi quidem uisum est, perdiligenter complexus est? 771

Le raccourci est saisissant : cet ouvrage contient « toute la mémoire du monde », le mot memoria suffit à résumer ce que l’on doit retenir comme faits historiques et désigne clairement l’histoire universelle — c’est l’histoire « de tous les faits ».

Ce que confirme un emploi similaire, cette fois proposé par Atticus, qui demande à Cicéron de traiter devant Brutus et lui-même l’histoire des orateurs à Rome depuis les origines, puisqu’il n’a rien composé depuis le De re publica qui a précisément donné à Atticus l’idée de rédiger un abrégé d’histoire :

‘… eisque nosmet ipsi ad ueterum annalium memoriam comprendendam impulsi atque incensi sumus. 772

L’expression ueterum annalium memoriam, plus développée, révèle le passage de « mémoire » à « histoire » : les « annales anciennes » sont un monumentum assurant le souvenir de faits historiques avérés et constituant ainsi une memoria/histoire.

Cicéron en donne un exemple peu après, en commençant son histoire des orateurs. Le souvenir des premiers orateurs d’Athènes, source originelle de l’éloquence, est perpétué par un récit historique (les monumenta ac litterae) :

‘In quam cum intueor, maxime mihi occurrunt, Attice, et quasi lucent Athenae tuae, qua in urbe primum se orator extulit primumque etiam monumentis ac litteris oratio est coepta mandari. 773

L’ouvrage d’Atticus lui-même est un monumentum utile lorsqu’il atteste l’éloquence de Thémistocle :

‘Post hanc aetatem aliquot annis, ut ex Attici monumentis potest percipi, Themistocles fuit, quem constat cum prudentia tum etiam eloquentia praestitisse 774

Le lien entre le monumentum et la memoria est ainsi clairement énoncé : le monumentum — un livre d’histoire — est la manifestation concrète de la memoria, concept authentificateur du passé, que nous appellerons histoire.

A tel point que, remontant aux origines de l’éloquence, Cicéron s’appuie sur l’absence de souvenirs historiques pour démontrer l’inexistence de l’art oratoire avant l’époque de Solon et de Pisistrate :

‘Videsne igitur, Brute, in ea urbe, in qua et nata et alta sit eloquentia, quam ea sero prodierit in lucem? siquidem ante Solonis aetatem et Pisistrati de nullo ut diserto memoriae proditum est. 775

Hors de la memoria, point de réalité historique possible. Ce que Cicéron prouve par un raisonnement en creux : un événement qui n’est pas attesté par la memoria perd toute réalité, il disparaît ; la memoria authentifie donc la réalité des faits et son absence révèle l’inexistence des faits ; puisqu’aucun orateur athénien n’a laissé de souvenir avant Solon et Pisistrate, Cicéron en conclut, ex silentio, que l’éloquence n’existait pas avant ces deux fondateurs.

Seul le monumentum peut combler ce vide et empêcher la fuite du souvenir en le réifiant, en lui donnant une consistance historique palpable. C’est le cas des premiers orateurs romains, L. Brutus, M. Valerius, L. Valerius Potitus, Ap. Claudius, dont seules les actions attestées par les monumenta prouvent l’existence :

‘… sed ueniamus ad nostros, de quibus difficile est plus intellegere quam quantum ex monumentis suspicari licet. 776

Cicéron porte également un jugement moral, non plus sur ce qui peut, mais sur ce qui doit être retenu par l’histoire. L'histoire comme discipline s'appuie sur la faculté critique désignée par memoria. Critique, elle permet de discriminer les événements et les faits essentiels. Ainsi, Cicéron ne rapporte qu'un événement qui a traversé les siècles, jugé dignum memoria ou memorabile. En tant que tel il a été confié à la mémoire, selon l'expression récurrente proditum memoriae est ; on peut alors traduire memoria par histoire, en tant que mémoire universelle, réceptacle des événements qui ont marqué l'humanité. Ceux-ci sont relatés comme une tradition historique, cautionnée par la mémoire des hommes. C'est le cas dans le De re publica où Scipion retrace l'histoire de Rome 777 .

Notes
755.

Pour la datation, cf. supra p. 12 n. 22.

756.

CIC., inu. I, 27.

757.

Ce qu’accentue le complément d’éloignement introduit par ab.

758.

Cette conception n’est pas nécessairement propre à Cicéron, puisque la formule existe, identique en tous points, dans la Rhétorique à Herennius ; l’auteur définit les actions de la narration de l’orateur ; parmi elles se trouve l’historia, constituée par « des événements éloignés de notre époque » : ab aetatis nostrae memoria remota. Mais le développement important de Cicéron sur ce sujet est sans nul doute représentatif de son goût pour l’historia et de l’intérêt qu’il porte à la memoria, dès cette œuvre de jeunesse, le De inuentione, son premier traité.

759.

CIC., inu. I, 39 : « On y envisage les événements passés : parmi eux, ceux qui ont été oubliés en raison de leur antiquité ou qui semblent tellement incroyables qu’ils sont mis maintenant au rang des fables ; ceux qui se sont déroulés il y a longtemps déjà et qui ont presque disparu de notre mémoire mais dont nous sommes pourtant convaincus qu’ils viennent d’une tradition authentique, parce qu’il y a d’eux des témoignages écrits précis ; ceux qui se sont passés récemment et que la plupart des gens peuvent connaître »

760.

Ainsi les catalogues littéraires ne nomment-ils que les morts ; Cicéron, dans son Brutus, ne veut pas parler des orateurs en vie. C’est pour cette raison que Cicéron renonce finalement à accomplir ce travail historiographique d’après L. Marchal, « L’histoire pour Cicéron (II) », LEC 56, 3, 1988, 241-264, p. 259 : « … (Cicéron) était-il libre d’être historien ? Nous avons vu que ses goûts le portaient à un sujet contemporain. Or, Cicéron orateur, Cicéron politique était trop étroitement lié à l’histoire de son temps pour pouvoir être objectif. Il le reconnaît dans une de ses lettres à Atticus, lorsqu’il s’avoue incapable de juger en toute équité certaines personnes qui ont cherché à se le concilier (Att. XIV, 14, 5). Le premier devoir de l’historien étant de se montrer “sans soupçon de haine ou de faveur”, c’est-à-dire impartial, Cicéron s’est peut-être vu forcé de renoncer à l’histoire. Et s’il avait su malgré tout être objectif, il manquait de la sécurité nécessaire à un historien : son passé poltique lui interdisait tout jugement impartial et le condamnait, pour le présent et l’avenir, à se ménager ses contemporains. Par contre, située en dehors du temps et de l’actualité, la philosophie offrait une position de repli garantissant une neutralité et une sécurité absolues. »

761.

CIC., De or. I, 8 : « Et de sages conseillers, capables de diriger et de gouverner un Etat, combien notre époque, combien davantage celle de nos pères, celle de nos ancêtres même, n’en ont-elles point vu, alors que pendant longtemps il n’exista pas un seul bon orateur et qu’ensuite, pour chaque génération, à peine s’en est-il trouvé un qui fût supportable ! »

762.

Ibid. I, 16 : « Qui donc ne s’étonnerait à bon droit que, dans toute la mémoire des générations, des temps, des peuples, on trouve un nombre si restreint d’orateurs? »

763.

CIC., Brut. 103 : « Tous deux furent de très grands orateurs, et cela, c’est sur le témoignage de nos pères que je le dis. »

764.

CIC., P. red. in sen. 27 : « Que dirai-je enfin de ce jour-là, destiné par P. Lentulus à devenir pour moi, mon frère et nos enfants un autre jour de naissance, confié non seulement au souvenir de notre époque, mais à celui de tous les temps ? »

765.

CIC., Phil. IX, 4 : « Le Lar Tolumnius, roi de Veïes, fit périr à Fidènes quatre délégués du peuple romain, dont les statues restèrent debout sur les rostres jusqu’à mon époque. Honneur mérité, par lequel nos ancêtres ont conféré à ceux qui avaient affronté la mort pour la République, en compensation d’une courte vie, une mémoire éternelle. » (traduction P. Wuilleumier modifiée, Paris, CUF, 1960).

766.

Ibid. IX, 5 : « Alors lui fut conférée par nos ancêtres, en compensation de la vie, une statue destinée à honorer sa descendance pendant de nombreuses années et à rester aujourd’hui le seul monument d’une telle famille. »

767.

Cf. CIC., inu. II, 1-14 supra p. 73.

768.

CIC., inu. II, 1 : « Il peignit de très nombreux tableaux dont une partie a subsisté jusqu’à notre époque en raison de la vénération attachée à ce sanctuaire… »

769.

Ibid. II, 3 : « Bien des poètes ont transmis leurs noms, parce qu’à leurs yeux elles avaient été distinguées par le jugement d’un homme qui avait dû avoir un sentiment très sûr de la beauté. »

770.

Pour les multiples références de l’expression, qui traduit une connivence entre l’orateur et l’auditeur ou le lecteur, cf. De or. I, 181 ; Brut. 3 ; 39 ; 289 ; nat. deor. II, 6… Cf. supra p. 119 n. 411.

771.

CIC., Brut. 14 : « Tu parles sans doute, dit-il, du livre où il a renfermé en abrégé et, autant qu’il m’a paru, avec beaucoup d’exactitude, l’histoire universelle ? »

772.

Ibid. 19 : « … et ce sont ces livres précisément qui m’ont à moi-même donné l’idée de résumer l’histoire des temps passés et qui ont enflammé mon ardeur. »

773.

Ibid. 26 : « Quand je considère la Grèce, ce qui attire surtout mes regards et se détache, pour ainsi dire, en pleine lumière, c’est ta chère Athènes, Atticus, la ville où pour la première fois un orateur s’est élevé, où pour la première fois l’écriture a conservé le souvenir d’un discours. »

774.

Ibid. 28 : « Quelques années plus tard, comme permettent de s’en rendre bien compte les souvenirs consignés par Atticus, parut Thémistocle, dont la valeur oratoire est aussi bien avérée que la haute intelligence »

775.

Ibid. 39 : « Tu vois, Brutus, comme dans la ville même, qui fut la mère et la nourrice de l’éloquence, celle-ci vint tard à la lumière, puisqu’avant la génération de Solon et de Pisistrate personne n’est mentionné comme ayant eu le talent de la parole. »

776.

Ibid. 52 : « mais venons maintenant à ceux de nos orateurs sur lesquels il est difficile de savoir autre chose que ce que permettent de soupçonner les documents. » (trad. J. Martha modifiée, Paris, CUF, 1923).

777.

La pérennité de la mémoire historique est soulignée dans les passages suivants : CIC., rep. I,16 ; II, 28 ; II, 54 ; III, 14 ; III, 15 (Cicéron parle de documentum sempiternum) ; leg. II, 58.